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ou plutôt par l ’art lui-même j & pat ceux à qui
lônt dcftines les ouvrages* Ces conventions
lont raifonnables , lorfqu’on n’en abufe pas, &
elles font juftement autorifées.
Diftinguez enfuite les conventions qui prén-
nent leur fource dans les attelïers, & qui fe
lont enfuite fait adopter , mais qui ne peuvent
1 être univerfel 1 ement. Celles-là font dé! icates,
quoique néceffeires à l’artifte. C’ eft à l’ intel-
ligenee , a l’obfervation , à l’étude bien raifon-
née des grands-maîtres , qu’il faut avoir recours
pourfe décider, & fe garder fur-tout de fe li~
vrer à cet égard avec une aveugle confiance.
Enfin regardez comme défauts, les conventions
que vous n’ êres que trop difpofés à vous
former par la difpofition d’ elprit ou de talent que
vous avez reçu , plus fouvent encore par négligence
8c par une- certaine pareffe d’ elprit ; ces
conventions fe tournent en habitudes blâmables j.
elles^ ne peuvent être adoptées ni long-temps
tolérées, 8c par confëquent elles ne font conventions
votre égard, & non à celui du
public", je veux dtredu public clairvoyant, à
qui vous devez foumettre le fort de vos ouvrages.
( Article de M. W a t e l e t ).
C onventions. À l’article qu’on vient de
l i r e , 8c dans lequel M. "Watelet eft entré dans
de fi grands détails fur les conventions pittoref-
ques , on peut ajouter que même les deux parr-
ties fondamentales de l’a r t , le deffin & le
clair-obfcur, font, à beaucoup d’égards, conventionnelles.
1
Les parties d’ un corps font dans un nombre
linon infini , du moins inappréciables. I l s’ en
faut bien que l’ artifte puiffe les rendre toutes;
il fe contente donc de choifir celles qu’ il peut
& doit imiter. Pour faire ce choix , il confédéré
les parties différentes dans leur maffe & à
la diftance où l’oeil peut en faifir l’ enfemble
fans en remarquer les plus petits détails. Il
néglige même encore une grande partie de ces
détails qu’ il pourroit très-bien remarquer; mais
qu’ il trouve indignes de fon a r t , & qu’il appelle
les pauvretés de la nature, comme certaines
rides, certains plis de la peau, certaines
formes fubalternes enveloppées dans les grandes
formes. Premier menfonge, puifqu’ il feint de
rendre un nombre innombrable de parties, par
un nombre qu’ il ferait facile de calculer.
Après avoir menti dans le deffin, il eft forcé
de mentir dans le clair-obfcur, puifqu’il n’a
pas à fa difpofirion une lumière véritable, ni
3 entière privation de la lumière. I l y a bien
plus : c’eft que la couleur très-peu lumineufe
par elle-même dont il fe fe n pour repréfenter
la plus grande clarté, n’ eft qu’ une couleur
plongée dans l’ombre.
En effet, fi le- tableau étoit frappé direile-
ment de la lumière, il.ferait reluifant, & on
n’y pourroit rien diftinguer. I l faut donc , pour
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J être v u , qu'il foit dans une place ombrée. La
j *plus grande lumière que le peintre y a établie
i n eft donc qu’ une lumière ombrée, o u , pouf
éviter ces deux expreffions contradictoires, ce
n eft qu’une couleur claire placée dans l’ombre.
Ainfi la partie cenfée lumineufe d’ un tableau
n’étant qu’une partie ombrée , il faut que la
partie cenfée ombrée foit moins diftinéle qu’elle,
ne l’eft dans la nature, fans quoi l’illufion ferait
perdue. Comme le peintre part d’ une couleur
claire , mais ombrée, qu’il fuppofe être de la
lumière, pour parvenir à une couleur obfcure
qu’ il fuppofera. être de l’ombre , quoique, dans
fon tableau , elle ne foit pas moins éclairée que
la partie lumineufe ; comme d’ailleurs il a
moins de tons dans les matériaux qu’ il emploie
que n en a la nature dans l’immenfe variété de
la création, il ne peut opérer que par compa-
raifon.^ Puifque, pour, peindre la lumière, il
part d’ une couleur qui n’eft pas lumineufe par
elle-même , 8c qui d’ailleurs eft dans l’ombre,
il doit rendre fa fécondé teinte plus obfcure
auffi qu’ elle ne l’eft dans la nature, & c’ eft
en accumulant ainfi les menfonges, pour couvrir
un premier menfonge ,^qu’il parvient à l’air
de la vérité.
