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 Scarpe, l’Escaut et la  Sensée.  Son nom d’origine germanique (canton  
 oriental ou  pays  de  l’Est)  montre qu’il  fut constitué  sur un  territoire  
 récemment peuplé  par  des Germains^;  couvert  de forêts,  il formait la  
 marche  orientale  de  l’Artois ;  des  abbayes  vinrent  se  fonder  en  
 nombre  inusité.  Cette  situation  frontière  explique  pourquoi  durant  
 une partie  du Moyen Age  la  suzeraineté  de l’Ostrevent  entretint une  
 controverse  entre  la  France  et  l’Empire.  L’Ostrevent,  après  avoir  
 formé  un  comté  féodal,  fut  peu  à  peu  réduit  à  l’unique  châtellenie  
 de  Boucliain,  et,  si son nom n’a pas disparu,  c’est  qu’il fut longtemps  
 porté par l’archidiaconé d’Ostrevent. Maintenu  il  a  perdu  toute  existence  
 réelle,  tout  contenu;  au  milieu  des  hauts  fourneaux  et  des  
 houillères,  l’Ostrevent fait songer  à un homme des temps  passés  qui  
 reviendrait,  inconnu  et  suranné,  parmi  les  foules modernes.  Quant  
 au pagüs Atrebatensis,  composé  des doyennés d’Arras,  de Croisîlles,  
 de  Bapaume,  de  Pas,  d’Aubigny,  d’Houdain,  de  Béthune,  de  La  
 Bassée,  de Lens,  c’est l’Artois  primitif  (Pagus Adratensis  799, Ader-  
 tisus  853);  il  doit  son  nom  à  Arras,  sa  capitale-  vers  le  Nord,  il  
 s’étend jusqu’à  la vallée  de  la Lys,  au  delà de  laquelle  commence  le  
 Saltus  sine  misericordia.  Mais  rien  ne  fut  plus  Variable  que  cette  
 étendue,  et rien  n’est  moins  définissable  que  l’Artois.  Devenu  terre  
 féodale,  il comprend,  à partir du début  du xine  siècle,  non seulement  
 le pagus  Atrebatensis  ou Arehidiaconé  d’Artois;  mais  encore  tout le  
 territoire  du  diocèse  de  Thérouanne  (Ternois  et  Boulonnais)  :  c’est  
 ce  comté  d’Artois  qui  fut  donné  en  apanage  par  saint Louis  à  son  
 fils Robert (1237);  c’est  le  même  que  nous  retrouvons  en  1380. Au  
 commencement  du  x v i i®  siècle,  il  passe,  diminué  du  Boulonnais  et  
 du Pays Reconquis,  dans  le domaine  de la Maison  d’Autriche,  puis,  
 en  1659,  il  retourne  en  cet  état  à  la  couronne  de France pour  constituer  
 le  gouvernement d’Artois;  il n’embrasse plus  alors  en gros que  
 les  deux  anciens  pagi, Tervanensis et Atrebatensis. Parmi toutes  ces  
 évolutions,  sous  quelle  forme  faut-il  se  représenter  l’Artois?  Est-ce  
 l’archidiaconé  d’Artois?  Est-ce  le  comté  féodal  d’Artois?  Est-ce  
 l’Artois royal? En  réalité, la notion  d’Artois n’a pas  cessé  de  varier;  
 elle  n’a jamais  eu  que  la  valeur  temporaire  d’un  assemblage  administratif. 
   Rien  n’est plus  fragile,  plus  fugitif que  la  trace  des  limites  
 que  la nature n’a  point préparées.  Déjà maintenant, en plein  Artois,  
 on ignore l’Artois ;  il  nous est  arrivé  entre Arras  et Doullens d’interroger  
 sur  ces  vieilles  divisions  des  gens  du  pays;  l’Artois  royal  est  
 loin  de  leur  mémoire;  mais  personne  n’hésite  sur  les  limites  des  
 départements  du  Pas-de-Calais  et  de  la  Somme ;  les  divisions  les 
 plus  jeunes  supplantent  les  anciennes  qui,  justifiées  un  temps  par  
 les  habitudes  administratives,  ont  perdu  leur  seule  raison  d être  
 depuis que  ces  habitudes  n’existent plus. 
 Amiénois. 
 De  la  cité  des  Ambiani  est  né  le  diocèse  d’Amiens  dont  le  territoire  
 fut divisé  à  l’époque  franque.  Comme  si  le  morcellement  des  
 cités  était en  rapport  avec  le  nombre  des  habitants  et  la  fertilité du  
 territoire,  cette  riche  cité  donna  trois  pagi  :  le  pagus  Ambianensis,  
 le  pagus  Pontivus  et  le  pagus  Viminaus  :  Amiénois,  Ponthieu  et  
 Vimeu. 
 Du  pagus Ambianensis  on  a fait  l’Amiénois.  Que faut-il entendre  
 par Amiénois1 ? Sans  nul doute,  au début,  l’étendue de l’archidiaconé  
 d’Amiens  qui comprenait les  doyennés  d’Amiens,  d’Albert,  de Conty,  
 de  Davenescourt,  de  Doullens,  de  Fouilloy,  de  Grandvillers,  de  
 Lihons,  de  Mailly,  de.Montdidier,  de  Roye,  de Moreuil,  de  Picqui-  
 gny,  de  Poix,  de  Rouvroy,  de  Yignacourt.  Mais  cet  Amiénois  du  
 Moyen  Age  était  beaucoup  plus  vaste  que  l’Amiénois  moderne ;  au  
 même mot ne  correspondaient plus ni la même définition, ni la même  
 extension;  au  xvme  siècle,  parmi  les  divisions  du  gouvernement  de  
 Picardie,  on  voit  figurer  un  Amiénois  dépouillé  des  doyennés  de  
 Lihons,  de Montdidier  et  de  Roye.  Comme  très  souvent  en  pareil  
 cas,  l’Amiénois  finit  par  prendre  le  sens  vague  de  circonscription  
 .administrative  d’Amiens. 
 Par  contre,  le  Santerre2,  sur  lequel  empiète  l’Amiénois,  se présente  
 comme  une  unité  naturelle.  Plaine  fertile  sans  relief  et  sans  
 vallée,  recouverte  d’un limon  épais,  ce  fut très  tôt  un  terroir réputé  
 pour  ses  ressources  agricoles.  César  ne  le  nomme  pas ;  mais  il  
 remarque plusieurs  fois  les  récoltes  en  céréales  de  cette  contrée.  Le  
 Santerre,  mentionné  en  883  (Sana  Terra),  était  destiné  par  cette  
 fécondité  même à  rester partagé;  la limite  des Ambiani  et  des Viro-  
 mandui  le  coupait  en  deux  comme le montre  l’ancienneté  des  noms  
 de  lieux  (Marcheterre,  Fins,  Yermandovillers).  En  1066-1067,  un  
 diplôme de  Philippe Ier lui  donne la  qualification  de  comté  :  toutefois  
 il  n’y  faut  voir  que  le  comté  féodal  de Montdidier.  Mais  cette  unité  
 physique dans laquelle taillèrent limites anciennes et limites modernes  
 reste  toujours  dans  l’esprit  populaire  un  canton  bien  défini  par  la 
 1  Sur  l’Amiénois,  voyez  Desnoyers,  399,  p.  547-548;  de Witasse,  471,  p.  5-7;  Lon-  
 gnon,  435,  p.  127. 
 ! Sur  lo  Santerre,  voyez  Desnoyers,  399,  p.  268-269,  p.  553 ;  de  Witasse,  471, p.  5-7.