
fe propofa de perpétuer le fouvenir des grands
hommes y ce fut donc • Vhomme qu’ il continua
d’imiter.
Ce premier objet des a rts , en fut toujours
prefque l’ unique objet chez les Grecs ; les
Romains , leurs élèves, ne firent que marcher fur
leurs traces & les fuivre de loin. Aufline peut-
on donner aucune preuve que les. anciens aient
réufli dans l’ imitation du payfage. Du moins ce
qu’on voit de payfages & de fabriques dans leurs
bas-reliefs e ft-il d’une imitation fort imparfaite.
S’ils ont plus approché de la vérité dans l ’imitation
de quelques animaux , c’ eft que la
ftruâure des animaux le rapproché-de celle
de Vhomme, & qu’ il ne faut pas une très-longue
étude à celui qui fait repréfenter la figure humaine,
pour paffer à la repréfention d’ un animal.
Cependant on ne peut'prouver par aucun
monument que les anciens aient réufli
aufli bien que les modernes dans la repréfentation
des chevaux, quoique leurs fculpteurs
«euflent des occafions fréquentes de faire des
quadriges. ,
On a lieu de foupçonner aufli que les anciens
n’ ont pas été fi loin que les modernes
dans la couleur & le clair-obfcur , & cette
imperfection apparente peut avoir été chez eux
le réfultat d’une réflexion profonde. Ces artiftes
philôfophes auront bientôt reconnu qu’il elt
abfolument impoflible à l’art de parvenir à une
parfaite imitation de la nature dans ces deux
parties & fur-tout dans la première -, & au lieu
de s’obftiner à pourfuivre ce qu’ ils ne pouvoient
atteindre, ils fe feront contentés pour ces parties
d’une apparence vraifemblable, C’ eft ainfi
qu’ils feront fagement convenus de borner leurs
études les plus férieufes à l’imitation des formes
& à l’expreflion.
Ces bornes apparentes qu’ ils donnèrént à
l ’ art , en le renfermant dans l’imitation de
Vhomme y leur en firent étendre en effet les
limites ; car les deux grands moyens de parvenir
aux plus bri llans fuccés, font, de ne point
partager fes efforts , & de favoir bientôt renoncer
à faire des efforts inutiles.
Ce n’eft point en effet fe borner , q u ed e fe
yeftreindre à l’imitation de l’homme ; c’ eft
donner à l’ art l’objet le plus beau qu’ il puifle
fe propofer; c’ eft lui offrir le but qu’ il eft le
plus difficile d atteindre -, c’ eft lui préfenter la
palme la plus glorieufe qu’ il puifle recueillir.
A u fli, quoique nos idées fur l’ art foient fort
différentes de celles des anciens, nous avons toujours
confervé la fiîpériorité au genre qui fe
fe propofe de repréfenter Vhomme dans tous fes
jnouvemens , & dans toutes fes affections , &
c’ eft ce que nous appelions le genre de l’hiftoire.
Et qu’ eft-ce que la repréfentation, je ne dirai
pas d’ une fleu r , d’ un fruit, d’ un a rbre , d?un
payfage ; mais d’ une mer en fureur y d’ un, tonnerre
enflammé, des corivulfions de la nature,
& du bouleverfement de cette nature infenfible ,
comparée à la repréfentation de l’homme jouif-
fant du calme de la fageffe , ou agité par l ’orage
des pallions ï Toutes les autres imitations me
laiffenf fro id , fi celle de Yhomme n’y eft pas
affociée. Je vois en peinture , un vaiffaeu tourmenté
par la tempête , un arbre , un édifice ,
renverfés par la foudre, un pays entier bouleverfé
par un tremblement de terre : j’admire l’adreffe
de l’a rtifte , je fuis étonné de ce qu’il a fi bien
menti, lorfque fon arc nè lui permettoit pas
d’atteindre à l’ exaéle vérité : mais s’il veut m’émouvoir
& parler à mon ame , qu’il repréfente
l 'homme vo y an t, du rivage, fon fils près d’être
fubmergé, l’homme qui frémit de crainte , lorfque
la foudre a frappé l’ arbre fous lequel il
cherchoit un a ly le , l’homme fuyant la terre
qui l’a vu naître , 8c qu’ un tremblement va
détruire.
