Anvers. De tout ce mouvement de voyageurs et de marchandises, de
cette multiplication des moyens de transport, il résulte que le pays
peut non seulement recevoir en abondance les denrées dont il a
besoin et exporter les produits de son travail, mais encore recueillir
au passage les bénéfices moraux de cette circulation enfiévrée, et
garder au contact des étrangers et au spectacle des choses nouvelles
cet éveil de l’intelligence qui est l’ennemi de la routine et la condition
du progrès. Il y trouve enfin un autre intérêt matériel : c’est
l’entretien d’une population nombreuse employée dans l’industrie
des transports. Les chemins de fer occupent dans l’Aisne 5.084 personnes
dont 2.779 pour l’arrondissement de Laon; 11.397 dans le
Nord, 3.527 dans l’Oise, 4.834 dans le Pas-de-Calais, 4.711 dans la
Somme (2.390 dans l’arrondissement d’Amiens)1 ; ce sont des chiffrés
qu’atteignent bien peu de départements français. Cette population
a même créé des agglomérations originales dont l’existence repose
tout entière sur l’exploitation de la voie : ainsi ces grandes gares de
croisement, comme Tergnier, Busigny, Longueau, naguère encore
humbles villages de cultivateurs, maintenant cités d’ouvriers, pleines
du fracas des ateliers et des machines.
1 D’après Résultats statistiques..., 366.
CHAPITRE XIY
L E S É TA B L I S S EMEN T S HUMA INS. LE CHAMP . COMMUNAUX.
P R O P R I É T É S . EXP LOI TAT IONS
I. Les comm u n au x . P â tu re s com m u n a le s. Décadence de la p ro p rié té comm u n a le .
II. Les p ro p rié té s. Les p ro p rié ta ire s . L a p ro p rié té pay san n e . La division
du sol. Le m o rc e llem en t du sol.^— III. Les e x p lo ita tio n s . Les tr è s p e tite s exp
lo ita tio n s . Les g ran d es ex p lo ita tio n s. C a ra c tè re de 1 ex p lo ita tio n o rd in a iie .
le type du cu ltiv a te u r-p ro p rié ta ire .
Parmi les rapports qu’on peut entrevoir entre l’homme et le
milieu naturel, il n’en est point de plus étroits, de plus féconde que
ceux qui naissent entre la terre et celui qui l’occupe. Comment se
répartit la terre entre les habitants d’un pays ? Comment se distribue
cette richesse naturelle entre ceux qui l’exploitent et qui en
vivent? Rien n’est plus attachant que cette étude, surtout dans ces
plaines fertiles que la culture a conquises par un travail séculaire.
Par leur fécondité naturelle et par leurs qualités acquises, les terres
de Picardie, d’Artois, de Cambrésis et de Beauvaisis ne pouvaient
échapper à l’appropriation privée ; les biens communaux ne s’adaptent
guère aux procédés de culture perfectionnée, aux méthodes de
production intensive. Tandis qu’on rencontre 51 p. 100 de biens
communaux dans les Hautes-Alpes, 12 dans les Landes, 8 dans les
Ardennes, on les voit se réduire jusqu’à 2 dans l’Aisne, l’Oise, le
Nord et le Pas-de-Calais, 1 dans la Somme1. C’est la propriété
privée qui règne en souveraine sur tous ces champs où la main de
l’homme ne laisse presque plus un coin sans sillon, presque plus un
sillon sans semence. La forme de la propriété resuite de la valeur
de la terre. Mais de cette propriété privée, ce ne sont pas les cultivateurs
qui sont les seuls propriétaires. Entre la terre et le
laboureur, il existe très souvent une barrière, édifice politique et
social, oeuvre des lois et des coutumes, qui est le droit de propriété.
Le champ n’appartient pas à celui qui l’exploite. Le cultivateur
* Graffin, 413, p. 270.