
arts pourraient infpirer à es fujet 8c Fon eft
réduit aux défirs & aux regrets.
L ’ ufage des galeries eft aufii deftiné, comme
je Fai indiqué au commencement de cet article ,
« raffembler des tableaux de différentes écoles
anciennes 8c modernes, de toutes fortes de
genres & de formes, & à y joindre des objets
précieux, tels que des fculptures, des v a fe s,
des meubles recherchés. Le but de la plupart
<le ceux qui font ces collections, eft de fe
diftinguer par le goû t, par l’opulence & par
l ’ avantage de pofféder ce que d’ autres ne pof-
fédent pas. C’eft trop fou vent une forte de van
ité , réellement pué rile , qui préfide à leur
choix & à leur arrangement ; mais, par une
forte de punition , ces g a le r ie s , fou vent mal
afforties & furchargées , affichent l’ ignorance de
leurs maîtres , & traveftiffent ce qu’ ils
appellent faftueufement leurs galeries, en ma-
gazins de marchands. I l eft vrai que. ceiix-
c i , chargés par néceflité, du foin de former
ces collections, doivent être portés à en conformer
les difpofitions à celles qui leur font
plus familières.
Je ne dirai plus qu’ un mot fur ces galeries i
mais je le crois Important pour les amateurs qui
s’ en occupent, par quelque intérêt que ce foit.
C ’ eft qu’ il eft indifpenfablement néceffaire, s’ils
en veulent tirer le plus grand avantage , de les
eclairer en tirant les jours d’ enhaut & d’ affortir
le s tableaux, de manière qu’ils ne fe nuifent
par les uns aux autres par des oppofitions de
genre , de manière & lurtout dé couleurs.
Quant au premier ob je t, l’ importance m’ en
paroît inconteftable & prouvée par la différence
lenfible que produit & fur les tableaux & fur
le s yeux de ceux qui les regardent, le point
d’où l’on tire la lumière qui les éclaire. Je
ne chercherai pas à prouver cè qui peut fe
démontrer fi facilement, & je renvoyé au même
ju g e , c’ eft à dire à l’ expérience, la fécondé
obfervation, d’ autant qu’ il n’ eft que trop évident
que les objets, quel qu’ils foient, peuvent
perdre par la comparaifon , & q u e , pour les
faire briller autant qu’ il eft poffible , oc mettre
dans tout fon jour le mérité qui leur eft propre,
i ln e faut pas les expofer à des comparaifons trop
iJgfavantageufçs, ( Article de M . ^ a t e l î t . )
G E
M G ÊN E ( fu b f t . fem. ) La gêne eft Foppofé
de la liberté.
R ien , dans le fa ir e ne doit fentir la gène.
Lefpe&ateur fent. redoubler fesplaifirs, quand
i l voit que ce qui eft difficile eft fait avec
facilité. I l a même fouvent l’ injuftice de re-
fufer fon approbation à cé qui eft bien fa i t ,
s’ il n’ eft pas fait avec aifance. Mais c’ eft par
ja lciegce 8c la pratiqua, & nop par l ’audace,
que l’ artifte doit fe mettre au-deffus de là
gêne.
On peut exeufer les amateurs s’ils refufent
leurs fuffrages à ce qui ne fent pas la fac ilité,
car la gêne qu’éprouve l’artifte indique qu’ il
ne fait pas affez ce qu’ il eft obligé de bien
favoir. S’il a une profonde connoiffance des
formes, il mettra de l’ aifance dans fon deffin ;
s’ il a une grande habitude de peindre, il aura
un pinceau fa c ile; s’ il pofsède bien la théorie
des effets , il ne fera pas gêné pour les rendre.
L’air de facilité peut accompagner l’ ignorance,
parce qu’ elle marche témérairement fans
connoître même les dangers. Elle n’ en fait pas
affez, pour favoir que quelque chofe peut être
difficile à faire. La gêne peut accompagner la
demi-fcience, pareeque l’ artifte fent à-peu-près
ce qu’ il faudrait fa ire , & qu’il n’a pas affez
de théorie ou de pratique pour l’ exécuter.
