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 de  la  région,  qui  
 s’étend entre la Somme  
 et la Normandie au Sud-  
 Ouest  de  la  Picardie.  
 On  en trouve des exemples  
 surprenants  en  
 Normandie où l’on peut  
 observer entre l’Eaulne  
 et la Béthune une agglomération  
 de  quatre villages  
 soudés  bout  à  
 bout  sur  une  longueur  
 de 17 kilomètres (Saint-  
 Nicolas  d ’Âliermont,  
 Notre-Dame  d’Alier-  
 mont  Sainte-Agathe,  
 Croudalle).  Le  même  
 phénomène  se  reproduit  
 Fig.  33.  ■—  Wavignies.  Ansauvillers.  Agglomérations  
 rurales  dédoublées  au  contact  d’une  route. 
 en plusieurs  endroits  du Yimeu :  ainsi, Woincourt, Yzengremer  
 et Méneslies  ne forment qu’une seule rue  de quatre kilomètres. Entre  
 Formerie,  Songeons  et Grand-  
 villiers, la majorité des villages  
 adoptent  cette forme  allongée : 
 Bouvresse,  Boutavent,  Cam-  
 peaux,  Mureaumont,  Morvil-  
 lers,  Moliens.  Cette  curieuse  
 disposition  permet  de  conserver  
 l’agglomération  en  développant  
 les  pâtures  ;  c’est  un  
 phénomène local, produit d’une  
 obligation  physique  et  d’une  
 nécessité  agricole.  En  arrière,  
 vers  les  champs,)les  herbages  
 peuvent s’étendre, tandis qu’en  
 avant,  vers  la  rue,  les  habitations  
 à peine  espacées maintiennent  
 auprès  d’elles  les  
 Fig.  34.  —  Estrées-Saint-Denis  (Oise).  Agglomérations  
 rurales  dédoublées  au  contact  
 d’uné  route. 
 avantages  du  groupement,  
 c’est-à-dire  le  chemin  et  l’eau  (fig.  31  et  32). 
 On  rencontre  d’autres  agglomérations,  moins  simples  déformés, 
 et  de  composition  disparate.  C’est  un  fait  constant  que  les  grandes  
 routes,  tracées  en  ligne  droite  pour  joindre  les  villes  entre  elles,  
 laissent  de  côté  les  villages;  mais  ceux-ci  vont  à  elles;  chez  beaucoup  
 d’entre  eux,  on  remarque la juxtaposition  de  l’antique  groupement  
 qui  se  serre  autour  de l’église  et  de  la  nouvelle  agglomération  
 qui  se développe le long de la  route  :  Estrées  Saint-Denis,  Blincourt,  
 Étouy,  Bue-Saint-Pierre,  Wavignies,  Bouchoir,  Sailly-Saillisel,  Le  
 Transloy. A Chiry  et  à  Bibécourt  (Oise),  
 le  village  olfre  deux  sections  dont  l’une  
 représente l’ancien  centre  et  l’autre  constitue  
 une  nouvelle  et  large  rue  sur  la  
 routé  de  Paris  à   Saint-Quentin  (fig.  33). 
 Quelle  que  soit  la  variété des  formes  
 et  des  contours  qui  différencient  entre  
 eux  tous ces villages  comme autant  d’individus  
 d’une même  colonie,  quelles  que  
 soient  les  circonstances  qui  détournent  
 une  partie  d’entre  eux  vers  les  occupations  
 industrielles,  ce  qui  les  rapproche, 
   ce  qui  fait  au  fond  leur  caractère  
 spécifique, c’est leur unanimité dans  
 le  travail  agricole.  Cette  fonction  commune 
 a  créé,  dans l’habitation  et dans  le  
 Fig.  35.  —  Caudry  (Nord).  
 Exemple  d’attraction  d’uno  
 voie  ferrée  su r  une  agglomération. 
 village,  de  véritables  organismes  adaptés  à  la  culture  et  à  ses  
 conditions  locales.  Il  n ’est  point  jusqu’au  langage  populaire  qui  
 n’exprime,  dans  les  dénominations  locales  des  lieux  habités  et  
 des  lieuxdits,  ces  préoccupations  journalières  du  paysan  et  qui  
 ne  révèle dans  son esprit la même  adaptation,  la même conception du  
 milieu  extérieur.  Certes,  l’homme  de  la  terre  ne  passe  pas  sans  la  
 voir  au  milieu  de  la  nature ;  il  trouve,  pour  en  désigner  les  couleurs  
 et  les  formes, les  aspects  et  les  scènes,  des  expressions ingénieuses, 
   concises  et  vraies;  tantôt elles  marquent une vague impression  
 d’ensemble  :  Beauregard,  Bellevue,  Beaumarais,  Beaumont,  
 lîeaulieu;  tantôt  c’est  une  sensation  précise  :  Noirval,  Blancmont,  
 IUanc-M useau,  Blanc-Fossé,  Blanche-Borne,  Montagne-Blanche,  le  
 Bouquet-Blanc,  le Muguet,  les  Bleuets;  parfois  c’est le  souvenir des  
 oiseaux  qui  chantent  (Cantemerlc),  des  grenouilles  qui  coassent  
 (Cantereine) ;  c’est  aussi  l’évocation,  souvent  familière,  d’une fatigue  
 éprouvée  :  Hurtevent,  le  Paradis,  Hurtebise,  Boutavent,  Yentecul,  
 Piraller,  Cul  d’Enfer,  le  Terroir  Perdu,  Trou  Perdu,  ou  bien  la  
 crainte  d’un  danger  (Coppegueule). Mais  le  langage  populaire  des 
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