un assolement beaucoup plus méthodique ; une plante sarclée alterne
avec une plante salissante, une racine avec une céréale1. Parfois
même on ne suit pas d’assolement régulier; le cultivateur règle sa
culture sur l’état du marché et la nature du sol. Cet assouplissement
de la terre qui est la marque propre du travail humain avait été
atteint en Flandre bien avant d’être tenté chez nous. C’est elle qui fut
l’initiatrice.
. Les emprunts qu’on lui fit portent aussi bien sur les détails que
sur les méthodes essentielles de l’art agricole. Avant l’introduction
des variétés étrangères, les meilleurs cultivateurs du Santcrre firent
longtemps venir leurs blés de semence d’Hazebrouck et de Bergues2.
La culture des graines grasses et du lin est d’origine flamande. A
partir de 1830, l’usage de la charrue flamande, dite Brabant, à
oreille fixe, devint très commun dans le Santerre. Autour d’Heuchin
et de Fruges, il arrive qu’on ne coupe pas le blé à la faux; on le
« sape » ; l’instrument est une petite faux, appelée p ic ; de la main
droite, l’ouvrier « sape » tandis que, de l’autre, il ramasse avec le*
hoquet (crochet); moins pénible à manier que la faux, le pic permet
aux femmes de moissonner ; c’est l’outil de la petite culture ; il vient
de Flandre; longtemps ce furent uniquement des ouvriers belges et
flamands, mieux exercés, qui le maniaient pendant la moisson. L’habitude
de mettre le blé en moyettes ou hutelottes, où les grains non liés
sont dressés les uns contre les autres les épis en l’air en un cône à
base large, puis recouvert avec du blé dont les épis pendent ou bien
avec de la vieille paille, et fortement serrés par des liens, vient
aussi de la culture flamande; c’est ainsi que souvent encore dans le
Santerre on conserve le blé fauché avant de l’engranger.
L’influence flamande, visible partout dans la culture, s’est étendue
au bétail. Elle a pourtant laissé dans le Haut-Boulonnais un îlot
rebelle où le vieil assolement se maintient encore, où le paysan
soigne avant tout ses chevaux, où la rigueur du climat et les accidents
du sol ont à la longue façonné une variété locale de vache de
petite taille, impropre à l’engraissement. Mais, en dehors de cette
région difficile dont la nature physique écarta longtemps les voies
de communication, toutes les campagnes du Pas-de-Calais, de la
Somme et de l’Oise se sont peu à peu groupées dans l’aire géographique
du bétail flamand. La vache flamande, au pelage rouge,
s’avance vers le Sud à la faveur d’un climat qui ne l’éloigne pas
4 Sur ces progrès agricoles, voyez Pas-de-Calais, 572, IV, p. 151-159; Buteux, 279;
Hiver, 292.
4 Hiver, 292, p. 142.
trop des conditions atmosphériques du Bas-Pays ; sur ces sols
impropres à l’engraissement des animaux, elle trouve maintenant
partout les nourritures les plus favorables au développement de ses
grandes qualités laitières; ce sont des génisses flamandes qu’on vend
sur le grand marché de bestiaux de Breteuil (Oise) ; c’est grâce à la
vache flamande que, dans tous ces pays de culture, la production laitière
a pu devenir pour presque toutes les fermes la plus fructueuse
des spéculations. Les moutons des troupeaux de l’Artois et de la
Picardie descendent du mouton flamand, venu lui-même des côtes de
Guinée par l’intermédiaire du Danemark et de la Hollande; malgré
leur croisement avec les Dishley et les Dishley mérinos, ce sont toujours
par leur taille et leurs dimensions les animaux des terres fortes,
gros mangeurs, plus propres à donner de la viande que de la la in e1.
Par l’évolution de leur activité industrielle et agricole, on voit
que l’Artois et la Picardie ont toujours Vécu dans la dépendance de
la Flandre et de l’Angleterre. Par intérêt, ces provinces se tournaient
naturellement vers les contrées voisines où le travail humain avait
trouvé ses formes les plus parfaites et ses applications les plus intelligentes;
malgré l’attraction de Paris, cette orientation vers le Nord,
qui se révèle comme leur première démarche économique, n’est
devenue de nos jours ni moins constante ni moins nécessaire.
Ces échanges de produits, cette pénétration d’influences exigeaient
des communications faciles. En fait, il n ’existe pas de pays
mieux pourvu de routes de toutes sortes. Leur originalité est de
dépasser, sur de colossales proportions, les besoins de la circulation
dont nous connaissons les éléments; elles ne sont pas construites à
sa mesure ; elles l’ont même devancée. C’est que par sa position le
pays est une zone intermédiaire entre les régions riveraines de la
Manche'et de la mer du Nord et les régions méridionales de la France,
et que par sa nature facile il était destiné à rassembler en un faisceau
toutes les routes unissant ces deux groupes de régions. On
applique parfois aux parages des sources de la Somme et de l’Escaut
le nom de Seuil du Yermandois. En réalité, le seuil est beaucoup
plus large que ne le laisserait entendre cette expression; il faut
l’étendre au territoire sans obstacle, sans relief, presque sans
riviere transversale qui séparé les hauteurs accidentées du Boulonnais
des plateaux humides et boisés de la Thiérache et du Hainaut ;
il s ouvre largement vers les Pays-Bas, au Nord de la Somme, par
les plaines d’Arras, de Bapaume et de Cambrai. Ici, toutes les grandes