autre édition qu’il restreignit, par économie, à la réimpression des parties que noiis avons
signalées. Il voulait probablement constater par là le fait d’une autre édition pour décourager
les contrefacteurs de Genève.
Quant aux autres pays, les privilèges qu’il avait obtenus de Maximilien I I , empereur
d’Allemagne, d’Élisabeth et de Charles IX , et des divers Princes et des diverses Universités
d’Allemagne, le mettaient à l’abri des contrefaçons de ce côté de l’Europe. Il ne lui restait donc
à redouter'que Genève, où, en effet, il paraît certain que l’édition Oliva fut faite (i).
Plus tard, lorsque parut l ’édition de Scapula, je pense que Henri Estienne mit en tête des
exemplaires qui lui restaient et qui se trouvaient être en grande partie imprimés à Genèv.e, le
nouveau titre avec Y Admonitio, où il se plaint de l’abrégé que fit Scap'ula de son ouvrage.
Les additions et corrections inédites retrouvées sur l’exemplaire de la bibliothèque dè Vienne
me paraissent même indiquées par Henri Estienne dans ce passage qui termine cette Admonitio,
où il parle d’un Traité ou Corollarium auquel il sera souvent obligé de renvoyer les lecteurs
de son Trésor, et dans lequel il se propose de dévoiler à la fois les erreurs de Scapula et Groecoe
linguoe arcana (2).
« Huic autem tractatui quandam Græcarüm vocum (partim quæ à me e t ab artiicis post editionem
Thesauri observatæ, partim quæ in lexicis ilia posterioribus inventæ fuerint) subjungam : et, si opus s it, in
nonnulla quæ ex aliis (non dissimulatis illorum nominibus) h ab e t, in quædam pariter quæ mea sunt, severam
censuram agam. Hæc enim omnia non hu ic posteriori Thesauri editioni inserere, verùm seorsum edere visum
est, n e ei qui jam priorem emisset, posterior etiam, si habere illa quoque v elle t, comparanda esset : sed in ilia-
ejusque corollario divitiarum Græcarüm cumulum et ipse possideret. »
Cest probablement d’après ces propres paroles de Henri Estienne, que quelques personnes,
ignorant l’existence de notes et additions inédites d’Estienne (travail qu’il destinait sans doute
à lui servir de base pour son Traité ou Corollaire qu’il n’a jamais publié), ont cru que c’était
seulement les additions insérées dans l’Index et dans les Suppléments placés à la fin des tomes I
et II qu’Henri Estienne signalait ainsi, et que par conséquent l’Index du Thesaurus n’avait paru
que postérieurement à cette préface (3) ; erreur rapportée et combattue par Maittaire, p. 354:
« Id autem monere volui, quod audiverim, qui eum Indicem posteriori Thesauri editioni
additum ex mala intellecta admonitione isti editioni præfixa putarunt. »
On ne voit, en effet, annoncée nulle part la publication de l’Index séparément du corps de
probablement celle que son pere Robert Estienne avait établie à Genève, lorsqu’il fut obligé de s’y réfugier en i 55a ,
pour fuir les persécutions de la Sorbonne, contre laquelle la mort de son protecteur, François I er, le laissait
sans défense (a)-, et qu il légua probablement a Henri Estienne avec ses autres biens.
(1) Deux des exemplaires de l’édition Oliva que j ’ai sous les yeux portent au bas, imprimé à la main, GENEVAE.
(2) Dans sa grande préface au Lecteur placée en tête des deux éditions du Trésor, Henri Estienne parle aussi à trois
reprises différentes de ce Corollarium, qu’il dit même avoir commencé p. n : « Scio autem fore multos qui et hujusmodi
dissensionum et aliarum quas dixi difficultatum exempta requisituri sint : sed ea in Thesauri hujus corollarium jam
inchoatum reseryanda censui : ubi etiam plurima ad reconditiorem linguæ Græcæ cognitionem pertinentia, nec adhuc
à quoquam trattata (inter alia autem, ea quæ ad Atticam dialectum et cæteras pertinent) Deo favente tractabuntur(b).»
