
t:n touchant intérêt, une variété piquante , &
ind iq ue « poétiquement que la manne a été
envoyée du ciel dans un temps de famine.
S i , malgré ces exemples, on perfiftoit à
prétendre que les tableaux à’hijloire doivent
«livre fidèlement les faits hifloriques ; qu’ y
ajouter de nouvelles idees, changer la dilpo-
firion de la fcène , c’ eft dénaturer les. fujets -,
li on veut qu’enfin la peinturé tfhijloire, foit
enchaînée par la lettre du texte hijlorique ;
que les raifonneurs créent donc de nouveaux
grands-maîtres , & qu’ ils produifent des moyens
inconnus jufqu’ i c i , pour inftruire par l’ art de
peindre.
Il nous refte à prouver la néceflité du choix
dans les formes, & dans la couleur des objets
qui doivent compofer un rableau à’hiftoire. Il
eft étonnant que la néceflité de ce choix
n’ait pas été fentie, ou du moins ait femblé
ne pas l’ être, par des artiftes qui doivent
connoitre le prix des statues antiques , & des
chef-d’oeuvres de l’école Florentine, & de
l ’école Romaine •, & il eft encore fur prenant
qu’ en négligeant ce. ch o ix , ils aient réduit
cette négligence en principe. Mais tel eft l’ abus
du raifonnement de la part d’hommes peu inf-
truits. Ils ont dit : le tableau doit-être une
copie .de la nature, la feule tâche du peintre
eft de chercher à l ’ imiter telle qu’ elle eft -,
s’ il y parvient, il a atteint fon but , & prétendre
l’ embellir, eft une chimérique prétention.
Ce raifonnement n’ eft point applicable à
l’ art de peindre Ÿhijloire. Les faits que cet art
repréfente , ne font pas fous nos yeux , ils
ne font tranfmis à notre penfëe que par le
récit des hiftoriens; c’ eft notre imagination
feule qui s’ en forme des tableaux , 8c c’eft
aufli l’ imagination que l’art doit fatisfaire.
Ainfi , quand l’ouvra-e de l’arrifte doit m’offr
ir un Apollon, les idées que je me fuis
■ faites de certe figure c é le fte , ne peuvent
être égalées par le portrait le plus exaCt d’ un
beau jeune homme qui aura fervi de modèle
à l’arrifte. Pourquoi ? c’ eft qu’ il n’eft poin de
jeune homme dans la nature, qui réunifie
toutes les beautés dont mon efprit aura formé
celles d’ Apollon. Comment donc reprefemer ce
dieu ? Les Grecs nous l’ ont appris : c’ eft en
raffemblant toutes les beautés éparfes dans di-
verfes figures de jeunes hommes , & crmpo-
fant de ces beautés , comme dans la figure fu-
blime du Belvèdere, un enfemble plus parfait
que la nature même, prife dans le plus bel
individu. De ce raifonnement découlent deux
vérités bien remarquables ; la première, c’eft
que l’ excellence offerte par l’ m , n’ eft point
purement idéale , mais qu’elle eft le réfui rat
du talent de bien copier la nature choifie.
L a fécondé c’eft qu’ elle fuppofe dans l’ ariifte
capable de ce choix ; plus de connoiffances ,
plus de juftefle 8c infiniment plus de goût, que
dans celui qui copie fer vilement la nature
comme elle le rencontre fous fes yeux. Et
voila ce qui conftitue le grand ftyle , le ftyle
propre a l’ hiftoire. Remarquons en paffant que ,
par rapport aux formes 8c aux proportions, le
lculpteur eft aftreint aux mêmes loix que le
peintre Ÿhijloire.
