marché d’Abbeville pour ¡’approvisionnement de Paris *. Au xvie siècle
les marins Abbevillois péchaient le hareng à Maies trom, en Norwège ;
en 1531, leur corporation mit 500 hommes sous les armes lors du
passage de la reine d’Angleterre \ Mais surtout Abbeville servait
d’entrepôt à un grand commerce maritime ; par là pénétraient en
Picardie des draps, des cuirs, des métaux, des bois, des vins du
Midi, des épiceries, des pelleteries, etc... Vers 1210 un règlement du
comte de Ponthieu impose aux navires du port l’obligation de faire
relâche au Crotoy et non à S ai n t-Valéry8. Au xive siècle, « l’Enseigne
de la Mer » d’Abbeville fournit 12 grosses barques à la bataille de
l’Ecluse : ce qui lui donne le troisième rang parmi les ports de la
Manche, après Dieppe et Caen qui fournirent l’un 28, l’autre 18 barques4.
A la fin du xve siècle, les chantiers d’Abbeville construisaient
des bâtiments de 70 à 100 tonneaux : on y comptait 200 charpentiers
de marine et 100 maîtres capitaines de navires qui naviguaient dans
le Nord, sur les côtes d’Espagne et dans la Méditerranée; les capitaines
habitaient la cliaussee d’Hocquet, à Rouvroi et à Sursomme.
Au xviii6 siècle encore, Abbeville entretenait des relations avec les pays
d’outre-mer : 334 navires y entraient en 1767 5. Le canal de la Somme
fut créé pour améliorer la route dans la haute baie ; mais à quoi pouvait
servir une route dont l’entrée s’obstruait? Le mouvement du port qui
comportait en 1860 87 navires, 6.674 tonnes et en 1872 210 navires,
16.859 tonnes n ’arrivait en 1885 qu’à 21 navires, 2.370 tonnes pour
l’entrée, 32 navires, 2.344 tonnes pour la sortie. L’activité s’éteint
peu à peu, car, en 1901, 15 navires seulement entraient portant
1.791 tonnes ; à la sortie, 1.540 tonnes de phosphate partaient pour
l’Angleterre. Même décadence pour Le Crotoy6. En 1253, Jeanne de
Dammartin, veuve du roi de Castille et de Léon, y arriva d’Espagne
avec une suite nombreuse. Les vins à destination de Rue, de Saint-
Riquier, de Crécy, d’Hesdin débarquaient au Crotoy. A la fin du
xive siècle, le port expédiait beaucoup de guède, et, sous la domination
anglaise, recevait les vins du Midi et les laines d’Espagne.
Mais ces belles destinées ne durèrent point. Déjà délaissé par le
commerce, Le Crotoy fut complètement abandonné après les travaux
* Louandre, 564, II, p. 361.
! Thierry, 588, IV, p. 371.
3 Jd., 588, IV, p . 20.
4 Id., 588, IV, p . 103.
5 Louandre, 564, II, p. 363-365.
0 Sur Le Crotoy, voyez Beauvillé 477, II, p. 101; Prarond, 580, II, p. 165 : Ports maritimes,
266, I, p. 336-354.
de la Basse-Somme. En 1869, il y entrait 69o tonnes ; en 1901,
54 tonnes. Le port ne vit plus maintenant que de la pêche ;
le bourg n’est plus que la paisible villégiature de quelques baigneurs.
Quant à Saint-Yalery, ce fut, durant de longs siècles, le principal
établissement maritime de la baie de Somme. En 1066, la flotte de
Guillaume le Conquérant y relâchait pendant un mois; en 1386, on
le choisit comme point de départ de l’expédition projetée par
Charles VI contre l’Angleterre1. Au x v i i i 6 siècle2, il connut une
véritable prospérité comme débouché des industries d’Amiens et des
grains de Picardie, et comme entrepôt des marchandises importées
pour l’arrière-pays. Déjà les bancs de sable gênaient l’accès du port,
mais le mauvais état de la route n’en détournait pas encore la navigation.
Son rayon d’action s’étendait jusqu à Paris et jusqu à la
Champagne. 11 recevait les sucres de Nantes, les eaux-de-vie de La
Rochelle et de Bordeaux, les savons de Marseille, les cidres d Auge,
les miels de Bretagne, les beurres de Normandie, les cendres du
Danemarck pour le blanchissage, les cendres potasses de Hollande
pour les savons, les laines d’Espagne, les poissons de Hollande, les
bois de teinture du Brésil, les fers de Hambourg, les draps de
Hollande, les suifs, les beurres, les charbons, le plomb, l’étain,
l’alun, les quincailleries d’Angleterre. Vers l’intérieur comme vers
l’extérieur ses relations portaient loin. Tandis que Boulogne ne
s’occupait encore que de pêche, Saint-Valery centralisait une partie
du négoce français avec les États du Nord et l’Angleterre. Vers 1765,
il n’était pas rare de voir sortir à la haute mer 20 à 25 navires chargés
de grains venant de la Haute-Picardie et du Santerre vers la
Gascogne, la Bretagne, la Provence, le Portugal, l’Espagne. On
songeait même à en faire un port colonial ; en 1754, il reçut la permission
de commercer avec les colonies françaises d’Amérique et de
la côte de Guinée; en 1762, un arrêt du Conseil autorisait les sucres
de toute espèce à entrer par Saint-Valery3. En 1783, une fabrique
de blanc de céruse et de plomb s’étant fondée à Amiens, c est par
Saint-Valery qu’on décide d’importer de Hollande la matière première
4. En 1789-1790, des navires de froment et de farine, venant
de Hambourg, d’Amsterdam et d’Irlande arrivèrent à Saint-Valery :
leur cargaison, destinée au département des subsistances à Paris,
1 Beauvillé, 477, I, p. 66.
* Mémoire de Bi'gnon, p. 1 et 2.
3 Arch. Somme, C, 412, 415, 418.