
peut etre partielle ou générale. On appelle très-
juflement bon , l’homme qu’on areconuu digne
de ce titre, après l’avoir obfervé & étudié avec
foin & fous plufîeurs alpeds, de même un tableau
eftimé bon par un Artifle éclairé, appré- '
ciateur équitable, mérite juflement cette qualification
, & il entre fouvent dans cette appréciation
des portions de mérite fort intéreflantes pour I Art approfondi , qui le feroient peu pour des
appréciateurs moins inflruits. Audi arrive - t - i l
qu’un Artifle penfe & dit d’un ouvrage qui fait
quelquefois peu d’impreflïon fur le plus- grand
nombre, que c e f tlm bon, tableau; & alors ceux
qui le regardent avec moins de connoiflances ,
ne comprennent pas pofîtivement la jufte figni-
ficationque le Peintre donne à ce terme* I f êft vrai
que quelquefois l’Artifte ou le profond connoif-
feur fubflitue à la fimple qualification de bon
tableau , quelques autres manières de s’exprimer.
II dira, par exemple, d’un ouvrage de Peinture,
que c’eft un tableau dans lequel il y a d'excellentes
chofes y que c’ejî un tableau d'Artifley
Alors il veut cLre que cet ouvrage contient
d es parties très-eftimables, des’•fortes de bontés y
s il etoit permis de s’exprimer ainfi, qui appartiennent
au „ fond de l’Art , qui, connues de 1 Artifle véritable , peuvent ou le fàtisfaire, ou
lui être utiles. Telles font des vérités de nature,
des parties d’ordonnance & de difpofitions d’objets
raifonnés, des effets perfpe'Ctifs ou de clair-obfcur
qui prouvent une fcience approfondie ; enfin ,
certains partis p r is y comme s’expriment les Ar-
tifies5 qui ne peuvent appartenir qu’à un homme
d’un vrai talent, quelquefois même des libertés
qui font réfléchies & ne viennent ni d’inconfidé-
ration, ni d’ignorance.
On lent aifément qu’à bien plus forte raifon
un ouvrage de Peinture , un tableau dans lequel
toutes les.parties auroient atteint le dégré poflïble
de la perfection, feroit pour tout le .monde in-
diftinClerhent un bon ouvrage, & non-feulement
un bon, mais un excellent tableau.
On applique quelquefois à l’homme en qualité
d’Artifle le mot qui fait le fujet de cet Article.
“On dit un bon Peintre, comme on dit un bon
Poète, un bon compofîteur en mufique, &c. Et
il arrive de même que quelquefois le Public qui
Te fert de cette qualification, n’en comprend pas
l ’étendue , ou ne l’applique pas avec une jufleflè
éclairée. Un Artifle peut être un bon Peintre au
jugement des Artifles bien inflruits, fans être
généralement proclamé tel par ce qu’on appelle
le Public. C’eft ainfi qu’un homme peut mériter
réellement le titre honorable & refpe&able de
bon y fans que cette qualification s’étende (fur-
tout s’il efl fimple & ir.odefle) hors du petit cercle
de ceux qui font à portée & en état d’apprécier
fa bonté réelle.
J ’ajouterai que nous voyons auffi des hommes
& des Artifles proclamés bons / quelquefois même
exceilens , par un grand nombre d’approbateurs,
qui ne font réellement bons ni comme Artifles,
ni comme hommes.
BORDURE. L a bordai e-eQt un chaflis à jour,
dans les reliures duquel on‘ aflujettit un tableau,
ou pour parler le langage ufité, dont oh l’encadre.