Mais , dira-t-on , de très-grands artiftes n’ ont
pas connu ce choix de formes, & leurs ouvrages
n en font pas moins très-précieux. Vaine
objection. Les artiftes qu’ on cire pour exempleT
n’ont pas été de vrais peintres à’hiftoire, ou
bien s’ ils tenoient à quelques égards à cette
clafl’e , c’etoit par la poëfie 8c la grandeur de leurs
compofitions , 8c par la {implicite & la force
de leur coloris. Car le ftyle hijlorique em-
brafle toutes les parties de l’ art -, & l’on place ,
par indulgence, dans la claffe de Ÿhijloire, des
ouvrages où ce ftyle ne règne que dans quelques
parties, pourvu du moins qu’ elles foient
capitales. •
D’après la thèfe que je viens d’établir, un
homme inftruit , en voyant le très-beau tableau
du cabinet du R o i , repréfentant les
vendeurs chaffés du temple, ne rangera pas
Jacques Jordaens au nombre des peintres d9hiJ~
toire. En effet, la composition de ce tableau ,
eft tellement embarraffée d’ objets accumulés
les uns fur les autres, q ue , {'ans une figure
qui offre a-peu-près le caractère convenu pour
celles du Chrift , il feroit impoflible de découvrir
le fujet. Cette figure elle-même eft dans
une attitude fi baffe & fi gauche , qu’on doute
de fa dénomination & de fon aélion. Les autres
figures du tableau vêtues à la flamande,
dans les attitudes les plus triviales , & fous
les formes les plus communes, n’ont rien qui
ne fente le marche d’ Anvers. Quant au coloris,
les détails qui en font charmans pour un. tableau
de genre , nuiroient à.un fujet tfh if-
toire , par le brillant des teintes qui attaoue-
roit trop vivement l’oeil du fpeâateur. Çar
ou ne faüroit trop le dire , c’ eft dans la fim-
plicité desL teintes, comme dans celles des
formes, que refide principalement la grandeur
du ftyle qui doit être celui de Ÿhijloire , &
qui caractérise bien plus fon effence , que le
choix du fujet. En effet , un 'fujet peut-être
puîfé dans Ÿhijloire , 8c devenir, par la manière
dont il eft traité, une véritable bambochadc
un fimple tableau de'genre.
Cependant comme nou l’avons déjà infinué
on eft à-peu-près'' généralement conven de
ranger dans la claffe des peintres d’hifloire
des artiftes qui n’ont pas eu .. dans toutes les
parties, le ftyle propre de Ÿhijloire, mais qui
l’ont poffedé du moms , dans quelques paries
capitales, & dans un d. gré éminent. Ainfi par
la grandeur de fes effets, par la richeffe , la
poëfie, & l’ abondance de fes compofitions,
Rubens y tient fa place 8c y occupe même un
rang très-diftingué , comme Paul-Veronèfe par
la jnagnificence de fes ordonnances. Le Tintoret
a des maffes , & des partis d'effet fi impofans ;
fon deffin même à un ftile fi grand , fes attitudes
font fi faciles, qu’ il peut être réputé peintre
Ÿ h ijlo ire , malgré la bifarrerie de fes inventions
, & les incorrections de fes proportions
8c de fes formes. ( i ) Enfin on ne refufe
pas même ce rang à Jacques Baffan-, quoiqu’il
ait adopté des attitudes communes, &
des caractères de têtes aufli peu nobles ; parce
que fon coloris étoit fimple , fes teintes puif-
lantes & fes effets larges & bien cadencés.
Les ouvrages de ce grand peintre , fe font
peu confervés : mais dans ceux qui ont le
moin? n o irc i, on peut voir la raifon de l’ef-
time qu’ il a obtenue de fes contemporains. P.
Véronèfe, lui en a donné un témoignage non
équivoque, en lui confiant pendant plufieurs
années l’éducation pittorefque de Carletto-
Cagliari fon fils.
