72 B E A
beauté particulière du plus grand nombre des parties
du corps.
Il refie à diflinguer , d’après ces obferyations,
les parties qui coopèrent au mouvement du'corps
entier, & celles qui n’y ont point de part ou qui
n’en ont qu’à des mouvemens particuliers. Telle
efl la tète, par ^exemple, & fur-tout- les parties
apparentes qui la çompofent.
On ne peut rapporter au mouvement la beauté
du nez, des fourcils , des cheveux, ni même
entièrement celle des y eu x , air.fi que des lèvres
& de la bouche ; mais, chacune de' v ce s parties a
cependant quelques mouvemens propres & defli-
nés à des ufàges particuliers qui font plus ou moins
favorifés ou contrariés par les proportions & les
dimenfîons que la nature ou les accidens leur
donnent.
Commençons par la forme de la tête, puifque
j ’en ai parlé d’abord.
L a forme de la tête peut être ronde, ovale
dans fa longueur, ou bien étendue dans fa iar-
• geur. '
Efl-elle ronde ? Les parties qui J a çompofent,
privées du développement que leur procure une
dimenfîon plus allongée , ont moins de facilité &
d’aifànce à remplir leurs fondions. D’une autre
part, dans cette forme, les parties fè trouvant
plus ferrées, n’offrent pas à eeux qui regardent
l’enfèmble, l’agrément de les appercevoir aufli
complettement & fous des afpéds auffi agréables,
Si la tête fe trouve d’une proportion étendue
.en largeur, cette proportion défedueufe contrarie
•la forme générale du corps qui s’élève de partie
-en partie, & dont la dernière doit avoir naturellement
une forme plutôt' allongée qu’élargie,
pour offrir moins de pefanteur, relativement au
col & aux épaules.
. L a tète efl-elle enfin ovale en longueur &. tellement
proportionnée dans cette forme que toutes
les dimenfîons de cet ovale ayent d’agréables rapports
, elle offre la beauté qui lui convient, fur-
tout fi fa furface entière a cette dimenfîon. Si la
forme ovale efl donc celle de toute fà furface ,
chacune des parties qui doivent y avoir place, s’y
trouvera difpofée facilement ; toutes feront dé-
'gagées les unes des autres , elles ne fe nuiront
p as, & la fàtisfadion du feus dé la vue fera, un
réfultat de la relation des proportions & dimenflons
de formes & de celle de la difpôfition des
parties. Cette fatisfadion e fl, fans doute , le principe
qui nous fait donner le nom de belles aux
têtes qui ont cette forme. Aa contraire , fi la tête
eft plate dans quelque partie de fa furface, &
fur-tout dans celle du vifa g e , elle produit une
împreffion froide & peu fatisfaifante , parce que
les parties qui s’offrent trop à découvert & dans
des afpeds qui ne changent pas-affez fou vent au
B E A
regard de ceux-qui l’ob fervent de différons peints,
manquent de ce qu’on nomme mouvement, pris
dans le fens qu’on lui donne en Àrchitedure,
Air.fi les.façades de bâtimens qui font monbtonés,
parce qu’elles n’offrènt1 qu’un - plan uniforme ,
s’appellent des façades plates, froides, & comme
je fa i dit , fans mouvement ; au-lieu que celles
dans lefqüelles des parties juflement proportionnées
, mais plus faillantes lés unes que les autres,
offrent des afpeds plus variés , - ont, pour parler'
ainfi, du mouvement & de la vie.
Il refie à dire un mot de la forme-de la tète,
lorfque le vifage, au lieu d’avoir la convexité
d’un bel ovale , a une forme trop convexe ou
côncave. Alors toutes les parties altérées dans
leur forme imparfaite, fe dérobent aux regards
les unes par les autres, ou préfentent des afpeds
irréguliers,qui non-feulement n’infpirent pas l’idée
fatisfaifante de la beauté, mais'excitent le plus
fouvent un fourire qui tient au ridicule. P
Auffi les phyfionômies qu’on appelle eomiques ,
ont-elles ordinairement, plus ou moins de cette
forme trop convexe ou trop concave , & les maf-
ques de théâtre , defiinés à faire rire , l’empruntent.
