routes, voies de terre, voies d’eau, voies de fer, ont été aménagées
pour des relations dont l’ampleur nous entraîne bien au delà des
régions traversées.
ri
L E S VOIES DE COMMERCE
Les voies de terre.
Les voies romaines, les plus anciennes dont nous connaissions le
tracé, se disposaient de manière à assurer les communications de la
Gaule romaine avec les Iles Britanniques et les Pays-Bas. La grande
voie qui relie Lyon à la Manche passe par Beims, Soissons et
Amiens. De ces trois villes partent des routes qui, à travers les plateaux
tranquilles de l’Artois et de la Picardie, à l’Est de la Forêt
Charbonnière et de l ’Ardenne, mènent lès voyageurs et les soldats
vers la Sambre, l’Escaut, la Lys et le Pas-de-Calais. Par la route de
Beims à Bavai jalonnée de postes militaires à Etroeungt, Yervins,
Chaource, Nizy-le-Comte et Neufchâtel, la capitale de la Belgique
seconde, Beims, se reliait à la grande voie stratégique Bavai-Ton-
gres-Cologne, le chemin de la Basse-Germanie. De Soissons se
détache une route que l’importance des centres desservis semble
indiquer- comme le passage du transit commercial vers la Grande-
Bretagne : de Soissons qui se relie à Beims et par suite à Lyon, elle
franchit l’Oise à Condren et gagne Saint-Quentin, Cambrai, Arras,
Thérouanne, Boulogne. D’Amiens, par des routes construites à
diverses époques, on peut atteindre soit Tournai par Arras, soit
Thérouanne, soit Boulogne par le littoral. Deux centres, aujourd’hui
bien âéclms, Thérouanne et Bavai, unis entre eux transversalement,
occupaient les croisements les plus fréquentés ; c’étaient en quelque
sorte les portes du monde gallo-romain vers le monde germaniquei.
Bavai vit passer le flot des invasions. Thérouanne regardait vers les
Iles Britanniques ; elle en recueillit longtemps le trafic ; sous l’Empire
romain, elle le recevait par la voie de Boulogne; au début du
Moyen Age, c’était très probablement par la Leulène ou voie de Thérouanne
à Sangatte et Wissant sur laquelle on relève Estrehem et
Leulinghem. La Leulène, vraie route internationale entre l’Italie, la
France et l’Angleterre, était très passagère vers le milieu du
xne siècle à cause du port de Wissant; un texte de l’époque l’appelle
' Voyez Desjardins, 397 et 398 ; de Witasse, 471.
le « Chemin de la Mer » ; c’était l’époque des croisades et des pèlerinages;
elle tomba lorsque Thierry d’Alsace, en creusant le port de
Gravelines et eh canalisant l ’Aa, eut mis la Manche à la portée de
Saint-Omer1.
Au milieu des désordres qui suivirent la chute de l’administration
romaine, des routes disparurent faute d’entretien et de trafic. Quelques
unes ont survécu sous le nom de Chaussées Brunehaut ; d’autres
ont pu être déplacées et reconstruites. Mais quelles qu’aient été
leurs vicissitudes, la valeur du pays comme passage international
n’avait pas disparu ; la circulation reprit, une fois l’ordre rétabli, une
fois les anciennes relations renouées et d’autres nouvelles créées.
C’est en effet sur le territoire de l’Artois et de la Picardie que, durant
une partie du Moyen Age, s’établit le passage fréquenté qui menait
les marchands flamands aux foires de Champagne et mettait en relations
le Nord avec le Midi2. Jamais, si ce n’est de nos jours depuis
la création des voies ferrées internationales et des canaux à longue
portée, cette région n’a connu pareil mouvement de voyageurs,
pareil transport de marchandises. On peut dire qu’à cette époque
elle vivait surtout du commerce; ses grandes villes, étapes des marchands,
durent au transit leur essor et leur fortune. Pendant les premiers
siècles du Moyen Age, la Flandre formait un énorme entrepôt
qui centralisait le commerce avec l’Allemagne, le Nord-Ouest de
1 Europe, l’Angleterre ; les cités qui communiquaient avec la mer
recevaient les matières premières, la laine surtout, qui alimentaient
les manufactures. Les villes drapières se groupaient en une association,
la Hanse de Londres, qui était la grande puissance commerciale
de l’Europe occidentale. De cet immense atelier, le mieux
outillé, le plus peuplé, le plus travailleur d’alors, les produits fabriqués
débordant par-dessus l’Artois et la Picardie, allaient se troquer
aux foires de Champagne contre les produits d’autres sols et d’autres
climats; nécessaires à la consommation des gens du Nord. Les marchands
de Douai, de Gand, d’Ypres, de Saint-Omer, de Bruges, de
Lille, de Dixmude, de Louvain partaient, et leurs caravanes se grossissaient,
au passage, des convois d’Arras, de Cambrai, d’Amiens,
de Saint-Quentin et de Beauvais; dès le xne siècle, on voyait des
Flamands en Champagne, avec des halles à Bar-sur-Aube, à Provins,
à Lagny où ils apportaient leurs draps. On y conduisait aussi des
boeufs, des vaches, des ânes ; les Picards amenaient des porcs ; la
1 Courtois, 336.
! Sur le transit au Moyen Age, voyez Fagniez, 341, I passim et II, p . X ; Giry, 343,
p. 274 et ssq ; Harbaville, 346; Finot, 342; Bourquelot, 32b.