
» des juftes proportions du corps, conformé-
» ment à l’ indication qu’ en donnent les ou-
» vrages des grands maîtres , les chef-d’oeuvres
» de l’ antique , 8c le beau choix de la nature.
» Donner à une figure plus ou moins de no-
» bleffe , de Sveltejje , de grandeur , fuivant
» l’ âge , l’état, le fexe & le caractère du per-
» fonnage -, en travailler toutes les parties ; en
» reffentir ou en paffer légèrement les contours
» & les mulcles, relativement au genre de fon
» aélion -, réformer fur les beautés de l’ antique
» les infipidités du modèle rarement parfait, &
» ajouter à ces beautés les vérités de la nature;
» voilà ce qui conftitue un deflin correct;». ( Traite
de Peinture de Dandré B a r don) . Le favant pro-
feffeur me paroît avoir ici trop exigé, en demandant
pour la correction , ce qui conftitue l’élé-
gahee , le grand fty le , le beau choix. I l fuffit
à la correction, que la nature , même commune ,
foit fidellement imitée, que les emboîtemens ,
la longueur 8c la forme des os , les attaches,
la forme & l’aétion des mufcles foient bien ac-
eufés , bien rendus. C’ eft pour parvenir au beau
& non pas au correét qu’on réforme le modèle
vivant fur les beautés de l’ antique. I l y a des
figures de Rubens qui font d’ un defliu correâ
& même favant, quoiqu’ elles ne foient pas réformées
fur l’ antique, quoique les formes n’ en
foient pas même du plus beau choix qu’on puiffe
faire dans la nature. On ne pourra pas même ac-
eufer d’ incorrection une fignre difforme, lorsque
l’artifte a eu intention de rendre les d ifformités
que lui préfentoit fon modèle. Une
incorreétion eft toujours une faute, & ce n’en
eft pas une de peindre un boffu, un boiteux,
un rachitique avec leurs difformités. En un
mot, des fautes conftituent l’ incorreétion du
deflin ; le choix d’une nature commune l’empêche
d’ être beau; l ’imitation des pauvretés de la nature
d’être grand; le défaut de fvelteffe , d’être
élégant; & le défaut de conformité avec L’ antique
& avec les plus rares beautés dé la nature
obfervées dans différens modèles d’être
idéal. ( Article de M . L ev e sq u e ).
CORRESPONDANCE des parties. La cor-
refpondançe-) l’ accord des différentes parties d’ une
môme figura , mérite une attention particulière.
Le peintre , fuivant le caractère qu’ il veut donner
à une figu re , peut choifir une proportion
haute , courte, médiocre , forte , fvelte ; mais
fon choix faitr^ il faut que toutes les parties de
la figure foient exactement proportionnées
entre-elles. Si les bras font mufculeux, les
jambes ne doivent pas l’ être moins ; fi les mains
font charnues, les pieds ne doivent pas être
fecs ; fi la face arrondie témoigne une fanté
brillante, tout le corps doit briller d’ un égal
embonpoint. I l eft vrai q u e , dans la nature ,
le modèle n’ offre pas toujours cet accord parfait
entre toutes fes parties ; mais alors le modelé
eft défectueux , 8c l’art ne doit pas le fuivre
dans fes défeéluofités. L’artifte n’ eft pas obligé
de choifir toujours un modèle de la plus élégante
proportion ; mais il doit être confiant à la proportion
qu'il a une fois choifie.
Quelquefois un artifte , content de certaines
parties d’un modèle , prend pour d’autres parties
un modèle différent qui les a plus belles
que le premier. Mais il ne fuffit pas de chercher
la beauté abfolue ; il faut encore avoir égard
à la beauté relative ; il faut examiner fi les deux
modèles font à-peu-près du même â g e , de la
même ftature, du meme embonpoint. La belle
main d’ un adolefcent n’eft pas une belle main
pour un homme fait., ni même pour une femme.
Les belles jambes du faune nourricier de Bac-
chus, ne feroient pas de belles jambes pour
l’Antinoiis ou pour l’Apollon.
