
6 ^ 0 P E I du fiége de T ro ie , dont la même chronique
place le commencement 12,18 ans avant l’ ere
vulgaire.
On ne fait donc à quelle époque placer
Hygiémon , D in ia s , qui ne favoient peindre
encore que d’une feule couleur , & Char-
made qui trouva l’ art encore fi groflier qu’ il
inventa le premier , celui de faire connoître
la différence des fexes dans les ouvrages de
peinture.
On ne fait trop ce que Pline veut dire,
quand il parle d’ un Eumarus qui imita toutes
fortes de figures. V eu t-il faire entendre que
ce peintre repréfenta des figures de tout âge ,
de tout fexe , & dans toutes fortes de pofi-
tions , ou qu’ il ne fe contenta pas de faire
des figures humaines , mais qu’ il repréfenta
auffi des animaux ? Quoiqu’il en fo i t , il
nous apprend que cet Eumarus fut imité par
Cimon. Ce fut Cimon qui le premier varia
le mouvement des têtes, les faifant regarder
en haut, en b a s , de côté*, il marqua les articulations
des membres, il exprima les veines,
il fit fentir les plis & les finuofités des draperies.
Si c’eft à lui qu’on doit toutes ces inventions
, qu’étoit donc la peinture, lorfqu’on
ne favoit encore rien de tout cela ?
Ic i va commencer une hiftoire plus fui-
v ie de la peinture grecque, mais dans laquelle
cependant il ne fe rencontrera que
trop fouvent encore des incertitudes.
( 1 ) Ce n’étoit pas fans doute, un peintre
méprifable, au moins pour fon tems que ce Bularque qui peignit le combat des Ma-
gnéfiens. Pline dit que ce tableau fut payé
au poids de l’ or par Candaule qui mourut
environ 700 ans avant notre ère. On peut croire
que l’artifte étoit encore plus ancien que le
prince ; car il eft rare que l’ on paye avec cette
génerofité les ouvrages d’ un peintre vivant. En
fuppofànt à Bularque le mérite que femble
indiquer le prix de fon tableau, l’art avoit
fait plus de progrès dans la Grece avant la fondation
de Rome que nous ne l’avons indiqué
en parlant de la peinture chez les Etrufques.
Si nous nous égarons, c’ eft fur les traces de Pline
qui eft confus dans les faits , indécis fur les
dates, & dont le récit offre des contradiélions
fréquentes.
Après Bularque , il fe trouve dans l’ hiftoire
des peintres une lacune de deux fiécles &
demi. Nous favojis feulement que du temps
d’Anacréon , plus de 500 ans avant notre ère,
la peinture floriffoit à Rhode s, & qu’on y
peignoit à l’ encauftique. I l dit en adreffant
la parole à un peintre : ec fpuverain dans l ’ art
» que Bon cultive à Rhodes.
\ Phidias , ce célébré fculpteur qui flo-
P E I rifïbit du temps des Périclès , vers 44$ an»
avant notre ère , cultiva aufîi la peinture. I l
peignit à Athènes ce même Périclès, fur-
nommé l’ OIympien , comme l’ entendent quelques
interprètes , ou plutôt Jupiter Olympien ,
comme l’ entend M- H e y n e , qui ne croit pas
que , pour nommer Périclès , on ait employé
le mot Olympius fans rien ajouter qui le
défignât plus particulièrement. Nous parlerons
avec plus d’étendue de Phidias ; à l’ article
des fculpteurs.
( 3 ) P anænus étoit frere de Phidias. I l
affocia fes travaux à ceux de l’immortel fta-?
tuaire dans le temple de Jupiter Olympien. I l
y peignit Atlas qui fupporte le ciel & la terre &
Hercule qui fe préparé à le foulager de ce fardeau;'
le fils d’Alcmene eft accompagné deThéfée
& de Pirithoiis. I l y repréfenta la Grece &
Salairçine perfonifiées ; celle-ci tenoit dans fes
mains un ornement compofé de roftres de navires
, fymboîe qui rappelloit aux Athéniens
des idées capables de flatter leur orgueil. I l
y peignit aufîi le combat d’Hercule contre
le lion de Némée, l’ injure qu’Aja x fit éprouver à
Caffandre , Hippodamie, fille d’ (Enomaüs, avec
fa mère ,* Prométhée chargé de chaînes &
qu’Hercule regarde prêt à le délivrer; Pen-
théfilée rendant le dernier foupir dans les bras
d’ Achille ; enfin deux Hefpérides portant
les pommes dont la garde leur étoit confiée.
