cent hectares dépasse 40; dans 83 communes, il dépasse 60. Cette
forte proportion de propriétaires est donnée précisément par les
petits propriétaires; s ils ne représentent pas toujours la masse des
terres, ils sont partout le nombre.
Les exemples abondent de cette multitude des petits propriétaires.
A Agny, près dArras, sur 496 propriétaires, 4 possèdent plus de
15 hectares, 25 de 5 à 15 hectares, et 467 moins de 5. A Warlencourt-
Eaucourt, sur 219 propriétaires, 165 possèdent moins de 1 hectare,
37 de 1 à 5, 10 de 5 à 10, 1 de 10 à 15, 3 de 15 à 20, 1 de 20 à 25*
1 de 25 à 30, 1 de 35 à 40.
Dans cette division du sol qui résulte de l’arrivée gi'aduelle des
paysans à la propriété, il y a des degrés que fixe la nature même du
sol; tantôt elle est poussée à l’extrême, tantôt elle s’arrête à un certain
point. Sur les terres fertiles d’une culture très facile ou très
rémunératrice, l’héritage se réduit souvent à de menues dimensions ;
c est le cas pour les vignobles du Laonnais, pour les champs de
légumes qui se pressent à mi-côte sur les pentes sablonneuses des
montagnes de Laon, de Noyon et de Clermont ; pour les jardins et
les aires des vallées humides autour d’Amiens, de Beauvais, de Mont-
didier, d Arras. A Achicourt, près d’Arras, le territoire n ’offre en réalité
qu une poussière de domaines. Sur 478 propriétés rurales, on en
compte :
138 de 1 are à 10 ares 73 ;
117 de 10 ares 73 à 42 ares 91 ;
89 de 42 ares 91 à 1 hectare;
118 de 1 hectare à 5 hectares ;
13 de 5 hectares à 10 hectares;
3 de plus de 10 hectares.
On peut dire que sur ces riches terreaux il n’y a pas de limites à
la division du sol. Il n en est pas de même dans les pays d’élevage.
Tandis que, depuis l’origine du cadastre, les cotes de 8 hectares et
au-dessus, dans le Nord, se sont laissé entamer pour faire place à
de plus petites cotes, on constate une curieuse augmentation pour
1 arrondissement dAvesnes1; et cette augmentation porte sur la
catégorie de 9 à 10 hectares qui partout ailleurs diminue; dans le
pays d’Avesnes et dans tout le voisinage, les cultivateurs mettent
leurs champs en pâtures; pour une pâture, la dimension la plus avantageuse
se trouve aux environs de 10 hectares, chiffre qui marque la
1 Gimel, 410, p. 434. Ailleurs la vigne a produit les effets contraires de la pâture.
limite de l’exploitation d’un ménage, puisque, au delà, il faudrait
prendre un domestique; le paysan qui acquiert de la terre vise donc
à se constituer une pâture suffisante, soit 10 hectares. La même tendance
se remarque dans le Bray et dans les pays d’herbages qui
l’avoisinent ; la culture en herbages clos y oppose à la division du
sol une résistance qui a passé dans les habitudes ; avant la Révolution,
on y constituait des aînés dans les familles de cultivateurs, comme
dans la classe noble, afin de maintenir l’intégrité des herbages.
Le morcellement du sol.
Le grand nombre des propriétaires, la grande division de la
propriété entraînent, comme conséquence inévitable dans ces pays
de culture, le morcellement du sol. Il ne s’agit plus seulement du
nombre des propriétaires, mais des morceaux séparés, isolés, disséminés
dont se compose chaque domaine. En principe, il serait fort
utile à la culture que chaque domaine fût d’un seul tenant, ramassé ;
en fait, il est fractionné, découpé, haché en parcelles. Le fait est fort
ancien. En dépouillant les registres des vingtièmes et des centièmes
pour le village de Beaumetz-les-Loges par exemple, il n’est pas rare
de rencontrer 10, 15, 20, 25 et même plus de parcelles inscrites
sous le même n om 1. Lorsqu’on a construit les lignes de chemins de
fer, les travaux d’expropriation ont permis de compter les parcelles
traversées2 ; sur la ligne de Paris à la Belgique, on en a rencontré 51
par kilomètre, d’une largeur moyenne de 19 mètres ; sur la ligne de
Creil à Beauvais, ce chiffre était 77 ; par contre, en Normandie où
la propriété est moins morcelée, on en trouvait 14 de Beauvais à
Gisors, 12 d’Abancourt au Tréport. La même notion résulte de l’examen
que nous avons fait des communes des arrondissements de
Doullens, d’Amiens et de Montdidier ; sur 340 communes observées,
78 présentent moins de 2 parcelles par hectare, 210 de 2 à 4, 36 de
4 à 6, 16 plus do 6. Cette proportion était jadis plus faible partout et
le morcellement n’a pas cessé de s’accroître. A Achicourt, le nombre
des parcelles cadastrales qui était de 1.999 en 1809, s’élevait à 3.100
en 1898. A Wailly, tous les champs, petits ou grands, se sont morcelés
; il y a des parcelles de 20, 40, 50 centiares ; l’état de section
fait en 1808 y accuse 2.364 parcelles, ce qui donne 39 ares 60 par
parcelle moyenne ; actuellement leur nombre est de 3.700. La conte-
1 Loutschisky, 437, p. 38.
* Haut, 418, p. 62-64.