^ Ces obfervations très-fines & trës-juftes ont
été faites par le célébré, de Mengs. I l en
réfulte que^ le tableau le plus vigoureux eft
bien éloigné de la vigueur de la nature ; puisque
le peintre, pour imiter la lumière la plus--
brillante , n’eft parti que de la demi-teinte du
blanc ; 8c q u e , pour arriver à l’ombre la plus
forte d’une étoftè noire , il ne peut employer
non plus que la demi-teinte du noir. ( Article
de M. L evesque ).
C O P IE , ( fubft. fém.). Tableau fait d’après
un autre tableau. On emploie auffi ce mot pour
les ftatues, les deffins, les eftampes. Quand
c’eft le maître lui-même qui s’ eft copié, le fe7
cond tableau s’appelle un double. Il y a des
copies faites avec tant d’a r t , qu’il eft difficile
de les diftinguer des originaux. I l y en a qui
ont été faites , fous les yeux du maître, par
d’habiles élèves, & retouchées par lui. I l y a
enfin des tableaux qui ne font en quelque
forte ni de vrais originaux, ni de véritables
copies : tels font la plupart des tableaux de
chevalet de Raphaël : il en faifo-it les deffin s ,
les laifToit peindre par fes élèves , 8c y mettoit
la dernière main.
Va fari, témoin oculaire, raconte un fait capable
de rendre circonfpeâs les connoiffeurs qui
prétendent ne pouvoir être trompés par des copies.
Raphaël avoit fait le portrait de Léon X
Jules Romain y avoit travaillé. Le Duc de
Mantoue obtînt ce tableau du Pape Clément VII-,
mais Oilavien de Médicis différa d’envoyer le
portrait, fous prétexte de l’orner d’une bordure
f i a
C O P .
plus riche, 8c en fit faire une- copie par André
del Sarte. Ce fut cette copie qui. fut envoyée
au Duc. Perfonne ne foupçonna la iupercherie ;
Jules Romain lu i-m êm e q u i étoit à Mantoue,
fut trompé comme les autres, 8c crut recon-
noître l’ouvrage de fa main. I l ne put être dé-
fabufé que par Va far i, qui avoit vu faire la
copie, & qui lui montra les marques qu’on y.
avoit mifés pour la reconnoître. Ce fait-eft a
peine vraifemblable ; mais il faudrait pouffer a
l’ excès le pyrrhonifme hiftoriqtie, pour reculer
en cette occafion le témoignage, de Vafari.
Bien des artiftes conviennent modeftement
qu’ ils pourraient être trompes a des copies : les
marchands font loin de faire le meme aveu , &
l ’on trouve des amateurs qui s’expriment à cet
égard comme les marchands.
En général, de belles parties des originaux
font perdues dans les copies ; celles fur-tout qui
dépendent de la main du maître, 8c cette liberté
qui donne tant de charmes au travail. Mais
d’autres parties bien importantes font confer-
v é e s , fi le copifte eft habile : la compofition,
l’ entente générale. du clair-obfcur & de la
couleur, le deffin, û Port en excepte les plus
grandes fineffes & Pextrême intelligence. On
recherche une eftampe faite d’après un bon tableau
; une bonne: copie , même une copie paf-
fable en donne encore une idée plus jufte. Les copies' ne font donc pas méprifables ; mais elles
font dédaignées par la vanité dés amateurs. Us
les rejettent avec dédain quand ils font avertis ;
ils les révèrent comme des originaux quand ils
font abandonnes à leurs propres connoiffances.
Ils font parvenus à les faire méprifer dés jeunes
artiftes qui pourraient en retirer de grands avantages.
