Ja nature idéale, dont les Poëtes & les Ecrivains
onrgké les créateurs.
Les objets religieux offrent auffi pour nous des
caractères particuliers convenus & adoptés , dont
le Peintre ne peut s’écarter entièrement. Les Anges
ont leurs formes caraâériftiques : les principaux
objets de notre cuite ont des phyfîonomies &
meme des apparences générales confaerées dans
les Arts. L ’ancien & le nouveau Teftament, qui
ont fourni tant d’ouvrages , ont impofé aûx
Artiftes la loi de le conformer généralement &
fuccefïivement à ce qu’ils ont décrit du caractère
identique d’un grand nombre d’êtres & d objets
de toute elpèce, & comme je l’ai d it , julqu’à
la phyfîonomie du Dieu invifîble que nous adorons
, que nous regardons comme incompréhensible
, a , dans le coftume pittorelque , un caractère
particulier à-peu-près convenu. •
L ’on pourroit ajouter à cette énumération le
caractère de la beauté idéale , dont j’ai parlé aux
articles Beau & Beauté , mais ce caractère concile
plutôt en une perfedion extraordinaire donnée
a dxfferens caractères généraux & . particuliers
, que dans un caractère des formes , de di-
merifion ablolument individuelles, qui tiendroit
à ce qu’on appelle rejjemblance.
On ne peut donc regarder le mot caractère
a cet égard , comme ayant ablolument le même
fèns lous lequel je l’envilàge dans cet article.
Quant à ce qu’on appelle caracîèredes pallions,
chacune d’elles en a également de généraux & de
particuliers, ce que j’expliquerai, autant qu’il me
fera polïible , au mot Passion. On doit concevoir
d’avance que la colère , par exemple , a des caractères
généraux qui la font reconnoître , & qui la
diftinguent des autres pallions , qu’elle en a auffi
de particuliers, d’individuels & de convenus,
de forte que le caractère de la colère d’Achille
n’eft pas celui de la colère de tel ou tel autre
homme.
J e me reffreindraî fur les details, parce que j
ceux qui nailFent du lu jet de cet article, ainfî que
de beaucoup d’autres, pourroient aifément faire
la matière d’un ouvrage trop étendu pour les
bornes que je dois me prelcrire; mais Je me
permettrai d’adrelTer quelques mots encore aux
jeunes Artiftes lùr cet objet important.
Jeunes Élèv es, fi vous voulez mettre de l’ordre I
dans vos idées artieiles, & par ce moyen vous’
avancer dire&ement vers la perfection dés imitations
auxquelles vous "vous conlacrés, loyez certains
que c’eft de la finefle de vos oblervations :
fur toutes les elpèees de caractères particuliers
que naîtront la clarté de vos connoiflànces , & l’intérêt
de vos ouvrages , mais cette fin elfe éclairée
parie rationnement, doit vous apprendre que
dans le nombre des caractères particuliers , vous
devez vous attacher effemiellement & avec choix à [
ceux qui ont une jufte relation avec l’intention 1
& la deftination de votre ouvrage. Peignez-vous
un tableau qui doit repréfenter des êtres inanimés
, votre luccès à cet égard naîtra de la finefle
avec laquelle vous les diilinguerez aux yeux des
Ipedateurs, par des caractères particuliers allez
intéreflans, pour les attacher, ou les engager
à penfer & à réfléchir ; dans vos payfages , i’inG
tant du jour que vous choifirez , influera fur le
caractère d’une partie de votre imitation j foit
par la lumière , fait par des particularités fines
qui entreront dans le caractère que vous donnerez
aux objets qui en feront fufceptibles. L e caractère
particulier du elimat , exprimé de manière à être
diifingué, vous acquerra la réputation d’un Artifte
Ipirituel & inilruit.
Si vous peignez un tems calme ou orageux ,
les caractères particuliers des fubftances' lùfce-
ptibies d'etre modifiées par ces accidens de l’air
en feront palier l’idée des yeux à l’efprit de ceux
qui s’occuperont de vos ouvrages, &-çes détails,
s’ils font heureux , tourneront à votre avantage.
