
de^tous les uftenfiles qui conviennent au Peintre,
tels que chevalet, boîte à couleurs, mannequin,
échaffaut roulant , &c. On trouvera dans les
Eilampes gravées qui ont rapport à la Peinture
ces objets & plulîeurs autres de même nature
repréfentés , & dans la fécondé partie.de ce Dictionnaire
, des notions fur les parties du mécha-
nifine qui demandent d’être expliquées & qui comportent
des obfervations.
A T T IT U D E , ( fïibft. fém. ) Une attitude eft
la pofîtion d’un corps animé. Elle peut être fta-
ble ou pafïàgère, méditée ou accidentelle.
Mais la Peinture & la Sculpture rendent permanentes
celles qui font les plus rapides , comme
Médufe rendoit immobiles, dans leurs mou-
vemens les plus impétueux, ceux qu’elle fixoit
d’un regard.
L a Peinture donne donc une immobilité durable
aux effets & aux mouvemens les plus inftan-
tanés que les paffions puilfent produire fur les
corps vivans.
L e génie de l’Artifte, fôn imagination, fes
•bfervadons, fa réminifcence fidele, fa main
ânftruite par l’ufage & par l’habitude, opèrent
ce prodige ; mais la perfedion de l’Art exige
qu’un choix bien médité détermine les attitudes
que le Peintre emploie dans fes ouvrages, & que
le mouvement qu’il repréfènte appartienne com-
plettement à la nuance de paflion ou d’affe&ion
dont il fiippofe que fa figure eft animée.
Il n*feft pas fùmfant que la colère brille dans
les yeux d’Achille, menacé de perdre Brifeïs ;
tous les traits doivent l’exprimer, le mouvement
de toute la- figure , chacun des membres enfin
doit y participer , & cependant il n’eft pas rare de
voir dans les tableaux, des fureurs qui, n’exiftant
que dans quelques traits , laiffent d’ailleurs le
fang circuler allez tranquillement dans les veines
& la plupart des mufcles dans un état fort paisible
; suffi ces figures , dont le regard eft le plus
fouvent terrible, n’effrayent guère que des en-
fans , & cela par la difformité qu’ils y remarquent.
L ’effet général d’une paffion fiir toutes les parties
du corps & le jufte accord de cet effet avec
la nuance de paffion que doit avoir la figure
qu’on repréfente, font les grands moyens par
lefquels la Pantomime & la Peinture, qui ont
tant de rapport enfèmble , peuvent exciter des
impreffions vives & des émotions fortes.
Combien feroient à defîrer des obfervations
relatives à cet objet, fiir-tout fi elles étoient faites
par des Artiftes éclairés , & accompagnées de
deffins ; fur-tout encore fi ces deffins offroient des
figures entières, où Pon trouveroit des détails
dans le genre de ceux que L e Brun nous a donnés
fur quelques expreflions des traits de la feule
phyfionomie ! L e s obfervations dont je parle font
difficiles à bien faire & à bien rendre ; mais la
méditation feule ne peut y fuppléer. Les Peintures
de ce genre , faites par les Poètes, ne font
pas toujours juftes ; elles font prefque toutes in-
complettes, & l’Art de nos Comédiens n’offre
pas de modèle certain, d’autant que , s’il en eft
quelques-uns qui , bien remplis de leur rô le ,
entrent dans les paffions & les fèntent de manière
à les exprimer complettement , la plus
grande partie les joue fans les fentir.
Cependant le Speôateur d’une Tragédie, corn*
me celui d’un tableau d’Hiftoire , ne peut être
ému qu’autant que les Adeurs du Théâtre & les
figures peintes femblent entièrement pénétrés de
la paffion qui doit les animer. Souvent les Spectateurs
ne fe rendent pas un compte exaét de ce
qui manque au complément de l’expreffion dans
chaque mouvement & chaque attitude, mais ils
font refroidis comme par inftind, & à cet égard
l’inftind a une fagacité prompte , que le rationnement
donne avec beaucoup plus de lenteur de
d’incertitude.