Mais fans doute , l ’artifte qui a confacré fes
principales études à repréfenter toujours imparfaitement
, mais cependant d’ une manière féduî-
fante , la foudre , une tempête, un tremblement
de terre & les théâtres de ces phénomènes ,
n’ a pu étudier Vhommeniïez profondément, pour
repréfenter toute la beauté de fes formes, &
toute. 1 énergie des affrétions qu’ il ep-oiive à
ces differens fpeétacles. Je ferai donc bien plus
fortement remué par l’artifte fupérieur , qui |
ayant fait de l ’homme fa principale & même
fon unique étude , ne fera que m’indiquer le
tonnerre , la tempête, le tremblement de terre ,
8c me repréfentera , dans toute leur perfection
les formes & l ’expreffion de l’homme qui eft
témoin de ces phénomènes.
Il eft donc certain que les artiftes de l’ antiquité
avoient choifi la plus grande, la plus
belle partie de l’ art ; & s’ ils ont furpaffé les
modernes dans cette partie ,.on peut dire qu’ ils
leur ont été fupérîeurs dans l’ art.
Méprifons encore les anciens maîtres de l’art :
rions de ce qu’ ils ignoroient ce qu’ ils n’ont pas
voulu connoîrre : énorgueilliffons-nous de nos
avantages dans des parties fubalternès : je crois
voir un adroit faifeur d’acroftiches, un patient
remplifleur de bouts rimés , vouloir ufurper le
trône d’Homère.
Les anciens , peut-être , n’auroient pas repréfenté
un coup de tonnerre auffi bien qu’ un de
nos payfagiftes ; mais ils auroient repréfenté lé
Dieu qui lance la foudre, & j ’aurois frémi
au feu! afpeét de fés fourcils : ils n auroient
point, par le fracas de ce que nous appelions
une grande machine y repréfenté le jugement
dernier, ou la chûte des anges rébelles ; mais
ils auroient repréfenté le Juge des anges & des
hommes, & mon oeil timide auroit pu foutenir
à peine cette impofante repréfentation. Ils auroient
moins occupé mes y e u x ,. 8c peut-êtf«
mon efprit ; mais ils auroient dominé fur mon -
ame. C’ eft donc l’homme que l’ drt doit fur-tont
étudier, s’il veut exercer fur l’homme 1 empire le
plus puiffant. ( A rticle de M . L e v e sq v e .')
HONNEUR. ( fubft. mafe. ) L’honneur d’ un
arrifte eft .d’ exceller dans fon art ; mais il
perdra pour fon talent, tout le temps qu il
ne craindra pas d’ employ er à la recherche des
honneurs, 8c cette recherche occupant une
partie de fes efprits , au moment où il recevra
les honneurs qu’ il aura pourfuivis , il fera
moins digne de les obtenir.
Mais s’ il eft dangereux pour les artiftes de
courir après les honneurs , il eft très-avantageux
pour l’art que les honneurs viennent les chercher.
On ne fauroit douter que ceux qui furent
accordés aux arts dans l’ ancienne Grèce, n’ aient
•contribué beaucoup à leur perfeélion.
Les villes de la Grèce honoroient fans doute
la peinture , ' quand elles enrichirent Zeuxis.,
& quand, dans la fuite , elles reçurent avec
reconnoiffance le préfent de Tes ouvrages.
Un édit public ne permit qu’ aux përfonnes
libres d’ exercer’ les arts; on eût craint qu ils
ne. fuffent fouillés par des mains qui avoient
porté des fers. Lés élémens de la peinture, ou
plutôt du deflïn , furent ce qu’on apprit, a«-ant
toutes chofes , aux en fa ns de condition libre.
Pamphile , le maître d’ Apelles , exigeoit un
talent de ceux qui vouloient apprendre fon art :
fi les autres mantes fui virent fon exemple , les
enfans du bas peuple , à qui la démocratie permettoit
de s’élever aux charges publiques , &
de prendre part aux plus grands intérêts de l’état,
ne pouvoient afpirer à cultiver les arts.
Alexandre aimoit Apelles, fe plaifoit à venir
s’ entretenir avec lui dans fon attelier , & ne
s’oft'enfoit pas des réponfes quelquefois un peu
familières du peintre.