Idem p. 17 : « Hæc autem quum ita sint, quàm dura et difGcilis à me suscepta provincia fuit, tam faciles in danda
mihi erratorum venia fore spero quibuscumque pectus non livore contaminatum sed candore refertum erit:præsertim
quum in ilio cujus antea mentionem feci Thesauri hujus Corollario, non solùm multa huic operi adjecturus s im,
favente Deo opt. max. (eorum potissimùm quæ ad reconditiorem linguæ hujus cognitionem pertinent) sed etiam eorum
in quibus hic peccaverim locorum plerosque sim emendaturus. » Voy. aussi p. 20.
En tête des Glossaria duo, à la fin de sa préface au lecteur, Henri Estienne dit en parlant des corrections dont aurait
besoin le texte des Glossaria du o : « Ceterum ut illarum quas dixi emendationum desiderium lenius feras..., scito me,
favente Deo, aliud opus unà editurum, cujus argumentum huic dissimile non erit. Ciceronis enim, Livii, Plinii
aliorumque doctiss. pariter et elegantissimas interpretationes complectetur : ideoque inscribe tur, v e te iie s jlat. lin g uæ
in te rp rè te s . Quòd si uno eoilemque tempore et Corollarium Thesauri Græcæ linguæ edere poterò, haud scio an tuo
desiderio satisfecero, mei quidem certe voti compos ero. » Combien ne doit-ou pas déplorer que ce soient surtout les
chagrins causés par les infortunes commerciales qui nous aient privés de ces ouvrages !
(3) Gomme dans l’Index, Hebri Estienne en renvoyant aux deux Suppléments placés à la fin des tom. 1 et 2,
indique exactement la pagination de ces suppléments, il en résulte la preuve que les suppléments ont été rédigés et
imprimés antérieurement à la publication de l’Index ou au moins en même temps, mais non pas postérieurement.
(a) « Migrante ad Deum optimo {rege Francisco] non solum principe, sed litcrarum fautore et parente eximio, indigna bene merito
de patria ci vi [Roberto S tepliano] tot éditis, Hebràicis, Græcis, et Latinis libris gratia repensa est à Tüeologorum nostrorum Collegio;
qui hommem rei publies invigilantem, et quasvis æquas conditiones accipcrc se paratum demonstrantem, non desierunt lacesscre,
donec ille vexationum injustarum pertæsus, ex necessitate consilium coepit, et relieta patria, Genevam ad extremum secontulit; ubi
tapta prudentia publicam simul et privatam rem curavit, ut, quamvis tot adversitatibns conflictatus et incommoditatibus, quæ solum
vertentibus necessario perferendæ sunt, tainen in opere assiduus ad ultimum usque vitæ spiritum, laudabile rei literàriæ adjuvaudæ
propositum constanter tenuerit, etc. » Histoire de De Tbou ; 1. a3, p. 6o5, 606.
(b) Ce traité seul a été publié à la suite des .Glossaria duo.
l’oüvràge. Almèlôvéen ét Maittaire. lui assignent la même date ‘(celle de 1572). Dans là grande
préfacé placée èn tête de l’édition de 1A72 et réimprimée textuellement pour l’édition Oliva,
Henri Estienne annonce cet Index comme indispensable à son ouvrage ( j) , et dans cette même
préface il parle de l’avertissement ou préface qu’il dit avoir mis en tête de cet Index: hæc autem
sériés [etÿmologicà] (propter quam Indice opus huic Thesauro f u i t , ut etiam in proefa-
tione i l l i præfixa docui) v ix dici potest, etc. Il; parle aussi de l’Index en tête des Addenda
placés à la fin du tome Ier, pag. 1825-1826. Les Glossaria duo qui complètent l’ouvrage
parurent une année seulement plus tard, en 1573 (2). On ne peut donc mettre en doute que
l’Index a paru simultanément avec le corps de l’ouvrage. D’ailleurs,'comme on ne peut assigner
à la préface ou, Admonitio placée par Estienne en tête de l’édition Oliva, qu’une date postérieure
à l’année 1577 °ù parut-l’abrégé de Scapula (3) , il faudrait admettre que l’Index et
les suppléments n’auraient -paru que cinq ans après le corps de l’ouvrage, ce qui ne saurait
être, car on aurait trouvé des traces de ce retard soit dans les préfaces de II. Estienne soit
dans les écrits de ses contemporains, ou dans ses biographes Almeloveen, Maittaire etc. Il est
donc évident qu’il ne s’agit pas dans cette Admonitio ni de l’Index ni des Suppléments
puisque leur publication était bien antérieure à cette Admonitio, mais d’un nouveau travail
que Henri Estienne se proposait de publier séparément, afin, dit-il, que lés acheteurs de la
première édition ne possédassent pas une édition moins complète que les acquéreurs de celle
qu’il appelle posterior: mais ce motif louable n’aurait pas dû cependant l’empêcher de remettre
en leur lieu et place, dans une nouvelle édition, les additions qu’il avait été forcé de disséminer
dans l’Index et dans les Suppléments, car ce changement n’aurait porté aucun préjudice aux
personnes qui avaient acheté la première édition, puisque', en définitive, la nouvelle édition
n’aurait pas été plus riche que l’autre pour le nouvel acquéreur. Ce n’était qu’au moyen du
Corollaire promis que l’une et l’autre édition devait être entièrement complétée : «Sed in ilia
ejusque corollario divitiarum cumulum et ipse possideret »; ainsi que le dit Estienne.