Si nous avions , autant que les Gre c s, l’habitude
de voir la nature nue, il nous arrivèrent
fouvent de découvrir dans des ouvrages
4 e l’ art une figure qui auroit des bras de quarante
ans, 8c des jambes qui n’ en auroieht pas
plus de vingt. Que diroit-on d’un vifage donc
la partie fupérieure peindroit l’âge fait ; & la
partie inférieure, l’adolefcencé ? Il nous fommes
moins fenfibles à ce défaut d’accord entre les
autres parties , c’ eft que nous ne fommes accoutumés
à voir que des hommes enveloppés de leurs
vêtemens. ( Article de M. L ev-esque ) .
COSTUME Ce qu’on appelle cofinme dans
l’ art de la peinture, eft ce qu’une jufte convenance
exige des peintres d’hiftoire, relativement
aux ufages des temps, aux moeurs des nations,
& à la nature des lieux. L’éxa&itude févère à fe
foumettre à cette lo i , eft difficilement praticable
pour les artiftes; mais les infraftions trop fenfibles
8c les négligences marquées dénotent une ignorance
qu’on pardonne difficilement-, ou une bizarrerie
que l’on condamne toujours.
. Quelquefois l’ intérêt de la compofition, ou
plutôt celui des difpofitions pittorefques , entraîne
le peintre à certaines licences , dans le s quelles
, au fond , l’artifte & ceux qui jouiffent
de fes ouvrages, gagnent plus qu’ils ne perdent.
Si les juges des ouvrages de peinture , étoienc
tous favans, inftruits , habituellement occupés
des détails de l’ hiftoire ancienne & moderne,
& profondément verfés dans la connoiffance de
. l’antiquité , l’ exaétitude du coftume feroit fans
doute regardée comme une des loix les plus
importantes de la peinture ; fi d’ une autre part
la plus nombreufe partie de ceux qui s’occupent
& qui jouiffent des ouvrages de la peinture,
étoient d’ une telle ignorance ou fi indifférens
fur la plupart des convenances de ce genre ,
qu’ ils ne puffent s’appercevoir des fautes de»
| cofinme , ou qu’ils regardaient comme fort peu
ïntéreffant qu’ un perfan eût l’habillement d’ un J
Grec , & qu’un Conful n’ eût pas fa to g e , le
coftume pencheroit à être abfolument arbitraire.
Ces deux extrêmes exiftent fiicceflivement,
lorfque les ouvrages de peinture font expofés
librement aux regards du public. Les hommes
inftruits (trop peu nombreux à la vérité pour
avoir la plus grande autorité ) s’attachent ri-
goureufement à~4a conformité que doit avoir
la' repréfentation avec le coftume , dont.ils con-
noiffent les détails : la foule plus nombreufe
des hommes du commun, ou de ceux qui font
profondément ignorans, ne fait attention aux
habillemens, aux armes , aux acceffoires relatifs
au coftume, qu’autant que ces objets plaifent
ou deplaifent à leurs yeux ; & ce qu’il eft bon
d’oblerver , c’ eft que les favans, égarés par
l’amour-propre de leur érudition , fe permettent
quelquefois une affez grande indulgence fur
l’ incorreélion, fur les défauts du clair- obfcur,
& même fur les fautes d’ expreffion, pourvu
que l’ artifte ait obfervé d’ailleurs avec une
fcrupuleufe exaéfcitude les formes des vêtemens ,
des armures 8c des autres objets qui défignent
précifément le temps , l’époque, la circonftance
qui fixent toute leur attention. U peut en exister
même qui réfiftant à l’ attrait du fentiment,
fe refuferoient à cette partie fi féduifante , qui
parle au coeur, 8c qui fait pardonner tant d’autres
fautes , je veux dire la grâce & la fenfibilité,
fi malheureufement ils découvroient une violation
de cette convenance feientifique, à laquelle
les attachent exclufivement lès travaux,
les peines & les veilles qu’ ils ont employés
pour s’ en inftruire.
. ^ On fent aifément ( ce qu’ il eft . raifonnablê
d’ inférer ) que lorfqu’ il s’agit de ïe décider en-
-vers ces deux excès contraires, on doit tenir ,
le plus qu’ il eft pofiible, un milieu entre la
févérité trop minutieufe, & la trop grande indulgence.