L a bordure ou ie cadre , primitivement
deflinés à contenir & défendre les bords de la
planche ou de la toile fur laquelle on avoit peint,
éteit. vraifemblablement dans fon origine un
affemblage de quatre tringles d’un bois fimple qui
gardoit fa propre couleur ; on a orné ces tringles
par quelques moulures ; on a obfervé qu’elles
pouvoient fervir à renfermer , pour ainfi dire, les
regards de celui qui s’occupe à confidérer un ouvrage
de Peinture & à les fixer davantage ; alors
on a noirci le bois dont on formoit les bordures,
& on les a fait plus larges & plus apparentes ;
enfin le luxe a vu dans la bordure l’occafîon de
parer le tableau & d’enrichir tout-à-la-fois le lieu
où il efl fu fp en du. L a dorure alors a été employée
fur les bordures y d’abord vraifemblablement fans
excès, enfuite avec plus de prodigalité. Le mauvais
goût enfin, toujours à l’affût pour gâter ce
qui efl bien, & pour rendre exceffïf ce qui efl
dans une jufte mefure, n’a pas été fatisfait qu’il
ne foit parvenu à furcharger les bordures d’or-
nemens empruntés de l’Architecture, de feuip-
tures, de fleurs, de figures, d’allégories, d’or
mat , brillant ou coloré , & le tableau efir
devenu , quant à la dépenfe & à l’étalage, l’ac-
cefToire de la bordure qui devoir lui être fiibor-
donnée.
Cependant, d’après les loix d’un goût éloigné
de trop de févérité , la bordure d’un tableau,
ainfi que la parure d’une femme , ne
doit point fixer les yeux, en les détournant trop
de l’objet qu’elle embellit; mais l’une 8c l’autre
doivent faire valoir les beautés dont elles
font l’ornement.
Voilà le principe élémentaire , d’après lequel
on peut aifément tirer , relativement à la bordure
9 toutes les conféquences que ce fujet peut
demander.
L a proportion que doit avoir en largeur une
bordure y eft aflez difficile à déterminer. Je crois
qu’il feroit peut-être poffible d’établir quelques
règles généralés en le rapprochant de celles dont
l’Architedure fait le plus d’ufàge , relativement
aux relations proportionnées des parties entre
elles; mais.faute de ce fecours, la loi qui pref*
crit d’éviter toujours les excès, preferit de ne
pas donner à un très-petit tableau une bordure
d’une grandeur difproportionnée & choqüante,
■ou à un grand tableau un encadrement mefquin.
L ’un reffemble à un homme habillé trop fucçin-
tement ; l’autre aux têtes mignones de nos jeunes
beautés, lorfqueiies fe trouvent perdues dans un®
çoèffur©
eeëffure d’une hauteur & d’une largeur ridicules.
Elles oublient leur intérêt & l’on oublie celui du
tableau, qu’on pare mal-adroitement. Car , dans
tous les objets qui nous frappent, nous ne fomm'es
que trop enclins à regarder comme les plus impor-
tans ceux qui brillent davantage , ou ceux qui
étalent plus de richeffes. L e luxe des bordures^
femble, à la vérité J déguifer la médiocrité
des ouvrages ; mais indépendamment de la dé-
penfe peu folide & de l’embarras que donnent ces
ornemens , qui tiennent trop de place , font
fort fujets encore à s’altérer ou à fe couvrir
de pouflière ; çette fuperfluité conduit à furcharger
les cadres de moulures inutiles, après
avoir multiplié fans raifôn. les ornemens, qu’une
* exécution, la plupart du temps imparfaite, rend
plus choquans. Les marchands & les artifles ou
artifans fubordonnés contribuent à ces abus fans
doute , mais ils trouvent une grande facilité
auprès des nouveaux amateurs , furtout lorfque
ceux-ci appellent goût pour la Peinture, des’ fan-
taifies infpirées par vanité ou par imitation. Ce
n’eft peut-être pas excéder les bornes de là vérité ,
que de dire qu’il y a des amateurs de bordures,
& des colle&ions de cadres qui fuffifent pour contenter
la puérile prétention de ceux qui en font
la dépenfe. Au relie les titres, les diftinâions &
les.rangs font foüvent pour les hommes médiocres
& vains , ce que font les bordures dont je parle ,
pour les tableaux qui n’ont point de mérite.-
BOSSE. BoJJey ronde bojfey font des termes
fpécialement confacrés- à la Sculpture , comme
on le verra dans le Dictionnaire de cet Art.
Dans la Peinture, on s’en fert pour lignifier
les modèles en plâtre, en terre cuite, en métal
ou en pierre, d’après lefquels on s’exerce à def- ^
finer pour mieux imiter le relief des corps. Le
Peintre deflïne donc d’après la bojpiy comme je
l ’ai expliqué au mot Académie. Cette étude a
de grands avantages & quelques inconvéniens.