Elles y,joignent auffi des irrégularités tirées
de l’excès des autres formes des parties. Ainfi.le
mafque d’Arlequin préfente une tète ronde,. un
nez applati, une bouche qui rentre , qui s’élargit,
de petits yeux, &ç. Il fera facile de faire des
•obferyations . d’après ces élemens , foit dans la
Société, foit au Théâtre ; j’en laiflè le foin aux
Obfervateurs & aux.-Artifles..
J e vais préfentement paffer aux principales
parties- de la tête.
L e ne z , en ne.confidérant que les modifications
les plus générales , peut être ou court, ou
long, ou épaté, ou ferré, ou aquilin , ou courbe
en dedans* S’il efl court, il .devient difp$porr-
tionné aux autres parties , il les découvre trop à
l’oeil, il occupe trop peu de l’efpace qui lui efl
defliné. Ce n’efî pas tout , il a des inconvéniens
pour le fon de la vo ix , pour la refpiration, d’où
en réfultent d’autres encore , & il efl naturel que
cette forme paroiffe contraire à la beauté de cette
partie , fur-tout parmi les nations où l’on obferve
& où les Arts font cultivés. Si le nez efl très-long,
les inconvéniens contraires à ceux que je viens
d’expo fer* s’oppofènt auffi à la dénomination de
b e a u t é L ? longueur cache trop certaines, parties
de la têt,e dans piufieurs afpeds , & fe trouve dii-
proportionnée avec celles qui feroient dans des
proportions plus juftes. La groffeur entraîne fes
inconvéniens, l’applatiflèment de même. L e nez
aquilin, s’il l’efl avec, excès, a de la difformité.
ÈflVll courbe dans un fens contraire ? fl offre
encore quéîqüé's-ùhs des inconvéniens dont j’ai
parlé. Enfin, efl-il d’une dimenfîon, d’tin contour
& 'd’une forme, telle- que l’antique nous/ l?o‘fire
B E A
dans l’Apollon'& dans l’Antinous, nous lui accor-
dons, d’après les connoifîànces que nous venons
d’expofer , la beauté qui lui convient.
• Les cheveux font néceffaires à l’homme , ou
fans doute ont paru l’être à la nature qui l’à formé
, & leurs couleurs diverfes ont des relations
plus ou moins favorables avec la couleur de la
peau. Celle de ces relations qui flattent la vue,
obtiennent le titre de beauté. II faut obferver
que, comme ces relations n’emportent "pas une
idée fi abfol'ue d’utilité ou de néceffité que plu-
fieurs autres , les jugemens fur cet -objet font
plus arbitraires. Chez les Anciens, la^ couleur
qu’ils appeloient dorée étoit préférablement proclamée
belle par les Poètes. Elle convient auffi
au fyflême de la couleur dans l’Art de la Peinture,
parce que le'brun & le noir forment quelquefois
des oppofîtions trop fortes , & que ces
couleurs, fujettes. à changer dans les tableaux ,
altèrent quelquefois leur accord : la couleur dorée
s’unit au contraire par des nuances qui lui font
propres aux teintes fraîches, blanches & animées
de la peau. Auffi nos Artifles la préfèrent encore ;
mais nous*ne l’admettons pas avec autant de préférence
dans la nature, peut - être parce qu’elle
entraîne des inconvéniens qui font des idées ac-
ceffoires. à celles de la beauté L a flexibilité &
la longueur des cheveux ajoutent à leur beauté,
parce que ces qualités contribuent au mouvement,
en fuppofant qu’on leur confèrve la liberté
à laquelle les a defiinés la nature, & alors les
cheveux qui effectivement font difpofés à flotter,
à n’etre contraints que le moins poffible, & a
prendre d’eux-mémes à leur extrémité une forme
arrondie, ont dû néceflairement avoir leur part
à la beauté ; ils la confervent encore lorfque
l ’art des coèffures ne s’écarte pas trop de l’intention
de la nature, & les Poètes, ni les Auteurs
de Romans, ne les ont jamais privés de
leurs droits.
