aussi les fortes pluies de la troisième période survenant après cet
été chaud n imbibent le sol que progressivement et c’est avec lenteur
que la rivière monte vers son niveau d’hiver, sujette encore, dès
que les pluies s’arrêtent, à des dépressions profondes.
Ainsi le débit des rivières dépend du débit des sources ; il reproduit
les variations de la nappe aquifère. Parfois pour des raisons
artificielles il se produit localement une curieuse inversion de ce
régime ; fréquente autrefois, elle est plus rare aujourd’hui parce
que le cours de la Somme se trouve moins entravé; à une époque
où de nombreux moulins la barraient encore, il arrivait très souvent
que les eaux fussent plus basses l’hiver que l’été ; c’est que, dans
cette rivière déjà ralentie artificiellement, l’abondance des herbes
achevait d’encombrer le lit ; mais, en faucardant, on nettoie pendant
1 été comme la nature le fait l’hiver et l’on ramène les eaux à des
conditions normales. En été, elles subissent le sort des sources qui
déclinent et qui baissent. Pendant l’année, elles suivent d’autant
mieux leurs oscillations que le point considéré se trouve situé
plus haut dans la vallee. En Juillet 1858, la sécheresse fut si grande
que la rivière de Montdidier ne coulait plus ; son lit restait à sec
depuis le moulin d’Ayencourt jusqu’aux sources de Rubescourt;
tout l’été, on put s’y promener à travers quelques flaques d!eau ;
en Décembre seulement, on vit reparaître un filet d’eau. En 1859, on
y souffrait encore de la sécheresse; le moulin de la Porte de Paris,
à Montdidier, chômait depuis quinze mois et ne devait tourner
qu’en Mars 1860 après deux ans d’arrêt ; l’eau revint en Janvier
1860. En Septembre 1864, même fléau : c’est à peine si la
fontaine des Blancs-Murets, au pied de Montdidier, suffit à remplir
les tonneaux des villages du plateau; l’abreuvoir qu’elle alimente
n est plus qu une mare; toutes les campagnes voient ayec terreur
1 eau qui se n fu it1. Par ces vicissitudes des sources et des rivières
dans les vallées, on peut juger de ce que devient sur les plateaux
l’approvisionnement en eau.
IV
LES MARAIS
P a r la faiblesse de leur pente, par la largeur de leur fond plat,
par 1 epanchement continu des sources, les vallées sont devenues de
véritables régions aquatiques (pl. VII).
Duchaussoy, 172 passirn.
L’eau ne parvient pas à s’écouler. Incertaine, elle s’attarde en
longs méandres et se répand en bras parasites chargés d’anastomoses.
Les affluents ne se décident pas à rejoindre les rivières; la jonction
des eaux se fait en aval de la rencontre des vallées ; parfois elle est
retardée indéfiniment, car, la rivière coulant dans un lit renflé, plus
élevé que le fond de la vallée, les eaux latérales ne peuvent circuler
que parallèlement à elle. La Souche suit la Serre, la Serre suit l’Oise
pendant longtemps avant de confluer. Les eaux de la Selle se perdent
en aval d’Amiens dans les canaux des faubourgs de Hem et de la
Hotoie. L’Avre se divisait autrefois en deux bras dont l’un se jette
encore à Camon; l’autre, le bras de gauche, maintenant régularisé,
courait parallèlement à la Somme par La Neuville sous le nom de la
Bavette et formait l’un des canaux d’Amiens. La Somme elle-même
se sépare en bras nombreux sur lesquels . Amiens « la Yenise du
Nord » établit ses moulins. A Abbeville, sa vallée était, dans son état
naturel, sillonnée par de nombreuses « rivières », les rivières de
Penne, des Herbillons, des Pêcheurs d’eau douce; de Taillesac, etc.
Un peu en amont d’Abbeville, trois « rivières » (Bray, Bellifontaine,
Vicomtesse), traversent les marais de Bray-les-Mareuil ; grâce à
elles, on peut, sans utiliser la Somme, gagner Abbeville en barque ;
jadis, à la belle époque des tourbières, les tourbiers se rendaient
ainsi de Bray au faubourg de Rouvroy. Autour de Beauvais, la vallée
duThérain est parcourue de canaux, de fossés, de rigoles ; l’un d’eux
limite la commune de Saint-Just. Tous ces canaux peuvent être sans
peine détournés, corrigés, divisés ; il est parfois difficile d’y démêler
dans leur tracé actuel la part de l’homme et la part de la nature. Au
sud d’Ayencourt1, près de Montdidier, la rivière des Dons passait
autrefois au milieu de la vallée. A Cambrai, l’Escaut se partageait en
petits bras, appelés Escautins et Escaudiaux, dont le parcours a beaucoup
varié. La position de ces rivières dans la plupart des villes
n ’est bien souvent qu’une question administrative ; on peut la modifier
selon les convenances du public ; tout est permis sur ces rivières
tranquilles et condescendantes.
Aussi l’état marécageux des vallées est-il, pour une bonne part,
l’oeuvre de l’homme. On peut dire qu’au xvme siècle encore la vallée
de la Somme était une suite d’étangs, de marais et de biefs inondés,
construits de main d’homme. Au début du xvuie siècle, en amont de
Saint-Quentin seulement, on voit quatre énormes étangs retenus par
des digues transversales2. De Saint-Quentin à Sailly-Lorette, la
* Beauvillé, 476, II, p. 315-319.
8 Carte particulière des environs de Cambrai. Bruxelles, Friex, 1710.