Si la balance panche vers un côté,
ce doit être du côté q u i, donnant plus d’ intér
réc à l’ ouvrage, méritera plus d’ indulgence,
en cas qu’ il foit critiqué; car il faut obferver
que la févérité des différentes loix de la peinture^
doit être d’ autaat plus ou moins rigoureufe que
leur objet eft plus ou moins pofitir.
Les règles des proportions , celles de la perf-
peétive & de la pondération , .font abfolues ,
parce qu’ elles font pofitives. Le clair-obfcur a
droit à plus d indulgence; parce que fans ceffe
variable dans la nature , & difficile à démontrer
rigoureufement, il laiffe quelques fuppofitions ,
à la volonté de l’ artifte.. La jufteffe impofëe à
l’ expreflion , a quelques nuances arbitraires,
parce que la connoiffance qu’en ont les hommes,
n’ eft pas généralement la même, 8c qu’ elle ne
comporte pas de règles, fixes y.auffi certaines fi-
neflès dont elle eft fufcepible échappent - elles
à ceux qui font peu fenfibles, peu attentifs,
ou peu exercés à les démêler dans la nature, & les
approximations fuffifent au plus grand nombre.
L e coftume e f t , à ce que je crois, moins
connu, moins démontré, & par conféquent
encore plus fufceptible de licences. Mais il eft
pourtant des bornes dans lefquelles ces licences
doivent fe contenir ; car fi la févérité ne doit pas
être trop rigoureufe, les libertés exceiïives qui
offenfent trop la vé rité , approchent de l’ignorance
& de la barbarie, dont les idées humilient
les hommes qui font partie des fociétés
éclairées.
Pour parvenir à un fentiment modéré , il faut
confidérer qu’en peinture le genre de l’hiftoire
embraffe ce qui eft fabuleux 8c ce qui eft h is torique.
Le fabuleux le plus en ufage dans la peinture,
eft celui qu’offre aux artiftes la mythologie
égyptienne 8c grecque.
Ce que les auteurs 8c les monumens nous ont
tranfmis fur les divinités payennes, offre un
coftume qui originairement a dû participer des
changemens plus ou moins grands que les
moeurs & les ulàges ont oCcafionnés. Sur ces
détails , dans les pays où ces divinités étoienr
honorées , les artiftes anciens ont eu le droit
eux-mêmes de prendre quelques libertés, ce qui
autorife déjà celles que nos'artiftes peuvent fe
permettre ; cependant comme le coftume ancien
renferme certains acceffoires abfolument
caraétériftiques , tels que font des attributs in-
difpenfables qui font connoître les D ieu x , les
Déeffes , certains héros & les differens climats ,
nos artiftes doivent diftinguer dans le coftume
ce qui demande d’ être refpeélé. Le coftume de
la mythologie eft donc en general celui qui fe
prête davantage en quelques parties , 8c qui
rend aufli plus blâmables les tranfgreffîons importantes
; d’ailleurs ce coftume, à peu-près
renfermé dans ce que nous ont tranfmis les
Poètes célèbres, 8c dans ce que nous offrent
un certain nombre de ftatues, de bas-reliefs Sc
de médaillés , eft facile à connoître, au moins
fuperficiellement, par les"artiftes à qui ces four-
ces doivent être plus familières.
En effet, l’étude de ce qu’on appelle ¥ antique,
qui .fait l ’objet des occupations les plus afiidues
des artiftes , les înftruit du coftume en même-
tems qu’ èlle les inftruit de ce qui eft le plus
effentiel à leur a r t , de forte que , par cette heu-
reufe réunion, ils gagnent fur l’emploi du
temps', trop court & trop rapide pour la multiplicité
des cônnbiffanoes qu’ ils doivent acquérir.
Ils apprennent donc à la fois comme ils
doivent deffiner pour parvenir à repréfenter les
formes humaines les plus parfaites, & comme ils
doiventrevêtir &parer.ces formes conformément
aux temps, dent les grands artiftes & les grands
poètes leur ont confervé le fouvenir. U en ré-
fulte que manquer, grofiièrementau coftume my