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ouvrage ne fut pas réalisé, attendu la mort prématurée, de ce savant philologue, qui
fut peu connu (i)j > ■,
«Cependant la sphère de la lexicographie s’était étendue : on avait publié plusieurs
anciens auteurs, particulièrement des grammairiens, dont on avait tiré une grande
utilité. La critique, devenue plus sévère, avait: relevé bien des erreurs, en constatant
des "faits nombreux concernant la partie lexicographique de.la langue. Enfin l’étude de
la science métrique, ranimée par Porson et Hermann, avait eu pour conséquence immédiate
de fixer l’attention sur la prosodie, qui réclamait de plein droit dans les dictionnaires
grecs la place qu’elle avait déjà trouvée dans les dictionnaires latins. Malgré les
importants travaux préparatoires auxquels on s’était livré dans chacune de ces branches,
il manquait cependant un centre autour duquel on pût grouper ce qui était épars, et
on ne saurait mettre en doute que,, pour un tel b u t, le Trésor de Henri Estienne ne
fût le dépôt le plus convenable.
«Un libraire de Londres, M. Valpy, voulut satisfaire à ce besoin, qui devenait de jour
en jour plus pressant, à mesure que la masse des matériaux ^’augmentait. Il s’adjoignit
donc: ses compatriotes MM. Barber et Dibdin, qui , prenant poux base l’édition de i ô p ,,
dans son intégrité, publièrent durant douze années, de 1816 à 18128, un travail fort
précieux, quant à la quantité des matières, puisqu’ils avaient soigneusement profité de
ce qui était déjà publié, surtout des additions imprimées de Daniel Sco tt, J. G. Schneider
et Osann-, et aussi dés riches manuscrits de Rail, Wakefield, Schweighæuser, Bast,,Bois-
sonade et autres, principalement de Schæfer. Mais, c’est aussi là que se borne Ieloge
que méritent les éditeurs anglais. Tout dans leur travail est reste rudis indigcs toque
moles (21), et leurs propres additions. gon£lées> d’abord à- perte de v u e , ce qui décèle
un manque complet de jugement.,* se sont ensuite réduites à rien. L’absence totale de
la partie prosodique mérite un blâme, d’autant plus sévère, qn.’on avait dans Maltby un
guide qui n’était pas à dédaigner.
«Dans ces circonstances, on ne put recevoir qu’avec joie la nouvelle de l’entreprise
de MM. Didot, qui s’annonçaient les éditeurs d’une nouvelle édition corrigée et augmentée
de l’édition anglaise du Trésor, dont tous les exemplaires étaient vendus. Mais ce qui
était un heûreux présage et une garantie du succès, c’est que M. Hase se> chargeait de
diriger le travail, et qu’à M. Hase s’assoGiaient deux jeunes savants, M. Louis de Sinner,.
avantageusement connu par une excellente édition de Buondelmonti De insul. Archipel, et
de Longus, d’après le texte de Courrier, et. M. Théob. F ix , élève de M. Hermann. Ce
fut aussi avec plaisir que l’on apprit que ces trois, savants avaient d’abord présenté un
plan de leur entreprise à l’Académie des Inscriptions, et qu’après avoir obtenu son
approbation, sous la date du 29 mai 1829, ils avaient communiqué ce plan au public
savant par la voie de la presse. C’est une bonne foi et une conscience littéraire qu’il
serait désirable de rencontrer aussi chez nous dans de- pareilles* occasions. Ce prospectus
reçut dans les divers pays un aceueil distingué , et au mois d’août 1S81 parut la première
livraison de l’ouvrage; elle va jusqu’au mot ayioçs, et contient en outre une préface
française de M. Ambroise Firmin Didot.,. dans laquelle il fait part de la faveur que lui
ont témoignée dix-sept princes d’Allemagne, qui lui ont accordé des privilèges (3),; il
entretient aussi ses lecteurs des secours scientifiques qui lui ont été communiqués par un
grand nombre de savants français, allemands, hollandais et italiens.
«En me proposant de rendre compte de cette publication importante, de. désigner ses
Ranimer, t 83i , p. 5§ 8. Mais je suis maintenant tout à fait indécis, depuis la communication d;un ami, qui a comparé
les deux éditions, et-qui les-ai trouvées absolument différentes, à; l’exception des premier«, cahiers du premier volume;
Ij y-a ..surtout, une .différence frappante dans la position des lettres placées entre les colonnes comme distinction, numérique.
— [Voyez, ci-après la dissertation sur les deux éditions du Trésor de la langue grecque. Note de Ambr.
Firmin Didot.]
(d) V o y ezW o lisA n a le c t. pv a3)5; It,.p. 3c$, et suivantes. J’avais présumé- que les papiers. de Niclas- étaient déposés
dans la bibliothèque de l’Académie de Lunebourg; mais.rien n’a confirmé cette pensée.
(a) [Ce jugement de M. Passow est sans doute bien rigoureux, mais je n’ai pas le droit de* le modifier. Je sais seulement
q.u’il est bien difficile, et je dirai même impossible, que dans un tel travail , exécuté nécessairement par des
mains différentes, on puisse toujours conserver une rigoureuse uniformité de plan. Note de Ambr. Firmin Didot.]