Mais quels qu’aient été les talens de tous
ces hommes à qui l’on ne peut guère, je crois,
refufer le titre de peintres tfhijloire , recon-
noiffons du moins que la prééminence de ce
t itre , doit être réfervée à ceux qui fe font
diftingués par l’excellence du deilin & de
l ’expreflïon. Quelle doit être en effet la fcience
des artiftes qui peuvent courir cette carrière
d’ une manière diftinguée ? Combien toutes
les parties qui compofent le corps humain
doivent leur être connues, pour difpofer à
leur gré de tous fes mouvemens , de toutes fes
proportions, de toutes fes affeCtions fuivant
l ’âge , le rang , le pays & l’ état phyfique des
fujets qu’ ils veulent rendre ? Etude réfléchie fur
les monumens antiques ; connoiffance approfondie
de la partie d’anatomie, où réfidenr. les
organes des mouvemens ; chaleur de penfée
pour les caraftères, fentiment pour la peinture
des pallions•, détails fu rie s coftumes : tel eft
( i ) M. Reynolds n’a pas précifimenc exclu du genre
de l’hiftoire les artiftes que cite ici l’auteur de cet article
; mais il a divifé ce genre en deux claffes La première
, bien fupérîeure à l’autre , eft compofée des maîtres
qui ont joint la profondeur de penfée, la grandeur d’ex-
prelfion , la (implicite de compofition, à la pureté des formes,
& dont le coloris fage ne fait que rendre plus puiffante
encore l’exprelfion générale. La fécondé claffe, lo n g o fe d
proxima intervallo 3 eft compofée des peintres qu’il nomme 8apparat, & qui féduifent le fpe&ateur par la magnificence
du fpeftacle & par l’éclat du coloris. Il range dans
cette claffe Rubens, Paul Véronèfe, &c. &c prouve que
même les qualités qui ont fait la gloire de ces artiftes, le-
toient nuiffbles au premier genre, qu’on pourroit appeller
le genre pur & exprejfîf. On tirerait à-peu près .e même
réfultat des écrits deMengs, d’où il faudroit conclure que
le premier, le vrai genre de l’hiftoire 3 eft celui que, pendant
long-temps', prefoue tous les artiftes de l’Europe
^tablent être convenus d’abandonner ( 2Vp<e 4e VEditeur. ±
à-peu-près , fur l’objec feul de la figure humaine
, ce que doit poffoder le peintre 8’hiJ~
to ire , dans les parties propres à l’art, du delfin.
Car l’ architeCture , Ia perfpeôlive, Ÿhijloire de
tous les pays, la connoiflànce de beaucoup de
branches d’ hiftoire naturelle, fur-tout des
animaux , 8c des végétaux , Ja mythologie , les
ufages , les inftrumens civils militaires 8c religieux
, des peuples anciens & modernes ;
toutes ces branches 8c bien d’autres que j’ admets
, ne peuvent être regardées que comme
des connoiffances acceffoires aux parties fpécia-
les quiconftituent le peintre du grand g enre,
confidéré comme deflînateur. Qu’on y joigne
actuellement le mérite du coloris propre à chaque
fujet 8c aux divers efpaces, 8c on aura une
idée de l’art de peindre Ÿhijloire , & de ce
qu’on eft en droit d’en attendre. ( Article de
M . ROB I N ) .
H O
HOMME ( fubft. male. ) Lfhomme a été vrai"
femblablement l’ unique objet de l’ art naiffant,
& il eft refte le principal objet de l’ art perfectionné.
L e premier fauvage qui a tracé maladroitement
un contour, ou qui a grofllèrement
repréfenté le re lie f d’ une figure, a cherché, dans
fes travaux informes, à imiter la figure humaine;
car c’ eft de Ÿhomme que l’homme a toujours
été le plus occupé.
Ne connoiffant rien de plus parfait que
lui-même , il a donné aux dieux qu’ il a imaginés
une forme humaine. Le dieu fuprême ,
pour le fauvage encore brut, eft Ÿhomme iVen.
haut, 1 homme qui roule 8c lance le tonnerre,
Ÿhomme qui loge fur lès montagnes. Homère
pour exprimer les d ieu x , dit fouvent ceux qui
habitent les maifons de V Olympe.
C’ eft le b e foin qui a inipiré les arts nécef-
faites à la vie ; c’ eft la religion qui a donné
naiffance aux beaux arts. Les premières
repréfentations que Ÿhomme ait effayées furent
celles de fes dieux, & par conféquent des imitations
de la figirre humaine , puifque c’étoit
cette figure qu’il prêtoit aux dieux.
S’ il a dans la fuite imité des animaux , des
plantes , cette imitation avoit pour objet de
fuppléer à l’écriture qu’on ne connoiffoit pas
encore. Tels furent les caractères hiéroglyphiques
des Egyptiens.
Mais cette forte de repréfentation fut très-
imparfaite , parce que l’art étoit encore fauvage.
Quand il commença à fe perfectionner , on
avoit déjà trouvé l’écriture alphabétique. Il ne
s’occupa donc pas à perfectionner le fupplémenc
de l’ écriture, parce que ce fuppléraent deve-
noit inutile.
L’art fut encore affez long-temps confacré à
la religion , c’ e ft -à -d ire , à repréfenter les dieux
qui avoient des figures humaines. Enfuite i j
G g g i j