
mérite doit avoir lieu lorfqu’ il' eft queftion
de lie r la peau fine du col à celle du vifage
qui eft plus épaifle, & en général toutes les
fois que deux couleurs différentes fur la même
chair fe fuivent immédiatement.
U eft encore une circonftance où ,dans la
peinture, le mot pajfage eft un terme propre j
c’ eft à l’ocoafion des demi-teintes données au
ton qui fe trouve .entre le clair & l’ombre.
Si ces teintes n’ont éprouvé aucune altération
par le maniment du pinceau 8c la fonte nécéf-
faire à l’ effet, fi enfin elles ont confervé toute
leur fraîcheur, alors ce font de beaux pajfages.
Mais cette maniéré de s’ exprimer eft toujours
relative au coloris , & jamais à la jufteffe du
ton. Car fi celas’ entendoit du clair-obfcur, cette
expreflion feroit aufli d’ufage pour le deffin ,
cependant on ne dit point d’ un dellin dont l ’ effet
eft bon : voilà de beaux p a jfa g e s , des pajfages
fins &c .
Te lle s font les'véritables acceptions du mot PaJFaêe dans l’ art de peindre j c’ eft ainfi qu’ il
eft employé par les gens qui connoiffent fon
langage : car dans les autres parties do cet art,
le lens de ce mot- eft commun avec l’ emploi
qu’pn en.fait pour tous les beaux arts : éloquence,
fculpture, poëfie & c . Boileau n’ at-il pas d it, art
poétique?
Paffez du grave au doux, du plaifant au
févère.
Quant à l’ eftime qu’on doit faire des pajfages
vrais, elle a fa fource non-feulement dans leur
fràn ch lfe , & dans leur fraîcheur; mais-encore
dans leur rareté. Car ailleurs que dans Vandick
le Titien , & quelques autres artiftes Vénitiens,
il feroit difficile de rencontrer des pajfages
d’une grande excellence. Ceux de Rubens, de
Rembrandt font à la vérité frais, & bien d ifférenciés
-, mais trop tranchés ; ceux du Guide
de l’ Albane, & même du Correge ( fi on en
excepte le beau Tableau de Parme ) quoique
très fins dans leurs paflages, perdent par leur
fonte, les différences des teintes de la peau. ( article de M. R o b in . )
PASSIONS ( fubft. fem. plur. ) On défigne
par ce mot toutes les affeélions de l’ ame,
toutes fes modifications ; même la tranquillité:
car le mot grec p a th o s , d’où il tire fcn origine
, ne fignifie pas feulement les agitations
de l’ame , mais toutes les modifications dont
e lle fe rend compte à elle-même •, fi elle ne
s’ en rend pas compte , elle eft alors dans
l’apathie. Ainfi le mot pajjîon eft fynonyme
de fentiment, de fenfation , & l’ame ne ceffe
d’ être paffionnée que lorfqu’elle cèffe de fen-
tir. C’ eft donc faute d’avoir connu le fens
propre & originel du mot pajjions , qfi’on a
critiqué le Brun d’aVoir mis au nombre des
payions la tranquillité. L’ame tranquille eft
dans un état de pajjîon , lorfqu’ elle a la conscience
de fa tranquillité.
Le Brun , célèbre entre les peintres' de l’école
françoife, a compofé relativement à fon art un
traité des p a fio n s , & s’ eft attaché à décrire
les différens effets qu’elles produifeçt fur les
parties extérieures. Cet ouvrage eft élémentaire
, & fa brièveté nous permet de le produire
ici.
D iscours de M. le B R U N fu r le earaclère
des p a fio n s .
L’Exprêssion eft une naïve & naturelle
reffemblance des chofes que l ’on a à repré-
fenter. E lle eft néceflaire e lle entre dans
toutes les parties de la peinture , & un tableau
ne fauroic être parfait fans l’ expreflion. C’eft
elle qui marque les véritables caraétères d§
chaque chofe ; c’eft par elle que l’on diftin-
gue la nature des corps , que des figures
lemblent avoir du mouvement , & que tout
ce qui eft feint paroit être vrai.