I l repréfenta dans Athènes la bataille de
Marathon ; & les Athéniens croyoient re-
connoître dans ce tableau leurs propres chefs
& ceux des ennemis; de leur côté Miltiade,
Callimaque , Cynégire , & du côté des Perfes ,
Datis & Artapherne. Nous ne pouvons juger
du talent qu’il développa lorfqu’il peignit eft
E lid e le combat des Athéniens contre les Amazones
dans l ’intérieur du bouclier de la Minerve
fculptée par Colotès : mais nous pouvons
juger du moins que ce t ra v a il, dont les
fpe&ateurs ne dévoient pas jo u ir , étoit fort déplacé.
Charger de peinture des ftatues de marbre
ou de bronze , c’ eft en pas connoître les limites
des deux arts. Plutarque nomme Pliftenete le
frère de Phidias ; mais les autorités réunies de
P lin e , de Strabon , de Paufanias doivent l’emporter
fur la fienne.
( 4 ) Polygnote de Thafos vivoit à peir*
près 420 ans avant notre ere. Pline en faifant
l’éloge de ce peintre , dégrade tous ceux qui
l’ont précédé & les réduit à la barbarie. Polygnote
eft le premier, d it-il, qui ait fu
draper les femmes d’étoffes brillantes, qui
ait fu varier les couleurs de leurs coëffures :
il eft auffi le premier qui ait ouvert la bou*
che de fes figures , qui ait fait voir les dents,
qui ait adouci l’ancienne roideur des yifage»
S i toutès les phyfionomies avoient de la foidélir
dans les tableaux de Panænus, s’ il n’ avoit ftr
faire ouvrir la bouche à aucune de fes figures
dans fon combat de Marathon, ce n’étoit pas
un Artifte fupérieur à nos peintres gothiques.
E t pendant que la peinture étoit dans cet état
d’enfance , Phidias avoit porté la fculpture
à fa perfeélion. Cela ne femble pas dans
la nature : à la renaiflance des arts, on vit
la peinture & la ftatuaire marcher à peu-
près du même pas. I l feroit trop long d’ entrer
ici dans le détail de deux grands tableaux de
Polygnote décrits par Paufanias. Ils étoient
à Delphes, l ’un repréfentoit la prife de Troie
& le départ des Grecs ; l’autre, la defç.ente
d’ Ulyffe aux enfers. M. Falconët en à fait
la critique d’après le récit du voyageur grec :
fa cerifure eft févere ,* mais comnie^ elle ne
peut porter que fur la compofition , on ne
fauroit la trouver injufte. Peut-être y avoit-il
dans ces tableaux des beautés de defïin, d’ex-
preffion, de détail, qui l ’auroient defarmé
s’ il avoit pu les voir. On fait que Polygnote
écrivoit fur fes ouvragés Te nom des figures
qui y étoient repréfentées, & cette pratique
fauvage prouve qu’ il ne cônnoifloit pas l’effet.
Ariftote plus voifin du temps de Polygnote
& habitant de la ville où. étoient la plupart
de fes ouvrages ; Ariftote plus fenfible que
Pline & Paufanias, & par confequent jîluscon-
noiffeur, accorde à ce peintre d’avoir excelle \
dans l’ exprefîion : c’ eft en ce fens que nous
croyons devoir entendre le mot grec éthe qui
fignifie les moeurs; car par quel autre moyen
peut-on peindre les moeurs que par l ’expref-
fipn?
Quïntilien lui reproche la foiblefle de couleur
: mais ce vice étoit plutôt celui du temps
que celui de l’ artifte. On voit même qü’il ne
négligeoit pas la couleur quand elle étoit ré-
lative aux aux affrétions de l’ame. I l avoit
peint Caffandre à l ’in fiant où elle venoit d’etre
violée par Ajax : on voyoit la rougeur fur le
front de cette princeffe à travers le voile
dont elle cachoit.lVtête. Cette figure étoit encore
admirée du temps de Lucien.