L a diftribution des cheveux fur les bords du
front & des tempes, a dû fixer les yeux de ceux
qui , fenfîbles à toute efpèce de beauté , ont
voulu la fiiivre dans toutes fes modifications. La
régularité entre dans le nombre des éiémens de
cette forte de beauté. Car les chefs-d’oeuvre
des Anciens n’offrent que rarement ces difpofi-
tions fymmétnques plus ou moins avancées ,
qu’offrent quelques portions des cheveux qu’on
nomme parmi nous bien plantés , & que nous
mettons au nombre des agrémens.
La beauté du front pourroit paroître aflèz arbitraire
; mais des idées de convenance, ’ relatives
au fe x e , à -l’âge , à l’état, ont cependant
à fon égard établi des éiémens dont on peut
rendre raifon. Un front découvert fait aflèz
ordinairement naître l’idée de la hardieffe, quelquefois
même de l’audace ; d’ailleurs , il peut
donner à cette partie trop de furface , & altérer
par-là les proportions relatives. Un front aflèz
Beaux-Arts. Tome l
B E A 7 j
grand ne déplaît pas dans un guerrier, parce que
la hardieffe & l’audace lui conviennent ; il n’efl
pas choquant dans un vieillard, parce que les
lignes & le .caractère de l’âge n’admettent guère
l’idée de la hardieffe ou de l’audace, & qu’ils font
plutôt naître celle des effets du temps, qui s’accordent
avec une févérité douce, fruit du calme
& de la raifon.
L e front trop petit, ou trop ferré a le défaut
d’être difproportionné ; il fait naître 1 idée d’un defaut
de -développement des'parties. Les dimenflons
des fourcils pourroient encore paroître, allez
arbitraires ; mais les fourcils ont un ufage né-
ceffaire. Ils mettent l ’oeil à l’abri de plufîeurs-
accidens qui le menacent habituellement. D’ailleurs
, ils font doués d’un mouvement qui contribue
à exprimer des impreffions , des affe&ions
& des idées; leur couleur a une relation vifîble
avec celle des cheveux & de la peau. S’ils font
trop minces , ils ne rempliffent pas aflèz leur
deftination phyfîque, ils ne couronnent pas l’oeil ;
& ne contribuant pas à l’expreffion , ils l’affoi-
bliflènt, ils énervent pour ainfi dire fon langage.
Les yeux defiinés à des fondions fi importantes,
fi actives, fi agréables, ont, à ce qu’il me fèm-
ble , des droits bien acquis à la beauté, fur-tout
lorfqu’ils font grands , animés, " clairs & fufee-
ptibles par leur mobilités d’annoncer le câradère
des objets qui s’y peignent, ou celui des facultés,
qui , après avoir reçu par eux les impreffions.
des objets, leur répondent, en les faifànt participer
à leur tour à celles qu’elles y ajoutent.
L a bouche trop grande a des inconvéniens
phyfîques qui contribuent à la priver de la dénomination
de beauté ; trop petite, elle en a
de différens qui nuifènt auffi à la parole, & qui
fouvent entraînent d’autres defauts relatifs à des
idées accefloires. D’ailleurs, l’excès de grandeur
ou de petiteflè altère toujours le rapport de
proportions des différentes parties entr’ellcs. L e
menton reçoit enfin , par les mêmes raifons
parmi les hommes & les Artifles qui étudient &
obfèrvent avec détail les modifications de la
. beauté, des qualifications plus ou moins aVanta-
geufes.
Je pourrois prolonger ces d é t a i l s f au refis pu
les étendre ; mais , d’une part, je paflèrois les
bornes que je me fuis impofées ; de l’autre , le
langage que doit parler un Auteur qui cherche
à établir des éiémens généraux , deviendroit
peut-être trop poétique : cependant , comme
rien h’entraine plus naturellement à embellir
le difeours,‘ 8c je dirois même , à fe permettre
quelques libertés, que les objets dont je viens
de parler, je hafarderai d’offrir, pour delaflèr un
moment mes Leéteurs des formes dida&iques,
une defeription des beautés d’Alcine.
On fait que l’Ariofle, dans le feptiëme chant
de fon Poème immortel, conduit le fenfibie
&