L'Empereur Maximilien fe plaifoit a voir tra-
vaille r Albert D ure r, & l’ enoblit. Ce peintre
obtint l’eftime de Charles-Quint & de Ferdinand
Ce Démétrius , à qui fes conquêtes firent
donner le nom de Poliorcetes , ( le preneur de
villes ) ne marqua pas moins de bienveillance
pour Protogènes. Le prince , pour fe délaffer du j
liège de Rhodes, alloit vifiter l’ artifte dont la
mai fon étoit dans la campagne. > , v
Les arts ne furent pas de même confideres a
Rome. I l eft vrai que des patriciens exerçoient
la peinture ; mais fuivant.l’ ëfprit public des Ro- ■
mains, c’étoit l’homme alors qui honoroit l’ art &
dans la Grèce, c’étoit l’àrt qui honoroit l’homma.
Les arts , après leur renaiflance, furent excités \
par des honneurs. Léonard de Vinci mourut
dans les bras du Roi de France. Le fier Jules
I I honoroit Michel-Ange autant qu’ il pouvoir
honorer quelqu’un ; c’ eft-a-dire , que du moins
il le conudéroit un peu plus que les Monfignori
de fa cour.
Raphaël, aimé de Léon X , eut l’ efperance
d’être cardinal,
, fon Frère , Roi de Hongrie & de Bohême.
On connoit la confidération que le terrible
Henri V I I I , Ro i d’ Angleterre, eut pour
Holbecn. « De l'ept payfans, je pourrais faire
» fept comtes comme vous , dit-il à un feigneur
» ennemi d’Holbeen j mais de fept comtes 3 je
» ne pourrois faire un Holbeen ».
Nous avons fait connoltre à l’article Ecor.ff ,
les honneurs que Rubens reçut a la cour de
Philippe I V , Roi 4 ’Efpagne, & a celle de
Charles I I , Roi d’ Angleterre.
Si l’ artifte vit dans un temps où l’art ne foit
pas honoré3 qu’ il fe conlidere St s honore lui-
même. Si les riches , les grands ont peu d’ eftime
pour les arts, qu’ il le garde bien.de les fréquenter
; il perdroit auprès d’eux l’ énergie qui
lui eft néceflaire, concevrait quelque doute
fur la dignité de fa profeffion tk rifqüeroit de
fe moins eftimer lui-même, en le voyant médiocrement
eftimé. L’ illufion d’ un noble orgueil
lui eft utile ; qu’ il la conferve précieufement.
( A rticle de M L evesq u e. )
HORIZON, (-fubft. mafe. ) Ce mot a , dans
le langage de la peinture , la même planification
que dans la langue ordinaire ; c’ eft-à-uire , qu’il
fert à nommer la ligne où fe réunifient le Ciel 8c
la terre : il vient d’ un mot grec qui fignifie
déterminer y fixer la limite. Cependant on s en
fert dans la peinture , fous deux rapports dif-
férens : le premier eft relatif à la perfpective.
On appelle horizon, ou ligne horizontale,
la ligne fur laquelle aboutirent les rayons
vifuels. On nomme horizon, l’ endroit du tableau
où la terre touche au c ie l , 8c c’ eft la
fécondé application de ce mot. Mais on exprime
plus proprement cette partie du tableau
par le mot lointain. En ce fens, la meilleure
méthode de rendre Y horizon relativement aux
couleurs, aux effets & aux manières diverfes
des habiles peintres, pourroit former un article
qui fera mieux placé fous le mot L ointain-«
Ainfi nous nous contenterons de dire ici quelque
chofe fur l’horizon dans la perfpe&ive.
Nous avons établi que c’étoit fur la ligne
horizontale que fe plaçoit le point où fe réunifient
les rayons vifue ls, 8c qu’on appelle
communément le point de vue. C’eft une convention
d’ autant mieux fondée que l’oeil de
l’homme qui contemple, fans intention particulière
, une vafte campagne, ou l’ étendue de
la mer, s’arrête ordinairement à Y horizon.
La ligne de l’horizon doit être en perfpec-
tive du niveau le plus exaél : aufli employe-t-on
figurément les expreflions , ligne horizontale ,
fu r fa c e , plan horizontal y pour exprimer le n i-
yeau de ces plans, de ces furfaces, de ces lignes.