Les' Grecs faifoient fur Polygnote un conte
odieux; mais qui prouve du moins l’ idée qu’ils
avoient de fa pâfiion violente pour l’ étude de
l ’ expreffion. Jls prétendoient qu’il avoit fait
appliquer un efclave à la torture pour peindre
d’après ce malheureux les tourmens de Prométhée.
On a de même accufé plufieurs peintres
modernes d’avoir poignardé un homme
;pour peindre un Chrift expirant.
Il peignit dans le poecile, à Athènes, le combat
de Marathon : fur le devant du tableau, les
peuples de l’Attique & les barbares combat-
teient'avec une égale valeur’ : mais én portant
yja vue au centre de la bataille, on yoyoitlës
Beaux-'A rtsTa ine L
barbares pténdre la fuite 5 & fe précipiter le à
uns fur les autres dans un marais. Au fond
étoient les vaiffeaux de.* Phéniciens ; les barbares
vouloient s’y précipiter , & étoient maf-
façrés par les Grecs. Le héros Marathon , qui
avoit donné fon nom à la campagne où s’eft
livrée Ta bataille, y paroifîbit, auffi bien que
Théfée qui fembloit fortir de terre pour protéger
’le 'peuple qui avoit reçu fes loix. Le
peintre avoir auffi introduit dans fa cempofi-
tion Pallas, déeffe tutélaire des Athéniens, &
Hefcule, l’un des dieux à. qui les Marathoniens
accordoient leurs premiers hommages. Entre
les combattans, fe remarquoient Callimaque,
premier Polëmarque des Athéniens ; Miltiade
fe diftinguoit entre les ch e fs , & l’on n’ avoit
pas oublié le héros Echetlus.. V o ic i.c e que
c’étoit que ce héros : on racontoit que, pendant
la bataille, on avoit vu lin homme d’ une
apparence ruftique. qui tuoït un grand nombre
de barbares ayée lé foc d’une charrue; il dif-
parut après l’aélion. Les Athéniens confultèrenc
l ’oraclé pour connoître leur bienfaiteur, & reçurent
pour réponfe d’honorer le héros Echet—
laïus Ou Echetlus, car on trouve ce nom écrit
des deux manières dans Paufanias, ,
On ne peut juger l’ordonnance de ce tableau;
il faudroit l ’avoir vii : mais l’ ihvention n’ en
peut être condamnée, & le peu que Paufanias
a fait connoître de la difpofition, n’ en donne
point une opinion défavorable. Ce tableau
réfifta, fous un portique, découvert, pendant
près de poo ans ^ aux injures de l’ air 8é des
faifons, fans éprouver une dégradation fenfible.
Au temps de Synéfiusj. c’ eft-à-dire, au commencement
du cinquième fiècle , il mérita de
tenter la cupidité d’ un proconful qui l’ enleva
aux Athéniens. I l a péri, on ne fait de quelle
manière, à Conftantinople , le grand tombeau
des ouvrages de l’ art. C’ eft M. de Pauw qui
a découvert ce fait dans la lettre 13 5 e. de
Synefius. Polygnote aifnoit les compofition»
d’ un grand nombre de figures, que nous appelions
grandes machines. I l paroît que c’étolt
le goût de fon fiécle ; goût qui changea depuis.
Quoiqu’ il fe ' plût à traiter des fujets
graves héroïques , il fe plioit quelquefois
à des fujets agréables. I l repréfenta, dans I9
temple des Diofeures, les noces des filles d $
Leucippe.
I l peignoit à l’ encauftique , comme les maîtres
Rhodiens dont parle Anacreon , & peut-
être Aglaophon, fon père, dont il avoit apprj
fon art i l’ a vo it-il étudié lui-même fous les
peintres de Rhodes. M. de Pauw , dans feg
Obfervations fu r la. Grèce, ne croit pas que
tous les efforts des modernes aient pu faire
revivre l’ encauftique des anciens, cet encauf-
riquè qiïi 'bravoit les intempéries de l ’a i r , &
1 les injures des fiècles. I l accufe le Comte de
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