L e s avantages font, entr’autres , de pouvoir def-
finer les objets imites par la Scuplture, avec le
relief qu’ils offrent dans la nature même, de
deflïner à fa volonté ces objets dans tous lesfens
& dans ün état fix e , ou d’immobilité, qui laiflè
au deflïnateur tout le tems d’obferver, d’imiter,
de fe corriger, de recommencer, ce que la nature
vivante ne peut procurer que pendant quelques
inflans.
Enfin , les modèles, en plâtre particulièrement, -
procurent & multiplient, fans beaucoup de frais,
les copies exaCtes d’une infinité de beaux ouvrages
antiques & modernes , que le jeune Artifle ne
pourroit étudier fans ce fecours , parce qu’ils
font difperfés , & que le Deflïnateur , dans
les endroits même où chacun des beaux ouvrages
fe trouve, ne pourroit en difpofér à fon g ré ,
comme il fait de la figure en ronde bojje-, qu’il
acquiert, qu’il place dans fon attelier, & qui le
B eaux -A rts , Tome L
rend pofTeiïèur de ce que l’Art a produit de pins
parfait.
L a bojfe , prife fur la nature par parties , telles
que font des bras, des culfles, des jambes , des
pieds & des mains moulés en plâtre fur des figures
vivantes & choifïes , dans lefquelles ces parties
fe trouvent particulièrement belles , font des
fecours précieux pour le Deflïnateur & le Peintre,
ainfi que pour le Statuaire.
Quelques inconvéniens font, comme je l’ai
dit, attachés à l’ étude de la bojfe, J ’en parlerai
dans l’Art. Dessin ; & je dirai ici d’avance , que
cette étude , trop aflïdue , habitue a une imitation
froide qui, quelquefois , fe fait fentir & dans le
Deflïn & dans la Peinture. D’ailleurs, le clair-
obfcur , ou l’effet de la lumière & de l’ombre, fur
une furface dure & quelquefois polie, tel que
font-le marbre, le plâtre, le bronze, &c. diffère
très-fenfiblement, pour ceux qui l’obfèrvent, de
l’effet de la lumière & de l’ombre fur des furfaces
pénétrables , molles & élaftiques", telles que la
chair & la peau.
Il y auroit d’autres nuances d’avantages & de
défàvantages à obferver , relativement à l ’étude
de la bojje ; mais qui demandent d’afïez longues
difeuffions. L ’étude de la Peinture eft fi étendue,
lorfqu’on l’envifage dans toutes fes parties, que
chaque article d’un dictionnaire de cet Art devien-
droit aifément un traité, ce qui ne peut convenir
à cette forme d’ouvrage.
B R
B R IL LA N T . On d it , un ton brillant , une
couleur , une lumière brillante ; on dit encore :
ce tàbleau attire p a r le brillant de fo n coloris.
L ’effet de la lujnière & l’imitation de fes effets
attirent effectivement la vue. Dans la Peinture ,
on dit, en parlant des moyens par lefquels on
imite la lumière & fes effets, furtout lorfqu’ils
font heureux , qu’ils appellent le fpeCtateur; mais
lof fqu’on appelle quelqu’un, on s’engage à fàtisfaire
l’empreffement qu’on occafionne. L e tableau
brillant fèmble devoir offrir à ceux qu’il- a attirés ,
plus de perfection que le tableau qui fe laiflè
chercher. Dans une galerie, dans un cabinet de
tableaux, on court vers l’ouvrage b rillant, per-
fuadé qu’il doit répondre à l’idée qu’on s’en forme.
Autant en arrive fouvent aux hommes, & l’on
eft aflez fouvent trompé par la nature & par
l’imitation.
Cette réflexion ne fuppofe pas cependant qu’i l
' faille regarder ce charme qui attiré comme ua
défaut. L a Peinture , principalement , doit au
fens de la vue un premier tribut. Mais il faut dire
& répéter à la jeunefle , pour qui l’éclat & le
brillant en tout genre ont trop d’attrait, qu’il efl
plus aifé de promettre ainfi, que de tenir cette
forte d’engagement. Souvent le brillant de iæ