Dans les tableaux, plus intéreflans encore par
le lu je t , tels que les tableaux, des fa its, des
aérions, des pallions, la finefle & la juftelfe de-
vos oblervations fur les caractères particuliers
vous placeront dans les premières claflès des Artiftes
juftement célèbres.
Mais gardez-vous de tomber dans l’excès des
détails, & dans le défaut d’un mauvais choix.
Vous relïèmbleriez à certains Poëtes , qui, dans
les tableaux deferiptifs qu’ils tracent, croyent
être d’autant plus parfaits, qu’ils n’omettent pas
la moindre circonftance minutieule dès caractères
particuliers de chaque objet.
Autant il eft important de ne pas perdre de
: vue lés caractères, autant il vous eft eflentiel-
d’en faire un choix, & de ne lès prodiguer que
relativement à l’effet que vous voulez produire
fur les objets principaux. Il n’eft pas néceflaire
que dans la repréfentation d’une fcène intéref-
fante qui le paflè dans un lieu champêtre, vous
particularisiez le caractère de chaque objet du.
fite; quand on ne diftingueroit pas-, comme un
Naturalifte pourroit le faire, l’efpëce des-arbres;
de vos fonds , l’èfpèce des plantes qui enrichiflenfc
le tërrein , on ne vous en fera pas utt crime
& G tout au contraire des loins trop minutieux
a cet égard avoient l’effet de trop attacher les
regards, & de les détourner dès objets principaux ,,
on vous reprocheroit la diftraérion que produiroit
votre excès d’exaditude- en détournant les yeux,
de l’objet principal.
L e caractère particulier dans la Peinture eCt
donc fournis, comme vous le voyez , à dès règles
ou à dès convenances qui n’ont point lieu dans-
la nature ; vous pourriez vous étonner que je
fëmble autoriler par-là une forte de licence, ou
d’imperfedion ; mais je ferai aifément juftifié dans
votre e lprit, lorlque vous connoîtrez par expérience
que la repréfentation artielle a befoin de
ifecours, qu’exigent tout à la fois les bornes de
l ’A r t , & la néceflité de fuppléer par l’artifice à
ce que l’Arc ne peut faire. Lorfque dans la nature
on confidère une adion, l ’intérêt qu’elle
occalionne détourne puiflàmment l’attention du
fpedateur, de tout autre objet que de celui qui
le fixe. L ’adion & Car-tout ie mouvement de ceux
que l’adion intérelfe, arrête les yeux , & alors les
caractères particuliers de tout ce qui n’eft qu’a’ccef-
foire , quoique toujours exillant dans les objets
de la nature, dilparoiflènt pour ainfî dire, aux
regards fixés fur des êtres animés. Si les objets
accefîbires pré (enten t encore leur image, elle
n’a plus , par la manière dont ils font apper-
çus , que des caractères généraux , & e’eft là
ce qu’il faut exécuter dans le tableau , parce
que , quelque perfedion que vous mettiez
dans la repréfentation de i’adion que vous
avez choifîe comme objet principal, vos perlon-
nages étant malgré vous, phyfiquement muets
& immobiles, ne pourroient allez fixer l’attention
, pour qu’elle ne fût pas diftraite, fi vous
ne preniez pas la licence de làcrifier les détails
trop particulièrement caraderiftiques des accef-
foires.
Ne vous appuyez cependant pas trop lur les
raifons qui autorifent la forte de licence dont
je parle j ne penlez pas qu’on peut la porter
jufqu’à repréfenter d’une manière ablolument
vague les objets accefloires, & qu’il n’importe
point du tout qu’on puiffe en reconnoître la nature.
Vous devez leur donner au moins allez
des caraèlères de leur genre & de leur clafle ,
pour qu’on entrevoye dans certaines formes, dans
certaines dimenfîons , dans certaines proportions
ce que vous avez eu en idée de repréfenter. Car
G par malheur, vous n’aviez rien penfé vous-
même que d’ablolument vague à cet égard ; &
par conféquent rien indiqué, on vous regarderoit,
c’eft-à-dire , votre ouvrage , comme on regarde
un homme qui remue les lèvres & ne prononce
aucun Ion , parce qu’il ne penle rien du tout.