L ’unité, ou le complément d’adion dans cha*
que attitude eft infiniment rare dans les ouvrages
de Peinture, ainfî qu’au Théâtre. Et il eft ,
je crois, plus ordinaire qu’elle y manque par exagération
que par toute autre caufe ; car on s’égare
au moins autant dans les Arts d’imitation, en pafi
fant le but, qu’en s’arrêtant en deçà. L ’imagination
eft portée à exagérer, & le nombre des con-
noiflànces folides qu’il faut acquérir, le nombre
d’obfervations & de réflexions qu’il faut faire
eft fi grand dans la Peinture, qu’elles femblent
devoir £b nuire les unes aux autres , à moins que
la Nature n’ait donné à l’Artifte les difpofition*
les plus diftinguées.
J ’ai parlé des attitudes que décrivent les
Poètes ; on croiroit qu’il leur feroit plus facile
d’y mettre une vérité qui ne demande d’eux que
la clarté du difeours, fondée fur la propriété des
termes ; mais on doit confidérer que les Poètes ont
une relation à obferver & à faire marcher avec
les autres, à laquelle les Peintres ne font point
afïujettis : car ils doivent accorder les difeours de
la paffion avec Yattitude qu’ils décrivent & qui
en marque la nuance.
Telle manière de s’énoncer' convient à telle
nuance d’une paffion, ainfi que telle attitude, &
tout cela ne convient pas à une autre.
D’ailleurs , pour que le Poète qui récite & qui
décrit ( tel que le Poète Epique ) rempliiïe ce que
l’exade vérité & l’unité exigent, il faut qu’il
entremêle avec tant d’art la peinture de l’adion
avec le difeours qu’elle fiippofe, qu’il paroiflë que
tout marche enfemble, & que tout s’offre, pour
ainfî dire, à la fois , quoique ces vérités ne foient
que fùcceffives.
Si l’ouvrage eft dramatique, la Pantomime que
le Poète prépare au Comédien doit avoir auffi
fa jufte mefure, relative au difeours, & fe fûc-
céder dans la progreffion qui contient ; car A
l’Auteur, fe complaifant en fôn talent, tnfifte
trop fur une nuance de fentiment ou d’affedion,
l ’Adeur, embarraffé de fes mouvemer', & de fon
attitude, ne faura comment en prolonger l’exp^ef
lion. Si les nuances font trop découfues & trop
brufques, fes mouvemens , fes attitudes fe ront,
malgré lu i, trop agités : dans le premier c as, il *
reliera trop en attitude ,• dans l’autre, il en changera
trop vite , & la nature, qui ne procède pas
ordinairement ainfi, en fouffrira, comme l’intérêt
qui eft fondé fur elle.
Ces objets ne me paroiffent pas avoir encore
été obfèrvés & difeutés comme ils mériteroient
de l’être. Les grands Adeurs , s’ils n’étoient trop
fouvent occupes de préjugés & de prétentions
perfonnelles, pourroient, par de jutücieufes &
modeftes obfervations éclairer fur cette matière
les Auteurs mêmes les plus diftingués , & ils y
gagneroient les uns & les autres.
L e mot attitude en Peinture , auquel je dois
revenir, lignifie encore, dans un fens plus cir-
conferit, la pofition que le Peintre de portrait
adopte pour repréfenter ceux qu’il peint, ou que
ceux-ci fe choifîffent eux-mêmes.
J e parlerai de cette acception particulière
clans l’article Po rtrait ; mais je me permettrai
d’avance quelques obfervations.
L e mot attitude eft quelquefois pris dans un
fens ironique , parce que la plupart des attitudes
que choifîflènt particulièrement ceux qui fe font
peindre, ou que demandent quelquefois les Artiftes
eux-mêmes, ont une gêne & une affeda-
tion qui paroiffent ridicules ou choquantes.
C’eft d’après cela vrai - femblablement qu’un
homme q u i, dans la fbciété , prend un maintien
médité par la vanité, ou par quelque prétention ,
fait dire de lui qu’il eft en attitude.
