
V ) N O T I O N S P R É L I M I N A I R E S . _
En effet, lés inftitutions patriotiques des Grecs qui différoient entr’ellesV-avoient
toutes pour objet de faire participer chaque membre à l’intérêt du corps, & de fonder
llilluftration générale fur les vertus 8c..les talens de chacun.
C’eft d’après ces grandes idées que les talens furent en quelque forte déifiés eux-
mêmes ; on vit honorer enfemble, les Dieux1, les Héros, les Artiftes, & dans les jeux
célèbres où fe raffembloient des nations jaloufes. les unes des autres , des nations,
fouvent ennemies, brillèrent du plus vif éclat, l'énthoufiafme Sc la "gloire, principes
8c 'fins, fource .& réc'ompenfe des aélions furnaturelles, des fentimens! 8c des pro-
duélions fublimës.
L’aélion & la réaélion réciproque des grandes inftitutions portèrent donc les Beaux-
Arts , qui vraiement étaient leurs -langages , à des perfeélions- qu’on admire depuis cette
époque fans les atteindre.
Les inftitütjons dont j’ai parlé, ont changé ainfi que l’ordre dés chofes 8c des
idéës! Sans entrer dans des détails qui h’e ijfeuvent avoir' place -ici, -mais'qui feront
développés dans un ouvrage dont je m’occupe, je ferai feulement obferver que ces
Arts libéraux , ces Beaux-Arts n.e font plus guère appelles que des Arts agréables.
Il faut donc paffer à des notions adaptées à notre tems 8c à nos moeurs.
Nos Arts exigent un mélange de raifonnemens & d’operations ; c’eft par ces moyens
que ceux qui les exercent s’efforcent de produire des’ ouvrages agréables 8c quelquefois
’ utiles.
De la première de ees deux idées naît un fentimënt mêlé d’intérêt 8c de curiofité;
8c voici le, raifonnement qui fe préfente.
L’intelligence eft fenfiblement marquée dans une fuite méthodique d’opération^ :
motif d'intérêt. De cés opérations réfultent des ouvrages , agréables & utiles : motif de
plaifir 8c d’eftime..
De plus ces ouvrages font fpécklement des imitations animées par l’expreflio'n , .ou
des défignations ingénieufes, motifs d une curiofité qui tend a juger a quel degré
. de perfection ils imitent, ils défignent 8c ils expriment.
Voici maintenant la marche élémentaire 8c pratique des Arts.
Une fuite de raifonnement indifpenfable à toute production qui doit annoncer une
, intention méditée., forme la théorie de chacun des Arts...
L’ordre de leurs opérations en conftitue la pratique.
La Théorie commence aux premières obfervations faites 8c rangées avec ordre fur
l’objet dont l’Art s’occupe.
La Pratique commence aux premiers procédés neceffaires & employés a 1 execution
de l’ouvrage.
La Théorie 8c la Pratique doivent fe diriger de concert au terme où l’exécution
eft complette ; 8c mieux leur marche eft combinée pour s’aider mutuellement, plus
l’exécution a de fuccès. . ■ -
Le Recueil Alphabétique des Notions fur la Peinture que précède ces Notions générales,
fera principalement conforme aux élémens que je viens d’expofer ; cependant j ai
penfé qu’il feroit utile encore de rappeller, quand 1 occafion s en prefenteroit , 1 Art
8c les, Artiftes. aux plus hautes perfeélions. J’ai rapproché fouvent pour cela les fix Arts
des uAs des autres, parce qu’ayant la même origine 8c la meme dèftiriatiori, ils doivent
avoir un nombre de règles communes. Enfin jài affocie la-Morale aux Arts , parce
que leur plus grand avantage feroit de ne jamais s’en féparer.
Il me relie à dire quelque chofe de deux circonftances qui influent effentiellement
fur l’éclat 8c les progrès des Arts ; l’une eft la température des climats, l’autre la
privation 8c le fecours du langage écrit.
