tifier les raisons avancées dans le prospectus, au cas où elles ne paraîtraient pas
suffisantes. Ces raisons sont fondées pour la plupart sur les défauts de la disposition étymologique
des mots dans le travail de Henri Estienne, et sur l’utilité plus grande qu’offrent
quelques ouvrages de ce genre faits par des Allemands. Enfin, on y explique ce procédé
de Henri Estienne par le besoin de cette époque, qui n’est plus senti aujourd’hui. Le
but d’un dictionnaire én général, dans l’état actuel de l’étymologie comme science, offre
de plus fortes raisons pour adopter l’ordre alphabétique.
«Quoiqu’il soit parfaitement reconnu aujourd’hui que la disposition étymologique
du Thésaurus n’est pas ce qui recommande le plus l’ouvrage, et que dans Scapula meme-
on trouve parfois une disposition plus convenable, ce ne serait cependant point une
objection contre l’emploi de la disposition étymologique en elle-même ; on en pourrait
seulement inférer que l’oeuvre d’Estlenne a besoin d’être changée. Mais, par les études
récentes du sanscrit et du zend , tous les systèmes étymologiques antérieurs ont été tellement
ébranlés, que leur application à une langue isolée demande des recherches à
peine commencées à présent.
«Bien qu’il paraisse déjà certain que ces études vont donner à la langue grecque
les solutions leà plus positives pour tout ce qui est étymologie, et bien qu il soit a souh
a ite r qu’elles paraissent bientôt au grand jou r , il n’est pas moins réel que nous nen
sommes pas encore au point de pouvoir dire, avec certitude, quel sera le fruit que les
études ultérieures en feront recueillir un jour. Dans l’état actuel *de la science, on
manque encore d’une base solide, et on n’a que le ch oix, ou de cé qui est bien sûr,
bien connu, trivial même, et n’ayant plus besoin d’être enseigné, ou’de ce qui nest
encore qu’hypothétique, vague et incertain. Dan's ce c a s , il faudrait d on c , comme
Estienne a déjà fait auss i, quoiqu’il s’en tînt plutôt à ce qui était décidé et généralement
admis, joindre encore au dictionnaire étymologique un index alphabétique, ce qui
rendrait l’usage de l’ouvrage aussi embarrassant, peut-être, que le devint, par une semblable
disposition, le Lexicon Homericum de Damm, qui n’acquit une utilité générale
qu’après que Morison Duncan l ’eut démembré et mis dans l’ordre alphabétique, ordre
que Rost a aussi conservé, et avec raison. Quoique la méthode de Damm, pour la
recherche des étymologies, soit en partie cause de cet embarras, les mêmes difficultés se
représenteront partout où l’on entreprendra de rattacher le fil étymologique aux véritables
origines de la langue. Supposé même que la langue grecque fût absolument une
langue mère, et qu’elle n’eût d’affinité avec aucun des idiomes de l’Orient, la difficulté
d’en déterminer les- véritables formes radicales, qui d’ordinaire ne se rencontrent point
dans l’usage de la langue, et d’établir leur filiation résultant des lois de son organisation
intime, sera toujours bien plus grande que de faire usage du simple rapprochement
des lettres semblables, seule ressource que l’on ait trouvée jusqu’à présent.
«Que l’on compare aujourd’hui les recherches étymologiques deKanne, de Ruithan, de
Riemer, d’Adolphe Wagner, celles de l’ingénieux Murray et de plusieurs autres à chacun
desquels on ne saurait contester un mérite particulier, il en résultera après tout que
ces recherches doivent former des ouvrages isolés, disposés systématiquement, avant que
de pouvoir passer dans les dictionnaires et même en déterminer la forme. Car il ne
convient point à un dictionnaire de remplir ses colonnes de choses douteuses ; et pour
un Trésor de la langue grecque en particulier, on ne peut admettre que ce qui repose
sur une base solide et dont le résultat est généralement approuvé. Disposer tous
ces matériaux dans l’ordre le plus commode, le plus clair, voilà le but de tout dictionnaire;
et, jusqu’à présent du moins, on n’a rien trouvé de plus commode que l’ordre
alphabétique. Un jour peut-être on trouvera un système étymologique assez généralement
reconnu pour l’emporter sur toute autre disposition par la facilité qu’il offrira
aux recherches; mais ici c’est du présent qu’il s’agit.
« Au reste, nos éditeurs ont promis de donner à la fin le squelette étymologique qui
sert de base au Thésaurus d’Estienne, et nous devons aussi leur en savoir gré. Il ne
serait pas mal à propps de conserver, même dans l’ordre alphabétique, la coutume
d’Estienne, savoir, de distinguer par des capitales chaque mot racine qu’il a reconnu
tel, d’indiquer brièvement, auprès de chaque racine, ses dérivés immédiats, de présenter,
à côté d’Estienne, le résultat le plus certain des nouvelles recherches, chose qui
d’ailleurs n’a pas été négligée par les nouveaux éditeurs. Ces détails, au fond
peu importants, mais utiles pour faciliter le coup d’oeil, pourraient, encore à présent,
trouver place ou être omis, sans qu’il y p a rû t, dans la suite du travail, et sans que
l’on eût à craindre le reproche de l’inégalité.