Il fallait donc qu’il y eût quelque autre motif qui s’y opposât; et le plus naturel, à mon avis,
c’est qu’il n’y a eu de réimprimé que certaines parties du dictionnaire, en sorte que H. Estienne
ne pouvait refondre ces ajoutés dans le corps de l’ouvrage à moins de réimprimerie tout; chose
impossible, si, comme je le crois, les parties réimprimées l’ont été simultanément avec l’édition
de 1572, et s’il n’y a eu de posterior que Y Admonitio placée derrière le titre de l’édition
Oliva, préface dirigée surtout contre l’abrégé de Scapula, dont la publication fut très-probablement
la véritable cause de cette préface ou Admonitio. Je trouve même une sorte
de confirmation de mon opinion dans ce que dit le P. Nicéron (4) au sujet du Trésor de
Henri Estienne, t. 36, p. 307 : «Cet ouvrage, qui est d’un travail immense, a mérité les
louanges et les applaudissements des savants. Un grand défaut en rend cependant l’usage
incommode, c’est que l’auteur, au lieu de ranger les mots par ordre alphabétique, a mis, suivant
le goût de son temps, tous les dérivés et les composés sous leur racine. Maittaire prétend qu’il
y a eu une seconde édition de ce grand ouvrage où l’année n’est point marquée. Mais cette
seconde'édition prétendue n’est que la première dont on a changé le frontispice, et où, à la
place de l’année, on a mis un distique contre l’abrégé qu’en avait fait Scapula, lequel ayant
paru en 1579 (5) in-fol., causait un tort considérable au débit du Trésor d’Estienne. Accident
d’autant plus fâcheux pour l’auteur, qu’il avait fait pour l’imprimer de grandes dépenses qui
le réduisaient fort à l’étroit.» Sans doute le P. Nicéron se trompe ainsi que plusieurs autres
bibliographes, lorsqu’il affirme qu’il n’y a eu qu’une seule édition, quoique jusqu’à un certain
point on puisse appeler une même édition deux impressions faites simultanément et textuellement
par le même imprimeur, avec les mêmes caractères et dans deux imprimeries à lui appartenant;
mais il constate le fait de la publication séparée et postérieure de la préface ou Admonitio placée
(1) Voy. Henrici Stephani ad Lectorem Epistolæ seu Præfatio in suum Thesaurum græcæ linguæ, p. 10.
C») Henri Estienne dit à la fin de sa lettre à Th. Redinger, qui se trouve en tête des Glossaria duo: «Ceterùm non sum
nescius hune librum tardius et tua et aliorum multorum spe in lucem prbdire ; (præsertimque eorum qui lubenter
uni cuipiam ex tonus mei Thesauri Græcæ linguæ assuendum curassent) sed quicunque noverint quam nunc ægro sim,
non corpore, sed animo, hanc tarditatem non solùm excusaturos et boni consulturos, sed etiam celeritati superioris
temporis anteposituros confido.»
(3) Aussi dans quelques ouvrages assigne-l-on à l’édition Oliva la date dé i 58o, mais sans apporter aucune preuve.
(4) Mémoires pour servir à l’histoire des Hommes illustres, t. 36, p. Soy.
(5) Cette date est fausse ; la première édition de Scapula a paru en «677.