
plomb capables de le brifer ; on y lattçoït, à l’ aide des balifte s , de groffes flèches ardentes ,
enveloppées d’étoupes loufFrées. Une machine
nommée a jfe rfaifoit le même effet que le bélier;
c’ étoit une poutre attachée au mât comme la
vergue , & qui étoit armée de fer aux deux
extrémités. Quand les vaiffeaux étoient accrochés
, on faifoit jouer cette machine qui'écra-
foit les hommes & perçoit quelquefois le bâtiment.
Le dauphin, non moins.redoutable } étoit une
malfe de métal à laquelle on donnoit la forme
d’un dauphin. Elle étoit fufpendue à la vergue ,
& on la faifoit tomber fur le navire ennemi par
un mouvement femblable à celui d’ une balcule.
Les anciens avoient des vaifléaux à voiles &
fans rames ; on en voit un de cette efpèce fur
la colonne Théodofienne , qui a été copié dans
Vantiquité expliquée de Montfaucon. Quoique
nous ayions tâche de décrire en détail la forme
& la conftruélion des bâtimens antiques, les
artiftes qui auront befoin d’ en repréfenter dans
leurs ouvrages, ne pourrontLe difpenfer de jetter
les yeux fur ceux qui leur font offerts par la
colonne trajane ; on les retrouve dans Vanti-
quitéexpliquée, & dans les cojlumes de Dandré-
Èardon : mais ces morceaux ne les inftruiront
que fur la forme générale. I l s’ en faut bien
qu’on y reconnoiffe la précifion que les anciens
cherchoient avec tant de foin dans 'la repré-
lentation de la figure humaine. On voit dans
la colonne trajane des vaiffeaux à deux rangs
de rames qui peuvent à peine contenir trois
hommes, oc dont le château , deftiné au commandant,
ne recevrait pas même un enfant.
On voit un vaiffeau à trois rangs q u i, par confé-
quent, indépendamment de la carène, avoit
trois ponts les uns au-deffus des autres, & qui
n’a pas même la hauteur d’ un homme. La barque
de la colonne théodofienne eft eenfée
aller à vo ile s , quoique cependant on n’y voie
pas de voilés, & l’artifte a oublié de donner
a ce bâtiment un gouvernail. En un mot,
toutes ces repréfentations de vaiffeaux antiques
doivent être plutôt regardées comme de légères
indications, que comme de véritables imitations;
mais ces indications , quelque défeélueu-
fes qu’ elles foient, doivent, faute de mieux ,
être confultées par les artifles. ( Article de M . L e v e s q u e . )
M A S S E , ( fubft. fém. ). On appelle majfe
une partie qui a de la grandeur, de l’étendue;
ce mot ne s’ emploie que relativement à l ’effet
du clair-obfcur; & comme le clair-obfcur fe
cempofe des#lumières, des demi-teintes, des •
ombres & des reflets , il peut y avoir des
majfes de ces différentes efpeces. On dit donc
une belle majfe d’ombre, une belle majfe de
lumière.
Quand on dit, ce dos, cette poitrine fait une
belle majfe, c’eft par rapport au clair-obfcur, &
non par rapport à la forme, que l’on confidère
çes parties. En e ffet, comme elles ont de la larg
eu r , elles peuvent, fi èlles font éclairées ,
fournir de belles majfes de lumière.
Comme on ne peut fixer l’ attention du fpeâa-
teur que par des effets larges, & que de petits
effets multipliés partageroient la v u e , on recommande
aux artiftes de traiter leurs fujets
par grandes majfes. Les majfes font au clair-
oblcur, ce que les grouppes font à l’ordonnance
des objets ; ou plutôt lès majfes ne font
autre chofe que de véritables grouppes de clairs, ,
de demi teintes, de bruns & de: reflets. Des;
figures difperfées çà & là fur une to ile , ne fe-
roient point un tableau unique qui fixerait le
regard par fon unité : ce feroient, fur ijne même' :
to ile , autant de tableaux qu’ iL y aurait de figu-
re s, & le fpeélateur ne feroit pas plus puiffam-
ment invité à porter fon attention fur l’un de-
|ces tableaux que fur l’autre. De même, fi des -
'lumières & des ombres femblabiés étoient ré->
pandues fans art fur une toile , elles ne former
roient pas un effet capable d'attirer les yeux
par leur unité : mais le regard fe porteroit in-:
différemment fur l’une ou l’autre de ces parties
d’ombre ou de lumière, ou plutôt il négligeroic.
tout parce qu’ il ne feroit invité par rien.
