régions herbagères, au Charolais, au Nivernais, à la Mayenne, à la
Normandie. L’engraissement dure de 90 à 120 jours pendant l’arrière
saison. Cette coutume, conforme au caractère de la culture
locale, présente le double avantage d’utiliser les déchets de betteraves
et de fournir beaucoup de fumier; on la rencontre, pratiquée en
grand, dans les fermes annexées aux usines, aux distilleries, aux
sucreries, aux brasseries; en 1900, on comptait sur le seul te rritoire
de Roye 320 boeufs. L’abondance de la nourriture forte permet
aussi le développement de la production du lait ; partout où les
vaches reçoivent pulpes, tourteaux, drèches, on atteint des rendements
étonnants ; le lait et le beurre s’expédient soit à Paris, soit
au pays minier. Manquant d’espace libre, d’herbages, ce pays de
culture intensive ne voit naître ni les chevaux qu’il occupe, ni les
boeufs qu’il engraisse, ni même souvent les vaches qu’il nourrit.
L’élevage est, en réalité, un succédané de la culture. -
Tout autre apparaît la région occidentale. Les cultures riches rapportent
moins sur ces terres difficiles. Mais on y rencontre des conditions
meilleures pour l’élevage, plus d’humidité atmosphérique, un
sol plus imperméable, plus longtemps mouillé ; c’est le pays des
pâtures grasses, des herbages. Ces herbages se sont en grande partie
formés auxdépens des céréales. On débarrasse soigneusementle champ
des mauvaises herbes, cypéracées, joncées, centaurées, chardons ;
on y sème de bonnes graines de prairies ; on y répand des engrais.
L ’enclos abandonné àlui-même se couvre d’une herbe queles engrais
des bestiaux améliorent continuellement. Ces herbages ou pâtures
sont entourées de haies vives, très fortes, et plantées d’arbres ; chaque
jour il s’en crée de nouvelles aux dépens des terres labourables.
Dans les arrondissements d’Avesnes et de Vervins, la culture recule
devant la pâture; en maintes communes les terres en herbe ont une
étendue égale aux terres à labour ; de ce côté, les plaines de blé et
de betteraves s’arrêtent sur une ligne Nord-Sud qui passerait par Le
Quesnoy, Catillon-sur-Sambre, Guise, Sains, Vervins, Rozoy-sur
Serre. Du côté de la Normandie, l’herbage s’avance jusqu’à Marseille-
le-Petit, Grandvillers, Poix, Hornoy, Camps-en-Amiénois, Etrejust,
Hallencourt; sur tout ce territoire, les pâtures se groupent autour
des villages qu’elles bordent d’une zone verdoyante; parfois elles
envahissent les champs. C’est la même disposition au Nord-Ouest
d’une ligne qui passerait par Abbeville, Auxi-le-Château, Frévent,
Saint-Pol et Aire. A cette extension des pâtures autour des villages
agricoles il faut ajouter, dans les champs cultivés où les céréales
rapportent peu, un développement inusité des plantes fourragères.
De cette alliance étroite de la culture et de la pâture naissent les
combinaisons les plus ingénieuses pour l’élevage du bétail. Le cultivateur
ne vise plus seulement la production du laît et delà viande ;
il se livre encore à l’élève des jeunes qui demande beaucoup de soins;
ailleurs il s’occupe du dressage des jeunes chevaux; ailleurs enfin
il nourrit des porcs. Parfois toutes ces spéculations se poursuivent
aux mêmes endroits ; toute la culture se tourne alors vers la production
du bétail. Deux régions nous offrent les types les plus parfaits
de cetélévage intensif, combinaison de la pâture et de la culture
: les environs deFormerie et le Haut-Boulonnais.
Sur la frontière de la Normandie, avant d’atteindre la zone purement
herbagère qui s’occupe exclusivement d’exploiter les vaches
laitières et les porcs, ou bien d’engraisser les bestiaux, on traverse
autour de Formerie une curieuse région mixte où la moitié des cultivateurs
sont en même temps herbagers ; la grande fortune provient
de la vente du lait et du beurre ; on expédie le beurre aux Halles de
Paris, avec la marque de Gournay ; le petit lait sert à engraisser des
veaux et à élever des porcelets. Dans le Haut-Boulonnais, la culture
a pour mission de produire la nourriture du bétail; parfois on distribue
aux animaux l’avoine, le seigle et même le blé; tout ce que
produit la terre tend à se transformer sur place en chair vivante. A
Courset, contre 900 hectares de cultures, on compte 124 hectares de
pâtures ; on vend annuellement 100 moutons, 80 vaches, 10 chevaux.
Le revenu du paysan ne s’exprime plus ici par le rendement en
hectolitres de céréales ou par le nombre de tonnes de betteraves,
mais par les têtes de bétail. La commune de Longfossé possède
60 poulinières, 50 poulains, 200 vaches laitières, 70 génisses, 60
veaux, 200 brebis, 80 truies, 65 porcs. A Pihem, près de Lumbres,
on vend chaque année 20 chevaux et poulains, 100 vaches et veaux,
110 moutons, 700 porcs. A Bainghen, on vend 20 poulains, 6 vaches,
25 génisses, 520 porcs, 250 moutons. Sur l’ensemble du pays de
craie, les conditions naturelles du sol ont déterminé deux formes de
culture qui entraînent chacune un type particulier d’élevage ; il reste
à savoir comment chacun des animaux domestiques s’est accommodé
au milieu naturel et agricole qui l’a reçu.
Le mouton.
Par la nature sèche de leur sol crayeux, les plaines de Picardie,
d’Artois, de Gambrésis, semblent, tout autant que la Champagne et
le Berry, convenir au mouton. En fait, la laine des troupeaux picards