P e tite s, c’est un sable fin qui compose le sol ; les grands vents de
mer, soufflant à la surface, y déchaussent les betteraves et les rutabagas.
Au Nord-Est de Laon, à Montceau-le-Waast, sur des terres
sableuses pauvres en calcaire et en acide phosphorique, on a dû jeter
de la marne et des engrais chimiques ; il en est de même de toute la
plaine fertile, située entre la montagne de Laon et la Serre, semée de
buttes sableuses : Te blé et les betteraves l’ont maintenant gagnée tout
entière sans qu’un premier coup d’oeil puisse saisir sous l’uniformité
du tableau les différences du fond. Entre Beauvais, Saint-Just, Bre-
teuil et Clermont, c’est le mélange du limon argileux pléistocène
et des sables tertiaires qui compose « le blanc-limon », considéré
jadis comme le meilleur sol à cause de ses éléments meubles ; on lui
préfère maintenant le franc limon argileux, allégé et ameubli par les
façons et le marnage. Parfois l’abondance du sable laisse la culture
impuissante; au sud de Beauvais, à Allonne, beaucoup de champs
sablonneux s’étendent sur les restes du thanétien; maigres et boisés,
on en avait beaucoup défriché; on a dû les reboiser. Ailleurs c’est
l’argile tertiaire que les champs ont conservée. Entre Saint-Quentin
et Le Catelet, sur les territoires de Lesdins, de Levergieset de Gouy,
la ténacité et l’imperméabilité de certains sols viennent de leur mélange
avec des sables verts argileux; tandis que, à gauche delà Serre,
sur Marie, VoyenneetMarcy,le limon se montre homogène et maigre,
les terres de la rive droite, à Pargny-les-Bois, Bois-les-Pargny,
La Ferté-Chévresis, Richecourt, Mesbrecourt, donnent en maints
endroits des sols plastiques, compacts et froids : on trouve même à
Yalécourt un lieu dit la Pâture qui forme une prairie naturelle1.
Si l’existence de ces anciens dépôts tertiaires se révèle dans l’infinie
variété des sols, elle éclate parfois jusqu’au pittoresque dans la
répartition des villages. Entre la Sensée et la Serre, mainte hauteur
porte un couronnement de sable tertiaire dans lequel s’intercalent
des lits argileux ; cette circonstance entraîne la formation d’un niveau
d’eau. Alors que les puits de la craie descendent loin dans le sol,
les puits creusés dans le sable prennent l’eau rà de faibles profondeurs.
Il arrive que dans le même village on trouve les deux types
de puits. A Mesnil-Saint-Laurent, suivant que les maisons se tiennent
sur la craie ou sur le sable, les puits ont 50 ou 10 mètres. A
Ëtaves, la partie Nord du village rencontre l’eau à 6 ou 7 mètres, la partie
Sud à 60 mètres. Tandis qu’àVillers-le-Sec,au Sud-Est de Ribemont
les puits atteignent 100 mètres, on peut, tout près de là, à Renansart,
1 160 (1893, p. 37-66).
puiser de l’eau à 1 et 6 mètres. Aussi les villages évitent les dépréssions
de la craie et recherchent les hauteurs humides : c’est par cette
particularité physique que s’explique la position de Surfontaine, e
Renansart, d’Essigny-le-Grand, d’Itancourt, de Fontaine-Notre-Dame,
de Fieulaine, de Montigny-Carotte, d’Étaves, de Seboncourt, d Oisy-
le-Yerger, de Monchy-le-Preux. A Monchy-le-Preux, 1 eau affleure
partout, en haut du terroir ; l’hygiène en a beaucoup souffert; 1 entretien
des chemins y était devenu pénible; on a dû recueillir 1 eau a
la naissance des sources et la conduire par des drains jusqu a la
craie des parties basses; elle n’inonde plus les routes et ne forme
plus au cours de l’hiver les véritables étangs gelés qu’on hésitait a
traverser. Tous ces villages de hauteurs, cachés dans leur bouquet
d’arbres, entourés de jardins et de vergers, ressemblent à des oasis
éparses sur la craie. Lorsque les lambeaux tertiaires prennent un peu
d’étendue, le paysage se transforme au point de laisser croire momentanément
à l’apparition d’une nature nouvelle. ABusigny, au Nord de
Bohain, les argiles et les sables s’étalent sur une surface continue
de plusieurs kilomètres carrés ; c’est aussitôt un tableau imprévu de
pâturages verdoyants qui interrompent les champs de betteraves et
les houblonnières, de fontaines d’eau limpide et fraîche, d étangs
poissonneux où l’on voit, chose inouïe pour des Picards et vantee
aux alentours, des gens se baigner; des noms de lieux caractéristiques,
le Yivier, le Yert Donjon, La Haie Menneresse, évoquent
-cette nature humide; et les maisons, dégagées brusquement de la
loi rigoureuse qui, sur la craie, les groupe en gros villages, se desserrent,
s’éloignent les unes des autres et se répandent sur cette surface
où l’eau se trouve presque partout à la portée de la main. Toujours,
lorsque les mêmes conditions se renouvellent, reparaît a
même vision; la butte de Saint-Josse, près de Montreuil, coupée de
ravins creux où circulent des sources, ombragée de pommiers et de
grands arbres, ressemble, lorsqu’on la compare aux côtes blanches
et nues qui lui font face à Étaples, aux frais bocages des régions
humides. Ainsi se révèle partout, à la surface de la craie, par quelques
touches gracieuses et imprévues dans l’ensemble monotone
du tableau, le semis des argiles et des sables oubliés par l’érosion.
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LES LIMONS
Des dépôts tertiaires, la craie n’a gardé que des lambeaux, des
témoins. Mais les dépôts pléistocènes, les derniers en date, couvrent