«Pour savoir si le nouveau Thésaurus est un ouvrage complet, première question dont
nous devons nous occuper, nous devrons l’examiner sous deux rapports, i° s’il est
complet pour les mots reçus; 2° si les significations des mots, l’indication de leurs rapports
grammaticaux avec leurs régimes, et leur relation synonymique et rhétorique sont
données complètement.
« Un ouvrage tel que ce dictionnaire, ne saurait être trop complet quant au nombre
des mots et à leurs formes. Le nombre des mots, jusqu’à âyioç, s’élève dans l’édition
d’Éstienne à 768, £ si toutefois dans cette énumération fastidieuse je ne me suis trompé).
L’édition anglaise en compte jusqu’à n o 5 , parmi lesquels .34a mots nouveaux, y 'com pris
tout ce qui a été extrait des recueils considérables dus aux savants nommés ou indiqués
ci-dessus;.l’édition de Paris en a porté le nombre à i 3 o 2 , Ce qui donne'197 mots nouveaux.
Et ipi, il n’est pas sans intérêt de faire un rapprochement de date : pour les
342 articles manquants dans Estienne et donnés par les éditeurs anglais, on a puisé dans
des trésors lexicographiques formés depuis plus de 2S0 ans : les éditeurs du Thésaurus
de Paris .ont ,èu moins de trois ans à exploiter pour l’enrichir de 19(7 mots, témoignage
d’autant plus honorable de leur assiduité, qu’il devient chaque jour plus difficile
d’ajouter, .soit un article en entier, soit quelque mot antérieuremfent omis. Sans
.doute la très-grande majorité dans ce nombre, est tirée des grammairiens et des
auteurs ecclésiastiques*; on leur en doit cependant encore de Callimaque, de Cicéron,
de Phanias, de Philon, de Plutarque, et même de quelques auteurs qui appartiennent
absolument à l’antiquité, d’Eschyle, par exemple : v, ¿yavcjpEmç, de Cratinus, v. ¿yepci-
xuëvpu<JT7fo (car la .. forme ,£yep®umëOwF!Îi n est assurément qu’une faute dp quelque copiste,
quoiqu’elle se so if reproduite chez Lobeck D e morte Bacch. 2, pag. 17, et chez
Goeller dans les Acta philol. Monac. de Thiersch, t. 2, p. 34g), et d’une inscription antique,
V. àyiatypoç. Que de tels mots il n’y en ait qù’un petit nombre, cela est dans la
nature des choses; car on doit penser que c’est chez les meilleurs .écrivains qu’ont puise
les meilleurs et les plus nombreux lexicographes, et l’on doit bien considérer que
.ce n’est qu’une très-faible partie des mots de la langue grecque qui vient de nous être
communiquée dans cette première livraison.
« Mais nous devons ici parler principalement de l’admission des noms propres mytho-
historiques et géographiques. Estienne avait assez heureusement ouvert la carrière, et
les Anglais l’y avaient suivi. Cependant ce qu’ils ont fait paraîtra tout a fait insuffisant,
,si on le compare à ce que les éditeurs de Paris, conformément aux vues de Lobeck et
aux miennes, ont commencé'à donner, principalement d’après les manuscrits d’un
savant anonyme, M. M** (ji,). Pour ce qui tient à l’admission des noms propres et à leur
énumération complète, j ’en ai exposé les raisons dans mon ouvrage, Ueber Zweck
und Anlage Griechispher Woerterb. ¿ug^pag. 2 1 , ' et je lesta i fortifiées dans mon
dictionnaire grec, première partie, pag. 1 1, quatrième édition. Je les répète d’autant
moins, que Hermann, Opusc. tom. I I , pag. 223, s’est aussi expliqué à ce sujet de.la
manière la plus péremptoire. C’est pourquoi, autant je suis d’accord avec les principes,
autant je souhaite les voir développés plus conséquemment dans la continuation du
travail : car on pourra facilement se convaincre qu’il est resté beaucoup à faire à cet
égard. Il manque d o n c .p o u r se borner à un petit nombre de citations} dHérodote:
Àyaîbç, Àyaâupvoç et Àyaôupaot, AyëaÀo;, Ayêavava; de Xenophon : ÀêpaàaTZÇ, Aëpo^é^pzç; de
Diodore : Àëàvipt.wv, ÀêpiTzç, Àêo’jXïiToç, pouTCo>.iç, Àyaôupvoç, ÀyaOupviTiç, ÀyaXavc£Lç ; de
Plutarque : ÀëoiwxpMroç, ÂyxC'c/./.'?,:, AyaOoxXewc, ÀyzviffTpaTn; de Pausanias : Aëava, Ària;
(1) [M. Nicolas Dëmétriades Manos, dont j ’ai parlé dans l’avertissement en tete de la deuxième livraison, pag. 5.
Note de Ambr. Firmin Didot.]
(a) Du But et de la Disposition des dictionnaires grecs.