Elle eft aufli bien dans la couleur que dans
le deflein : elle doit encore être dans la re -
préfentation des payfages, 6c dans l’affemblage
des figures.
L’ exprefîion eft aufli une partie qui marque
les mouvemens de l’ame & rend vifibles les
effets de la paflion. Le nombre des favans qui
ont traité des paflions eft fi grand , que l’on
ne peut que répéter ce qui eft dans leurs écrits
pour donner aux étudians en peinture une notion
plus fenfible de ce qui concerne cet art.
i ° . La pajjîon eft un mouvement de i ’ame
qui réfide en la partie fenfitive qui lui fait
parvenir ce qui lemble lui être bon , 6c fuir
ce qui lui paroît être mauvais. Ce qui caufe à
l’ame quelque pajjîon , fait faire au corps c ertains
mouvemens, & produit certaines altérations.
I l eft donc néceflaire d’exprimer quels
font fes mouvemens , & ce que c’ eft qu’ac-
tion.
L’ aélion n’eft autre chofe qué le mouvement
de quelque partie , & le changement ne fe
fait que par le changement des mufcles.
Les mufcles n’ont de mouvement que par
l’ extrémité des nerfs qui les traverfent ; les
nerfs n’ agiffent que par les efprits qui font
contenus dans les cavités du cerveau , & ]e
cerveau ne reçoit les efprits que du fang qui
paffe continuellement par le.coeur, qui l’échauffe
& le raréfie de telle forte qu’ il produit un
certain air fubtil qui fe porte au cerveau 8c
le remplit. Le ceirveau ainfi rempli , renvoyé
de ces efprits aux autres parties par les nerfs
qui font comme autant de filets ou tuyaux
qui portent ces efprits dans les mufcles en
plus ou moins grande quantité , félon qu’ils
eh oflt hefoin pour faire l’ aflisn à laquelle
ils font appel lés ( i ). . . .
Ainfi le mufele qui agit le plus , reçoit le
pins d’ efprits & parconféquent de v ant plus
«nflé que les autres qui en font prives , oc
q u i, par cette privation , paroiffent plus lâches
que les autres.
Quoique l’ame foit jointe à toutes les parties
du corps , il y a néanmoins diverfes opinions
touchant le lieu où elle exerce plus
particulièrement fes fondions. Les uns tien-
nenc que c’ eft une petite glande qui e lt au
milieu du cerveau , parce que cette partie elt
unique & que toutes les autres font doubles
( z ) : comme nous avons deux yeux oc
deux oreille s, & que tous les organes de nos
fens extérieurs font doubles , il faut qu il y
ait quelque lieu où les deux images viennent
par les deux yeux , où les deux impreflions
qui viennent d’ un feul objet par les deux
organes des autres fens , fe puiflent affembler
en une , avant qu’ elle parvienne a 1 ame, afin
qu’ elle ne lui repréfente pas deux objets au
lieu d’un. D ’autresdifent que c’ eft au coeur, parce
que c’ eft en cette partie qu’on relient les
paflions ; & pour mo i, c’ eft mon opinion que
l ’ame reçoit les impreflions des paflions dans
le c erv eau , & qu’ elle en relient les effets au
coeur. Les mouvemens. extérieurs que j ai remarqués
me confirment beaucoup dans cette
opinion. . , ,
Les anciens philofophes ayant donne deux
appétits à la partie fenfitive de l’ame , ont
logé d.ins l’ appétit concupifcible les pallions
fimples , 8c dans l’ appétit itafcible , les plus
farouches , & celles qui font compofees : car
ils veulent que l’ amour , la haine , fe de fir,
la joie , la trifteffe foient renfermés dans le
premier , & que la crainte , la hardieffe ,
î*eQ)érance, fe défefpoir y la colere & la peur
( i ) Cette théorie quç le Brun rapporte avec confiance
d’apres Defcartes, n’a pas été confirmée par l’obfervation.