La gêne que l’on remarque^dans les ouvrages
de quelques uns des plus grands maîtres ne
pourrait fervir aujourd’hui d’exeufe à ceux qui
manqueraient de facilité. Ces grands maîtres
avoient au moins la plus grande facilité de def*
fin. Mais la manoeuvre étoit encore naiffante :
on la cherchoit plutôt qu’on ne la poffédoir.
On n’avoit encore des exemples de r ien , i l
falloit tout découvrir, 8c il étoit impoïïiblc
que le même homme trouvât toutes les différentes
fortes R e faire , propres à rendre tous les
objets différens qu’ offre la nature. Mais aujourd’hui
, tout eft inventé, on a des exemples multipliés
de tout; une foule de maîtres s’eft d i£
tinguéé par les feules parties qui conftituent
la manoeuvre de l’a r t , & l’on ne doit plus
éprouver, dans des opérations tant de fois pra^
tiquéés, la gêne où fe trouvaient les inven*
teurs.
Mais permettons, s’ il le faut, à quelques ar-
tiftes d’avoir dans la manoeuvre de Fa rt, la
même gêne que les contemporains de Raphaël ;
nous aurons le droit alors d’ exiger d’ eux qu’ ils
aient aufli la fcience dans les parties qui
diftinguent ces grands maîtres.
On peut, fans trop de rigueur, exiger au
moins la médiocrité de toutes lés parties, dans
ceux qui n’en pofsèdent fupérieurement aucune.
( Article de M . L e f e sq u e . ) '
G EN IE ( fubft. mafe. ) Que de définitions
du génie qui ne font'“lé plus fouvent qu’ in-
génieufes 1 Mais comment en préfenter une digne
des idées que ce mot offre à l ’ efprit ?
La définition eft un chef-d’oeuvre d’ intelligence
, de jufteffe d’efprit & de eonnoiffances
méditées.
L’ intelligence pour parvenir à la jufteffe
8c y employer les eonnoiffances acquifes
& méditées, doit procéder méthodiquement,
& le genie au contraire femble être le monrement
d*une âme chaude, rapide, élevep,
quelque fois même exaltée, qui ne marche point
en comptant fes pas, mais qui s’élance & qui voie.
Si le génie montre de l’ordre dans les productions,
cet ordre eft l’ effet de fa nature particulière
, ou d’études, dont il ne fe rend pas
compte au moment où il les applique^ le plus
heureufemenr. I l brille comme la lumière qui
ne donne aucun indice de ce qui la produit.
C’eft fans doute à caufe de l’ indecifion du
feus de ce mot, qu’ il eft fi.fouvent employé
flans la langue; car on peut obférver que ce
font les exp.reflions qu’on auroit plus de peine
à bien définir, dont on fe fort davantage. C’ eft
qu’on croit d’ après l’idée vague qu’on en a ,
pouvoir les appliquer à un nombre infini de
conceptions également indéterminées qui fe pré-
fentent à nous fans cefle, principalement dans
la converfation.
Mais c’eft fur - tout lorfqu’ on parle des arts
8c des talens qu’on prodigue plus libéralement
le mot génie.
Lfii jeune Auteur compofe-t-il des vers avec
facilité ? L’ efprit fe fait-il appercevoir dans fes
productions précoces? Y rémarque-t-on de la
fineffe ? S’ éloigne-t-elle même du naturel & de
la (implicite ? On alfigne à ce jeune auteur le
don du génie de la Poëfie. Quelquefois pour
être placé parmi les hommes de'génie, il fuffit,
au poëte de favoir lire d’ une maniéré féduifente
(es vers barbares : mais ce grand homme éphémère,
meurt à l’ inftant même où fes ouvrages
paroiffent au grand jo u r , & le filence de ceux
qui lui ont décerné la couronne du génie fe
çonfond avec le filence public.