Ç’eft donc la raifon, fource unique de tous
les principes ju ftes, qui a ordonné que dans un .
tableau , il y eût une majfe principale d’ ombre*
& de.lumière, & qu’en-général les ombres &
les.lumières fuffent diftribuées'par majfes.
Mais cela ne fignifie pas que, dans un tableau ,
une feule majfe de lumière doive être vivement
tranchée par une feule majfe d’ombre. Cet effet
eft piquant, précifément parce qu’ il eft rare ,
& il ne doit pas être plus prodigué dans l’art
que dans la nature : fur-tout il ne doit pas
devenir la manière confiante d’un artifte. I l
ne peut fe trouver que dans un lieu refferre,
éclairé d’ un jour qui paffe par une ouverture
refferrée elle-même, ou recevant feulement la
clayé d’une lumière artificielle, Çes effets fin-
guliers ont été recherchés fur-tout par l’école
hollandoife, & l’dfc peut dire qu’ en c ^ a , comme
dans bien d’autres parties , elle a refferré les bor-
nés de l’art. S’ il fe plaît à-repréfenter les oppo-
fitions tranchantes qu’ offre quelquefois la nature
, il doit encore plus aimer à repréfenter
là douce harmonie qui fait fon principal ca-
raétère.
Les Vénitiens ont été les plus grands maîtres
dans l’art d’épancher les lumières & les ombres
par grandes majfes, fans paraître cependant rechercher
les oppositions violentes.
Le Pouflïn , ainfi que Raphaël, n’a pas affeélé
l’artifice des grandes ombres Stades grands clairs;
» On voit dans fes tableaux, dit Félibiën, les
» objets tels qu’ on les découvre ordinairement
.» dans le grand air & en pleine campagne,
» où l’on ne voit point ees fortes pârties de-
» jours & d’ obfcurités. Auffi plufieurs, ajoute-
>> t-il ne s’pn fervent que comme d’ un fecours
» pour fuppïéer à leur impuiffance. Us les
» afteélent même foiivent avec auffi peu de
» raifon & de jugement que les contraftes
» d’ aélions extraordinaires , & les mouvemens
» mal entendus : cachant dans ces grandes
» ombres les défauts du deffin , & trompant
» les ignorans par des mouvemens forcés &
» ridicules qu’ ils leur font regarder comme de
» merveilleux effets de l’ art «.
Félibiën reprend un excès, une affe&ation,
*ine manière ; mais il refte toujours vrai que f i,
dans l’imitation de la nature, on n’ obferve point
les majfes avant de s’occuper des détails , on ne
fera que des imitations fauffes. C’ eft par des
majfes , & non par des détails, que la nature
frappe d’abord le fens de la vue ; ce font donc
aum fes majfes qu’ il faut fur-tout repréfenter,
f i l’on veut faire une copie qui lui reffemble;
c e font fes majfes qu’ il faut faifir avant d’étudier
fes détails, fi l’on veut repréfenter fes
effets , & ce.n’ eft qu’ en repréfentànt fes effets .
.que l’on peut faire opérer à l’ art les impreflions
qu’elle produit. ( Article de A L L e v e sq u e . )
M É
■ M É C H A N I SM E < & ? Vart. Voye\ l’article
M a noe u v r e . Sans doute la partie intelleéhielle
de l’art confervera toujours le premier rang: mais
l ’ artifte ne peut efpérer aucun fuccès, qu’autant
qu’ il faura faire valoir , par un heureux mé-
oehanifme, les conceptions de fa penfëe. I l doit
parler à l’ame par le fens de la vue ; il faut
donc qu’ il occupe agréablement la vue , s’ il
veut que fes idées paffent jufqu’à l ’ ame des
fpe&ateurs. La rëpréfentation de la nature vifi-
3>le eft le moyen qu’ il emploie pour parler à
la penfée : il doit donc pofféder tous les moyens
méchaniques qui conduifent à une belle représentation
de. la nature vifible. I l en eft comme
;du poëte qui auroit vainement reçu de la nature
le plus heureux génie , s’ il ne connoiffoit
ni les réglés du langage , ni l’élégance du fty le ,
ni les principes de la verfification. La peinture,
la ftatuaire , font des fortes de poéfie ; mais pour
les e x erc e r, il faut être d’ abord ftatuaire ou
peintre.