Si les nerfs ont un fluide, il eft de la meme nature que
la rooële fpinale, qui n’eft pas fpiritueufe. D’autres phy-
fiologiftes ont comparé les nerfs aux cordes d un inftru- •
inent; mais les cordes d’un infiniment font tendues, &
l’on n’obferve pas cette tenfion dans les nerfs. Il faut donc
que les artiftes confentent à ignorer des caufes aux ont !
échappé jufqu’ici à la; fagacité & aux recherches des naturalises
; 'mais ils: doivent connoître les effets , & quelle
que foit leur caufe, ils font tels que le Brun les établit.
(a ) I l a été prouvé que cette g lan d e , q u ’ o n appelle :
pinéale;, n ’eft pas le fiége du fentiment & de la penfée.
i ,a manière d o nt l ’ame ag it fur le c o r p s , e ft du nombre
d e s connoiffances qui nous fo n t refufees." L e temps des
artiftes eft trop p ré c ie u x , p ou r qu’ ils d o iv en t le perdre à
étudier le s fystêmes métaphyfiques , ou plutôt le s romans
qu e l’ o n a créés pou r explique r c e mystère , par cette
paflion naturelle au x hommes d e s’ obstiner à pourfuiyte
<e qu i le u r échappera toujours.
resident dans l’autre. D’ autres .ajoutent l’admiration
qu’ils mettent la première , enfuite
l’amour , la haine ,, 1e defir, la joie , la t r if-
1 teffe j & de celles-ci font dérivées les autres
qui font compofees , comme la crainte , la
hardieffe, l’ efpérance. I l ne fera donc pas hors
de propos de dire quelque chofe de la nature
de ces deux pajjions pour les mieux connoître
avant que de parler de leurs mouyemens extérieurs.
Nous commencerons par l’admiration*
L ’admiration eft une furprife - qui fait: que
l ’ame confidère avec attention les objets qui
lui femblenc rares & extraordinaires ; cette
furprife a tant dé pouvoir, qu’elle pouffe quelquefois
le.s efprits vers le lieu où eft l ’impref*
; fion de l’ objet , & fait qu’ elle eft tellement
occupée à çonlldérer cette impreflion, qu’ il ne
refte'p lus d’ efprits qui paffent dans fes mufcles
, ce qui fait que le corps devient immobile
comme une ftatue , & cet excès d’admiration
caufe . l’étonnement , & l’étonnement
peut arriver avant que nous connoillions fi
l’objet eft convenable ou s’ il ne l’ eft pas. I l
femble donc que l’ adminiftration foit jointe
à l’eftime ou au mépris fuivant la grandeur
de l’ objet ou la petiteffe. De l ’ eftime vient
la vénération, & du fimple mépris le dédain.
Mais lorfqu’ une chofe nous eft repréfentée comme
bonne à notre égard, elle nous fait avoir
pour elfe de l’ amour-, & lorfqu’ elle nous eft
repréfentée comme mauvaife ou nuifible ,
elle excite en nous la haine.
L’ amour eft donc une émotion de l ’ame
eau fée par des; mouvemens qui l’ invitent a fe
joindre de volonté aux objets qui lui paroifo
fent convenables.
La haine eft une émotion caufée. p^r le
mépris qui incite l ’ame à vouloir être fèparée
des objets qui fe préfentent à elle comme
nuifibles.
Le défir eft une agitation de l’ame caufée
par les efprits qui la difpofent à vouloir des
chofes qu’ elle fe repréfente lui être convenables.
Ainfi on ne defire pas feulement la
préfence du bien abfent, mais aufli la con-
fervation du bien préfent.
La joie eft une agréable émotion de l ’ame
en laquelle confifte la jouiffance qu’ elle a
du bien que fes impreflions du cerveau lui
repréfentent comme fien.
La trifteffe eft une langueur défagréable
en laquelle confifte l’ incommodité que l’ ame
reçoit du mal, ou du défaut que les impref*
fions du cerveau lui repréfentent.
P assions c om po sé e s. La crainte eft l’appre-
henfion d’un mal à v enir ; elfe devance fes
maux dont nous femmes menacés.
Vefpérance eft une.forte opinion d’ obtenir
1 ce que l’ on, defire, Lorfquç l’ efpérance, eft
G ç g g i j