que par trois Diatriboe ajoutées par Henri Estienne aux cinq qu’il avait placées à la fin de
sa première édition dont voici le titre:
« Q u in t i H o r a t i i F l a c c i p o e m a t a novis scholiis et argumentis ab Henrico Stephano il-
lus trata. Ejusdem Henr. Stephàni diatriboe de hac sua editione Horatii et variis in eam
observationibus ».
A la troisième strophe de l’ode 2 3 du premier livre des odes d’Horace,
Atqui non ego te, tigris ut aspera
Gætulusve leo, frangere persequor.
. Tandem desine matrem
Tempestiva sequi viro.
ce fut avec un véritable transport de joie que je lus en marge cette scholie de Henri Estienne :
« Persequor ut frangam et dilacerem : sicuthce ferce frangunt hinnuleos.»
Ainsi, puisque dans cette scholie d’Horace, Henri Estienne explique par hinnuleos ce mot
iyvouç, et que dans la note de l’exemplaire du Thésaurus appartenant à la Bibliothèque
de Vienne, celui qui a écrit cette note se reconnaît l’auteur de la scholie d’Horace, vide
m e a . in IJorai. 2:1, il en résulte l’identité de personne, et la preuve irréfragable que les
notes manuscrites de cet exemplaire du Thésaurus de la Bibliothèque Impériale de Vienne
ne peuvent être que de la main seule de Henri Estienne.
M. K-Opitar dit que cet exemplaire vient de la bibliothèque du comte de Hohendorf, cependant
il ne se trouve point indiqué sur le catalogue de cette célèbre bibliothèque; mais, quoi qu’il
en soit, il n’y a rien d’extraordinaire qu’il soit passé de quelques bibliothèques particulières,
soit de France, soit même d’Allemagne, dans la Bibliothèque Impériale de Vienne. On voit par
les djvers écrits de Henri Estienne et par les documents recueillis par Maittaire, que ce célèbre
Imprimeur, après la publication de son Dictionnaire Grec, en 1572, passa une grande partie du '
reste de sa vie en Allemagne. Il avait dédié son Trésor aux principaux souverains de l’Europe,
et particulièrement à l’empereur Maximilien II; et il dut se rendre auprès de ce prince
éclairé et généreux dont il dit: « Se Maximiliani imperatoria non tantum d;e litteris sermonum
vajdè propensam voluntatem testantium, sed liberalitatis etiam ob litteras participem factum
fuisse(;),.» Quoique tourmenté par tant de traverses, et distrait de ses travaux, soit par une
mission que le roi lui avait confiée, soit par le soin de ses affaires que la publication du Trésor
avait fort dérangées, et par la vente de ses livres aux foires de Francfort , soit enfin par les
suitesdumassacre.de la Saint-Barthélemi, arrivé l’année même de la publication ào Thésaurus
(et l’on sait que Henri Estienne était de la religion réformée), il ne s’en livra pas
moins à d’immenses travaux'; et comme son Thésaurus Groeeoe Linguæ, Ce principal titre
de sa gloire littéraire, devait le préoccuper surtout, il n’est pas étonnant que, songeant peut-
être à une autre édifion de son vivant même, ou après sa mort, il se soit occupé de perfectionner
son prodigieux ouvrage. Mais notre admiration redouble 'encore en voyant qu’au
milieu de tant de travaux gigantesques, et dont nous n’avons plus d’idée, il ait pu trouver le
(1) Il parait qu’il alla deux fois à Vienne avant 1576, époque de la mort de l’Empereur Maximilien. Par une lettre de
Crato de Graftheim, premier médecin de l’Empereur, écrite à son fils en juin 1576, on voit que Henri Estienne se trouvait
à Vienne en 1574. "Nihil nunc dicam de commonefactionibus multis et amantissimis optimi et clarissimi Henrici
Stephani, de universa re litteraria præclare meriti, quibus t ib i,cum superiori anno in Aula Cæsarea esset, iter ad '
summa monstrare est conatus.» Il partit une autre fois de Vienne pour la Hongrie , où il- se trouvait en août 1575 *.
■Dans son écrit intitulé : Paloestra de Lipsii latinitate, il dit qu’ il revient de Ratisbonne (année i 5g3) ; et dans sa préface
d’Homère, i 588, qu’il fut plusieurs années absent de chez lui.
De T h ou , dans son histoire (fin du livre iao), parle aussi de nombreux voyages qu’i ï fit à la fin de sa carrière :
« Majore præconio dicendus Henricus Çtephanus, Roberti, cùi tantum res. literaria debet, filius, qui patris æmulatione
cum scriptoribus edendis, et castigandis sedulam operam navasset, tandem et penum amplissimam linguæ græcæ dédit,
de sua posteraque ætate ob id optime meritus. Postea variis peregrinationibus in Germania vagas.
Le célèbre Isaac Casaubon, gendre de Henri Estienne, 'écrit aussi à Richard Thompson (Epist. 18) :
« Nosti hominem (H. Stephanum), nosti mores, nosti quid apud eum possim, hoc est, quam nihil possim : Qui vide-
tur in suam pemipiem conjurasse, nam quod tu putas eum hic esse, falleris. Postquam semel ábiit ante menses octo
aut novem, ex illo semper non quidem per Elysios campos, sed per Germaniam àXàrat, mXavârat xal áXóei. Ita enim plane
audio áXúetv eum, ut ñeque dómum redire, ñeque alibi aptas sedes reperire queat. O hominem dignum, cujùs te mi-
sereat. »
* Oratio adv. Foliei. p. 206, Epist. Orat. vct. t 5q5.
temps nécessaire pour se livrer à cette nouvelle occupation. 11 se peut qu’à sa mort Henri
Estienne eût fait passer ce précieux exemplaire, que possède maintenant la Bibliothèque Impériale
de Vienne, à quelque ami généreux, comme un témoignage de sa reconnaissance pour
les bienfaits qu’il en aurait reçus; et, en effet, ce fut surtout en ce pays (1) qu’il trouva protection,
estime et secours, principalement auprès de la puissante famille des Fugger d’Augsbourg:
aussi on sait qu’en témoignage des bienfaits qu’il en avait reçus, particulièrement d’Huldrich Fugger,
plusieurs de ses ouvrages portent ces mots : «Henricus Stephanus Fuggeri Tjpographus.»