Reprélentez donc toujours un peu plus diftinde-
ment même que ne vous le fuggère votre première
intention, chacun des objets que vous y
placez.
Mais je hafarderai de vous dire ( en prenant
le mot de cet article dans un autre fens ) que
G vous n’avez pas vous-même de caractère > vous
aurez bien de la peine à en donner à vos ouvrages.
Sans caractère, on Re lait jamais que vaguement
ce qu’on penfe, ce qu’on d it, ce qu’on veut
faire & même ce qu’on fait.-
On pourroit parler^ encore ici du caraèlère des
fujets qu’on traite, du caractère du coloris, de
celui du ftyle ; mais il eft aifé d’appercevoir que
ces emplois du terme dont il eft queftion dans
cet article s’éloignent du fens fous lequel je
l’ai envifag-é , relativement à l’A r t , & l’on peut
penfer qu’ils trouveront leur place à l’occafion
de termes qui leur conviendront plus direde’"
ment
CARESSÉ. Un ouvrage carejfé fignifie un
ouvrage remarquable par un beau fini.
Ici l ’expreflion figurée a un rapport particulier
avec le fens propre; car pour parvenir à ce précieux,
à ce fini qu’on exprime par le mot c a -
rejfé ; il faut qu’en e ffet, le Peintre pafle & repaire
fouvent, avec légèreté , avec déiicateffe 9
avec une forte de plailîr & de volupté même, G.
l’on, peut s’exprimer ainfî , la brofle ou le pinceau
lur les teintés qu’il doit fondre les une*
dans les autres, fans les offenler, (ans les altérer
, & avec la circonfpedion , avec quelque choie
des lènlations, & de l’adion-même qu’éprouve
quelqu’un qui carefle un objet aimé.
Carejfer Con ouvrage , a , par extenlîon de lignification
& de figure, un fens relatif à l’amour-
propre ; car il donne à entendre une affedion trop
grande pour l’ouvrage, auqüel on Ce complaît.
S’il faut m’en tenir au fens le moins détourné,
je dirai qu’un ouvrage de Peinture , lorfqu’ile ll
carejfé, peut avoir un grand mérite , relativement
au fa ire . Il peut avoir auffi des défauts, qui nailfent
du trop grand defîr de terminer
Ces défauts font la froideur & la mollefle.
Un tableau peut être carejfe', jufques à perdre
une grande partie de ce qu’on appelle l’elprit
& le caradère. D’un autre côté, l’efprit & le
caradère, trop prononcés, laiflent à l’égard de
certains ouvrages, délirer quelque chofe de plus
carejfè. L e milieu jufte en tout eft difficile à fixer ,
dans la Peinture il eft en quelque forte inappréciable.
On peut dire de Saivator-Rofe, que dans plu*
fleurs de les ouvragés il eft trop peu carejfé, qu’il
eft trop fier , trop heurté, Miéris , Vanderverf
font trop carejfés dans leurs tableaux, plufîeurs
de leurs compofîtions empruntent de cette manière
de terminer une froideur qui glace ; ceux de
Grimou tombent dans la mollefle.
Au refte; il eft des Ouvrages .dans lelquels le
méchanifme exclud ab.folument le carejfé, & d’autres
ou il y entraîne i’Artifte. L a frelq-îe, ne donne
pas au Peintre le tems de carejfer Ion ouvrage ;
tandis que l’émaii & la miniature invitent le Peintre
à être précieux, en exigeant du tems, de la
patience, & en lui offrant les mojens de carejfer
fes produirions.
Il eft de même certains ouvrages qui demandent
un grand f o in , & d’autres qui en di fpenfent.
Les genres qui difpenfent des foins qu’on dé-
ligne par le mot Caressé , fort les plafonds
vaftes & élevés. Les tableaux deftinés à être vus
de loin , les décorations qui doivent être placée 9
en plein-air , celles qui fou- faîtes
tacles de nuit, ou pour des fêtés dont -'’appareil