(3) [Ces. privilèges seront placés en tête du premier volume avec„la préface générale. Note de Ambr. Firmin Didot.]
rapports avec les éditions précédentes, d’indiqwer sommairement le rang qu’elle occupe
dans la littérature, et de signaler ce que peut dès lors réclamer la lexicographie, je
n’ai pas pour but d exposer les qualités particulières d e l’ouvrage original, ses avantages
ou ses défauts. 'Ce soin est tout à fait superflu, puisque près de trois siècles nous
les ont fait suffisamment connaître, et que M. Hermann, récemment encore dans sa
critique du Trésor angîais, a épuisé 'ce sujet (Opusc. II, p. * r g , et suivantes). La nécessité
d’une réimpression du texte d’Estienne n’a pas non plus besoin d’apologie.
«Ce nest donc pas des mérites de 'Henri Estienne, si universellement connus, que nous
parlerons, mais bien de ce dont son Trésor est redevable aux éditeurs parisiens , des
changements qu’ils ont opérés dans son travail et dans celui de leurs prédécesseurs à
Londres, enfin de ce qu’ils ont ajouté et de ce qu’ils ont retranché.
«Les éditeurs parisiens, comme les anglais, se sont imposé pour première, pour inviolable
lo i, de.reproduire fidèlement le texte de l’édition originale de iS-Ja sans omissions
, sans changements et sans additions, à l’exception seulement des passades où
Estienne n’avait pas cité avec assez d’exactitude un auteur ancien, et que par là il avait
rendu difficile, même impossible à retrouver. Les Anglais avaient à la vérité donné en
cela un bon exemple ; ils n’avaient cependant pas été conséquents. Indiquer toujours
par des Crochets les passages q u i, après Estienney ont été -cités avec plus de soin,
voilà ce que réclamait l’exactitude-; mais une fidélité religieuse, si je 'puis parier ainsi,
dans l’impression du texte , était encore plus essentielle, par la raison que Estienne citant,
-comme on sait ,le s passages des auteurs anciens souvent d’après des m anuscrits, est devenu
une autorité particulière en fait de critique, point sur lequel les Anglais n’ont pas été
toujours assez exacts : M. Hermann leur a même prouvé qu’ils s’étaient permis de téméraires
et inutiles interpolations, de sorte qu’il faut posséder et comparer l’édition originale
pour s’assurer de ce que Henri Estienne a écrit. D’un autre c ô té , les Anglais ont montré
une pédanterie ridicule, en laissant tous les suppléments placés par Estienne soit dans
son index, soit à la fin de chaque partie, -occuper dans leur nouvelle édition la même
place qu’ils avaient dans l’édition originale, évidemment contre le désir de l’auteur, qui
n’avait agi ainsi que par nécessité (i). C’est encore une de ces fautes dont les éditeurs parisiens
ont su se préserver.
« C’est d’après cette prééminence conservée par -les nouveaux éditeurs au texte de
Henri Estienne, prééminence qui d’ailleurs est d'accord avec le titre donné à l’ouvrage,
que l’on doit asseoir son jugement; car cette circonstance nous défend positivement de
partir de l’idée générale de ce que doit être un dictionnaire basé sur les progrès de la
science; il eût même été impossible de persister à garder la base de Henri Estienne, et
en même temps à Vouloir transformer la physionomie de l'original, de manière à satisfaire
aux justes demandes des savants de nos jours. Car, pour cela, il aurait fallu-reconstruire
un édifice tout à fait nouveau, un ouvrage entièrement original. Ainsi donc le travail
d’Estienne tel qu’il nous l’a laissé est ce qui constitue le fond du nouveau dictionnaire;
tout le reste, dont la valeur réelle est solidement établie, n’est qu’un accroissement qui
mérite la reconnaissance des savants (a). Nous examinerons donc si les additions des éditeurs
sont complètes, si elles sont ce qu’elles doivent être, si la disposition de l’ensemble
et des parties est conforme au but.
« Cependant , avant de porter notre attention sur les matériaux, nous avons à parler d’un
objet très-important, qui se rapporte d’abord à la forme de l’ouvrage. On a toujours compté
parmi les plus grands mérites du Trésor d’Estienne la disposition étymologique des mots,
et on connaît les raisons qui l’ont fait approuver (3). Les éditeurs parisiens ont osé substituer
l’ordre alphabétique à l’ordre étymologique, et c’est avec raison, selon moi. D’ailleurs,
ce procédé a reçu l’approbation de MM. Hermann, Jacobs, Lobeçk, ce qui vient for-
(i) [Voyez ce que Henri Estienne dit à ce sujet dans ses préfaces, 1 .1, p. 1835-1826, et en tête de l’Index, p. 229-230.
Note de Ambr. Firmin Didot.]
(3) Un jugement qui ne serait pas basé sur cette circonstance particulière, pourrait difficilement échapper au reproche
fondé d’ injustice. (Voyez le jugement judicierux inséré dans le Journal général des Écoles, i 83i , n° io 3, p. 820,
sur le Fôrcellini publié par Voigtlænder et Hertel.)
(3J Comparez, entre autres, QuarterfyReview, t. 22, n° ‘44» 1820, mars, p. 3i 8.