De même un artifte montre-t-il quelques
heureufes difpofitions ? Fait-il même avant de
favoir defliner des croquis où le feu de la première
jeuneffe fe montre? ( Et s’ il étoit froid
à cet âge ; qù.e fe ro it- il? ) On s’écrie qu’ il a
un talent marqué, & qu’il eft né peintre. Un
fcuîpteur, un muficieri compofiteur, un a r c h i tecte
, font ainfi proclamés fur des effais, comme
grands hommes futurs. On a un plaifir, trop
fouvent malin, de prédire des fuccès qu’on
oppofe d’avance à des talens dont la célébrité
importune. On laiffe à l’ envie qui ne meurt
pas, le foin de difputer lorlqu’ il en fera tems
à ces nouveaux athlètes, les lauriers dont on
les couronne-.
Ce manège de la foibleffe humaine eft peut-
être plus fréquent 8c plus fonfible chez une
nation v iv e , même légère , que parmi celles
qui font moins changeantes dans leurs affections
; mais il ne met que plus d’obftacles aux
progrès, & n’offrç que plus de danger à ceux
qui fe confacrent aux arts.
Eh effet, fi Fon enivre les jeunes talens,
îls s’endorment ou s’énervent ayant l’ âge de
.leur yéritable force.'
D’ ufte autre part, lorfque Foft s’arme contre
le petit nombre des hommes qui annoncent
dn g én ie , on caufe à leurs âmes des peines
dont l’amertume en altère fouvent le germe.
C’eft la foule des talens avortés qui s’élève
furtouî contre ceux qui atteignent les grandes
proportions; & le public qui defire fi ardemment
les beaux ouvrages des arts , ne fembls
cependant accorder qu’ à regret un prix à des
chefs-d’oeuvre dont, par cette injufte fevérité,
il paraîtrait vouloir fe priver contre fon propre
intérêt.
Quant à cette injuftice, il refte au moins
à ceux qui l’éprouvent un appel à la poftérité,
& pour confoiation, un fentiment intérieur de
leur mérite , qu’ il ne faut pas confondre avec
la fotte préfomption. Qu’ o r rle nomme, fi l’on
v eu t, noble orgueil ; mais il n’ eft pas plus
blâmable dans les hommes de g é n ie , que la
confoience de la vertu dans ceux qui en font
doués.
Au refte le plus grand danger des louanges
anticipées eft pour lés jeunes talens; car s’ ils
font profondément attaqués par le poifon des
louanges prématurées dont l ’ effet pernicieux
eft prefque inévitable, ils fuccombent tôt ou
tard., comme je l’ai dit, ou tant qu’ ils e x iften t,
ils conforvent des marques, fenfibles du mal donc
ils ont été frappés^
Faut-il donc retenir tin fentiment dont on
peut - être affeCté de bonne foi , & refufer
de donner des encouragemens par lefquels on
petife fincèrement aider aux fuccès des jeunes
talens ? Oui fans doute l ’on devroit s’ y refufer
fouvent, ou du moins s’impofer une circonf-
peCtion utile , furtout lorsqu’on ne s’eft pas
rendu compte de ce qui peut donner du fondement
aux elpérances d’ un véritable talent &
diftinguer de l’éclat d’ un feu paffager les étincelles
du véritable génie.
Liberté, hardieffe, nouveauté; voilà affeè
ordinairement les caractères qui .nous trompent;
car ces fignes n’ annoncent pas toujours 1 e génie ,
quoiqu’on ne puiffe difeonvenir , qu’ il eft plus
fréquemment défigné par ces fignes caraCté-
riftiques de l’ efprit, que par ceux qui montrent
l’afferviffement aux opinions, la timidité
dans la marche & le penchant à l’imitation.
Le génie dans la peinture ( car il faut fe
fixer principalement à l’objet de cet ouvrage )
trouve plufieurs moyens de fe produire; & le
phoenix des artiftes feroit celui qui les mettrait
tous en ufage avec un égal fuccès.
Mais fi cette univerfalité de perfections n’ eft
pas abfolument néceffaire pour obtenir le titre
d’homme de génie, il eft cependant des parties
qui appartenant de plus près aux facultés
fpiriruelles de l’âme, donnent plus de droits à.
l’ obtenir.
Les parties qui infpirent une égale coniidé*