Un des moyens de combattre ce ridicule eft
la bonne Comédie , parce qu’en même temps que
l ’Auteur fait parler à fes perfonnages le langage
des ridicules & des foiblefïès qu’il leur fiippofe,
îl donne lieu aux Comédiens , qui repréfentent
ces perfonnages, d’imiter auffi les mouvemens,
les geftes, le maintien & les attitudes qui leur
font propres, de manière à exciter la dérifion.
Un préfervatif que la Peinture de fon côté pour-
roit fournir, feroit des fuites d’ingénieufes caricatures
y à l’ufâge de ceux qui font faire leur por*
trait avec prétention. On y repréfenteroit des
attitudes y dont une légère exagération rendroit
le ridicule frappant.
On verroit l’important dans la méditation la
plus profonde & comme accablé de tous les
objets dont il fe fait entourer dans fon portrait,
pour fonder fa considération ; l’homme qui defire
qu’on lui donne l’empreinte du génie , dans une
agitation qui tient du délire ; le fenfible , comme
un fÿbarite efféminé ; l’homme g a i, comme s’il
étoit yvre ; le moindre homme de lo i, comme un
grand Magiftrat, & les Employés fubalternes dans
des attitudes de Miniftres. Je ne me permets pas
d’etendre cette idée de caricature jufqu’aux fem,-
mes.
^ L a plupart de leurs foiblefïès ou de leurs ri*
dicules ne doivent nous permettre que le fou-
rire & non la dérifion , d’autant que nous contribuons
trop fouvent aux erreurs de leur efprit,
pour avoir le droit d’être févères.
L e mot attitude convient encore particulièrement
à la danfe, comme étant liée à la pantomime
; mais fi ce dernier art étoit établi plus qu’il
ne l’eft parmi nous, le terme d'attitude lui de-
viendroit abfolument propre & indifpenfable. Il
entreroit nécefîàirement dans fôn langage, parce
qu’il fe formeroit un fyftême raifbnné de pofîtions
& une nomenclature de fîgnes dont le nom général
feroit attitude.
I J e ne puis me refufèr d’ajouter que fi cela arrive
, cet art nuira d’autant plus à la Peinture
qu’il aura plus de fuccès ; car l’art de la Pantomime
étant plus difficile- à exercer dans une certaine
perfection que la Comédie même, il y aura
bien peu d’Adeurs de ce genre qui puifîènt fer-
vir de modèles aux Peintres , & cependant les Artiftes
fe laiflèront entraîner à les étudier , à caufe
des applaudiflemens que le Public leur prodiguera.
Jeunes Artiftes , plus expofés à ces dangers,
parce que les réflexions n’ont pas encore mûri
votre jugement , & que par les relations qui
exiftent naturellement entre tous les Beaux-Arts ,
vous devez aimer les Spedacles, cherchez toujours
à copier la Nature de la première main ;
elle vous offrira des attitudes vraies, & les Acteurs
, les Danfeurs , vos Modèles même les plus
dociles ne vous offriront la plupart que des attitudes
fauflès , gênées, ou affedées. Peut-être fi
vous vous impofîez à vous-même Yattitude que
vous cherchez, en vous regardant dans une glace ,
rencontreriez-vous plus jufte, en fuppofant que
votre ame flexible fut fufceptible d’impreffions que
l’intérêt de votre Art rendroit plus expreffives.
Au refte , entre plufieurs attitudes, que vous
regardez comme convenables au fujet que vous
traitez, choifîffez toujours les plus fîmples.
L ’A r t , dans fà naiffânee , commence par des
attitudes fîmples, mais repréfèntées avec une
vérité fouvent féche y quelquefois pauvre ou mesquine.
L ’A r t , plus avancé dans fes progrès, cher*
che à éviter ces défauts par le mouvement, le
piquant & la force. L ’A r t , dans fôn degré le plus
parfait, s’apperçoit que le mouvement conduit
par degré à l’exagéré, comme le piquant à l’in-
vraifèmblable & la force à l’outré. Il revient
alors fur lui-même, fi les moeurs & les opinions
ne s’y oppofent pas. Il redemande la fîmplicité ,
mais choifîe , guidée par la jufteffè de l’expreffion ,
dirigée par le goût, c’eft-à-dire , par le fentiment
fin des convenances j & embellie par la naïveté
& lagrace*