Je fuis loin d’établir fur les degrés nuancés des températures, ceux du perfeélion-
nement de l’intelligence humaine : cette bafe fyftématique a déjà plus d’une fois égaré
la Philalophie 8c ne peut fupporter l’édifice d’une Théorie convainquante , à caufe de
la multiplicité infinie des circonftances acceffoires qui s’y mêlent; mais’ les, raifonne-
mens 8c les faits me femblent d’accord, pour ,convaincre que.les rigueurs extrêmes
du froid, ou les.ardeurs exçeffives des climats.brulans,;:infiniment contraires aux développement 8c aux progrèsf odnet s dAesr tso, bfptaacrclees qpuheylflieqsu elès
.font à la perfeélion de l’organifation des corps, ainfi qu’à l’exercice 8c à la promptitude
des facultés 8c des mouveipens de l’ame.
Paffons à l’influence du langage écrit fur le perfeélionnement des Arts.
Les hommes deftinés. à fe réunir par la, nécejîité 8c par tous les avantages qu’ils
trouvent en des fecours mutuels, ne peuvent pas plus s’abftenir de fe communiquer
leurs affeélions réciproques , que leurs befoins.
Les premiers moyens que leur fournit l’inftinél, leur deviennent bientôt infuffifans,
8c la Pantomime appelle le langage articulé par des incitations tellement irréfiftibles,
que nous n’avons pas connoifl’ance que des hommes raffemblés, foient reliés muets.
Mais lorfqu’il s’agit d’étendre cette néceffité de progreflîon jufqu’à l’établiffement
d’un langage écrit, une quantité d’exemples attellent fur la furface de la terre que les
mouvemens 8c les forts articulés peuvent, fuffirs pendant plufieur’s fiècles aux hommes
vivans en fociétp.
Des Nations nombreufes fe contentent donc des. premiers moyens pour fe tranf-
mettre mutuellement leurs befoins 8c leurs conceptions; ils gefticulent, fe parlent 8i
n’écrivent pas ; lés-manifeftations de leurs affe'éfiQns ,.de leurs défit* , de leurs volontés,
de toutes leurs idées, enfin, s’évanoüiffent avec l’air ôc les mouvèmens qui les font
connoître, & les fouvenirs qui leur en: relient rèffemblent aux traces imprimées fur
un fable mobile.
Les principes 8c les procédés de leurs Arts 8c de leurs induftries , affujétis air
même fort, dépendent donc alors abfolûmerit de la tradition orale 8c d’une rémi-
nifcence fugitive de fa nature. Auffi les dépofitaires des notions acquifes font-ils expofés
a les perdre par 1 oubli, ou à les altérer , en les tranfmettant imparfaitement à d’autres
qui trop ordinairement joignent à des erreurs déjà reçues, celles qui leur font propres.
Cette feule tradition orale 8c ces réminifcences fi peu affurées, ne peuvent donc
pas faire parvenir les Arts libéraux aux perfeélions qui demandent des enchaînemens
de principes théoriques, de moyens pratiques 8c dobfervations. Ces objets ne peuvent
avoir d exiftence confiante que dans les tems où l’homme a ajouté à l’un des Arts
tranfitoires la fixité qui lui manquoit, en inventant des lignes durables de la penfée ;
mais ce fecours indifpenfable, pour tranfmettre fidèlement 8c perfeélionner les obfer-
vations 8c les raifonnemens, n’a-t’il pas aufii des inconvéniens pour les Arts 1 II en
a fans doute, 8c le fort fatal de 1 intelligence humaine eft de ne pouvoir éviter que
pavreofiqr uéet ém purso filteasb loebs.jets qu elle perfeélionne, ne lui deviennent nuifibles, après leur
,. L induftrie tres-perfeélionnee produit le luxe, 8c les richelîès multipliées la cupidité.
L Ecriture qui tranfmet les vérités , tranfmet les erreurs ; ce qu’on appelle