M*. Reynolds exige de Fartifte une qualité
qu’ il appelle le génie de l’ exécution méchunique.
I l fait confifter ce génie dans la faculté
de rendre quelqu’objet que l’on fe propofé ,
comme formant un tout-enfemble , de forte que;
l ’ effet général & l’ expreftion de ce tout, puif-;
fent occuper entièrement l’ efprit, & le détour-1
n e r , pour un temps, de l’ examen des beautés &
des défauts particuliers & fubordonnés.
Si Fartifte , dans la vue de former un tout,
négligeoit tellement les détails, qu’il n’entrât
dans aucune des particularités de ce tout, il
manquerait fon but, parce qu’ en effet il n’ exprimerait
rien ; mais une repréfentation minu-
tieufe. de tous l.es détails, de quelque manière
qu’ elle pût être exécutée, ne lui mériterait
jamais le titre d’homme de génie. On peut
même dire que , par ce foin fcrupuleux, chaque
détail feroit pour lu i , pendant un temps, un
tout diftinél & féparé dont il s’occuperait entièrement,
& dont il occuperait le fpeélateur
à fon tour, fans le fixer par une unité d’intérêt
ou de plaifir. En effet, fi tout eft également
foigne, tout également précieux dans un
ouvrage, tout appelle également à la-fois l’attention
du fpeélateur, ou plutôt tout la diftrait
& rien ne l’ appelle. Ç’eft ainfi qu’un homme
ne pourrait rien entendre, fi vingt perfonnes
lu i parlojent à-Ia-fois.
Si j’ embraffe d’ un coup-d’oeil une {cène que
m’offre la nature , il y aura mille particularités
que je ne remarquerai même pas, & qui ne
feront encore fur moi qu’ une impreflion très-
fo ib l e , f i , par un regard particulier, je veux
y faire quelqu’ attention. Mais il y aura dans
cette même fcène des chofes ciraélériftiques qui
frapperont mes fens avec force Se prendront
l’ empire fur mon imagination. O r , ce tableau,
offert par la hature, eft celui que Fart doit
imiter : ces objets., qui frappent mes fens, font
ceux dont il doit s’ occuper * ceux que je ne
remarque même pas , font ceux qu’ il doit laiffer
vagüeS'& indéterminés; La nature., grandement
obl'ervée,. diéle donc elle-même les loix du
mechanifme de l’a r t , & montré à l’artifte le
plan qu’ il doit fuiyre dans l ’exécution.
On connoît de l ’école de Venife des payfa-
ges , des marines^' des vu es, & même des tableaux
d’ hiftoire ou de la vie commune, qui
étonnent le fpeélateur par un air de vérité quand
il lès regarde à une jufte diftance ; qui ne
!' l’ étonnent pas moins par l’ abfence des détails
quand il les regarde de près ; ces tableaux
font dés repréfehtations fort juftes de ceux que
préfente la. nature, quand on l’ embraffe d’un
coüp-d’ ceil.
Ce ne ferait qu’un foible mal, f i , dans
Fouvrage de l’ a rc , les petits détails qui ne
contribuent pas au caraélère général du tout,
n’ét'oient qu’ inutiles ; mais ils font réellement
nûifibles , parce qu’ ils détruifent l’ attention en
' F empêchant de fe fixer fur l’ objet principal.
Obfervez : que .l’ impreflion que laiffent à
notre efprit les çhofés mêmes qui nous font les
plus familières, n’ efi; opérée, que par leur;effet
gé'nétal, & ' quV.c’ çft^çe: niême .effet .général
qui nous les fâit-reconnoître' quand nous les
R r r ' ij