On diftingue trois fortes de copies : lès premières,
fidèles & ferviles ; les fécondés , faciles
& peu fidèles ; les troifièmes, fidèles & faciles
à la fois. La gêne que lé copifte a éprouvée
dans les premières, les fait aifément recon-^
noître , quoique le deffin 8c la couleur de l ?ori-
ginal y foient confervées.
La facilité des fécondés peut leur donner une
apparence d’originalité ; mais comme lé copifte
ne s’eft pas affervi à imiter exa&ement la touche
, le pinceau, le ftyle du maître qu’il a
copié, on voit que le tableau n’ eft pas de la
main de ce maître.
Les troifièmes, réunifiant la facilité à une
imitation précife, jettent dans le doute les plus
grands connoiffeurs.
Au refte fi Jules - Romain fut trompé à la
copie du portrait de Léon X , c’ eft que le tableau
original n’étoit pas entièrement de lu i ,
8c que fon travail avoit été en grande partie
recouvert par celui de Raphaël. On a beau
raconter qu’un élève d’un peintre habile copia
B eaux-Art s. Tome I*
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fi parfaitement un tableau de fon maître que
celui-ci y fut trompé. Croire tout ce qu’ on raconte
, fans en examiner la poffibilitc, c’ eft fe
difpofer à prendre pour des vérités une foule
d’erreurs. M. Chardin afluroic qu’ il ne fe méprendrait
jamais aux copies que l’on pourrait
faire de fes tableaux. I l faut avouer que tous
les peintres ne font pas auffi difficiles a copier
que M. Chardin. ( Article de M. L evesque),
COPIER , faire des copies. Des hommes qui
n’ont pas allez de talent pour produire de bons
ouvrages, fe confacrent a copier les ouvrages
des autres : ce font des copifles. De jeunes
artiftes copient les bons tableaux pour apprendra
à les imiter ; ce font des étudians, des élèves.
Des hommes qui ont un talent déjà formé, copient
des ouvrages des grands maîtres pour acquérir
des parties qui leur manquent. Le Pouf-
fin a copié le Titien ; Rubens a copié Raphaël :
ces exemples femblent prouver que cet exercice
rapporte peu de fruit quand on a déjà une
manière faite.
Cette pratique de copier, néceffaire aux
commença«s, ne doit pas être trop long-temps
continuée. On rifque dé fe fatiguer à copier fer-
vilement lés ouvrages des autres. L’ ennui foui
que caufe cet exercice continuel peut dégoûter
de l’ art. On peut auffi contrailer l’habitude de
ne voir la nature qu’avec les yeux des autres,
& de ne l ’imiter en quelque forte qu’ avec le
pinceau des autres.Ileft à craindre enfin qu’ on ne
parvienne pas à s’ approprier les beautés des modè-
] es qu’on copie, mais qu’on prenne leurs défauts,
. 8c qu’on les exagère encore. D’ ailleurs, il n’eft
aucun chef-d’oeuvre qui . dans certaines parties
, n’offrè ce qu’on peut appeiler des lieuse
communs de t a r t , & l’étudiant en tirerait peu
d’ inftruiliGn. I l eft d’ autres parties qui font
foibles & défeilueufes , qui tiennent à la manière
propre de l’artifte 8c non pas à la nature.
I l ne fuffit pas de prendre pour exemple un bel
ouvrage; il faut en choifir les belles parties.
Si la principale beauté d’un tableau confifle
dans l’effet général, on pourra prendre , en
quelque forte , note de cet effet par une ef-
quiffe , copier la penfée plutôt que la touche,
l ’ enfemble plutôt que les détails, 8c marcher
dans la carrière des grands maîtres, fans repaf-
-fer fervilement fur leurs traces. Les facultés de
l’ame s’ engourdiffei;t, quand elles me font pas
exercées , quand on ne fait d’autre efforc que
celui de doubler lès produirions des autres.
Nous n’ avons fait que retracer dans cet article
les confeils que M. Reynolds a donnés aux elèves
de l’académie royale de Londres. ( Article de
M. L e v e sq v e . )
CORRECTION , ( fubft. fem. ) « La correc-
» tion du deffin confifte dans l ’obfervatfon exaile
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