Il avoue, dit Maittaire, page 382, qu’il serait un ingrat s’il ne témoignait pas sa reconnaissance
aux Allemands, puisqu’il eut tant à se louer de leur bienveillance, et de la générosité de
beaucoup d’entre eux. Il se plaît même à en citer un fait qu’il croit sans pareil. Leur générosité
à son égard, dit-il, fut transmise comme un héritage de famille (2).
J’ai indiqué, dans l’avertissement placé en tête de la première livraison, quels genres de
secours nous avaient fournis les savants les plus distingués de la France et de l’étranger; à ces
noms honorables nous sommes heureux de pouvoir ajouter les suivants :
M. le professeur Ast, conseiller de Cour et membre de l’Académie des Sciences à Munich,
a bien voulu prendre l’engagement de rédiger tout ce qui a rapport à la grécité de Platon,
et cela pour toute la suite de l’ouvrage, à commencer de la troisième livraison. On sait
queM. le professeur Ast s’est occupé depuis long-temps de la rédaction du Lexicon. Platonicum
qui doit terminer son édition de Platon, dont les savants attendent l’achèvement avec impatience.
‘ *
M. Barker, principal rédacteur de l’édition du Thésaurus publié en Angleterre, vient de
nous adresser une série de notes et d’articles qui lui sont arrivés trop tard pour qu’ils fussent
insérés dans l’édition à laquelle il avait donné ses soins, mais qui vont retrouver leur place dans
la nôtre. Cet intérêt qu’il porte à notre édition, et cette abnégation de toute espèce de rivalité,
attestent autant de supériorité d’esprit que d’amour pour les lettres.
M. Bekker, professeur à l’Université de Louvain, nous a fait espérer incessamment s<i
coopération.
M. Creuzer, conseiller privé de Cour, et professeur à Heidelberg, veut bien aussi avoir la
bonté de nous communiquer ses suppléments lexicographiques.
M. Etienne Quatremère, membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, professeur
au Collège de France, qui nous avait fait espérer sa précieuse coopération pour les Voces pe-
regrinoe, a bien voulu nous promettre d’y donner ses soins, à partir de la troisième livraison.
M. Gaisford, doyen de Christ-Church, professeur à l’Université d’Oxford, etc., etc., qui prend
le plus vif intérêt à notre entreprise, veut bien nous communiquer son important travail sur
l’édition de Suidas encore inédite.
(1) Après la publication de son Thésaurus linguæ græcæ, Henri Estienne se rendit souvent aux foires de Francfort,
célèbre dès cette époque pour la vente des livres, afin d’y chercher le débit de cet important ouvrage. On voit par
les lettres de Henri Estienne à Laurent Rodoinan, qu’il s’y trouvait en i5g2, 94, 96. Il y était aussi en x5g i.
(2) Les héritiers de Thomas Redinger ayant su que leur parent avait fait des dons qu’il avait l’intention de continuer
à Henri Estienne dont ils connaissaient à peine le nom, lui envoyèrent de Breslaw un magnifique présent tan-
fjuam Rcdingeri manibus gratificantes, d it Maittaire, p. 38a.
Les lettres inédites de Henri Estienne, adressées à Crato de Craftheim, et que vient de publier pour la première fois
sur les autographes M. Passow (Breslau, i 83o), contiennent des renseignements à ce sujet, lettre IX ; mais on voit
par la même lettre et par les suivantes que malheureusement la bienveillance des Fugger se démentit sur la fin, aussi
dit-il à Crato de Craftheim : Utinam vero mi/u Mecenatem aliquem (qui me ad præclarorum operum editionem adjuvaret) nan-
cisci posses.
La publication de ces lettres, qui nous donnent plusieurs détails inconnus de la vie de ce grand homme, augmente
encore l’intérêt que l’on doit porter à son sort infortuné. Dans l’une, il déplore la mort de sa seconde femme (quam
mecum tota propemodum urbs luget, quod in ea rarissimum extiterit exemplum magnoe nobilitatis nobïlitari tamen magis morum
proestantia et virlutibus cupientis, lettre XI, août 1581.) Dans la lettre X I I , il se plaint d’avoir perdu dans un naufrage
les livres qu’il envoyait pour être vendus à la foire de Francfort : Non dubito quin antequam bas accipias, fama ad te de
naufragio quod meæ merces passæ sunt, quoe Francofurdium mittebantur, perveniat. Jactura ilia maxima futura est et ad illam
quam ob motus Gallicos patior, addita, maximum cumulum faciet. Il s’exprime ainsi sur la St.-Barthélemi : Equidem eo gra-
tius adveniet honorarium illud, q.uo majorera fortunis etiam meis nefanda ilia strages attulit : quoe tamen nondum tigres illas
saliavit: icd quo plus haustum est ab illis sanguinis, *0 plus silitur, lettre XV. — In nostra GaUia horrénda nunc geruntur, in
quibus quilibet facile agnoscat illius Parisinæ stragis ultionem : sed multo magis horrénda proesagiri videntur, lettre XIII.