
d’ouvrages en laine , * ou des femmes fe hâ-
toienc d’expédier leur tâche , tableau qui me
paroit être du genre du premier Antiphile,
puifque celui - tï peignoit en petit-; car je ne
fuppofe pas que ce iujet tiré de la vie commune
, fût traité en figures grandes comme
nature,
( 15 ) P a u s ia s , de Sicyone, d’abord éleve
de Briès , fon père, & enfuite de Pamphile.
Nous avons vu qu’A p e lle s , éleve de Pamphile
, crut q u e , pour acquérir plus de considération
, il devoit fe mettre quelque temps
fous la difcipline des maîtres de Sic yon e , &
voilà qu’ un peintre de Sicyone entre à
grands frais dans l’école de Pamphile. C’eft
une de ces nombreufes difficultés qui fe trouvent
dans l’ hiftoire de l’Art antique, parce
que de tous les auteurs qui en ont traité, il
ne nous refte que Pline qui en a écrit brièvement
fans avoir toutes les connoilTances
néccrtaires; & que fi d’ autres écrivains ont parlé
de l’art ou des Artiftes, ce n’a été qu’ en partant.
Paufias peignoit à l’ encauftique. I l voulut
réparer au pinceau des murailles peintes autrefois
par Polygnote 8c il fe montra inférieur
à lai-même, parce qu’ il n’ avoit pas combattu
dans fon genre. Ce partage de Pline prouverait
, comme l’a très-bien remarqué Scheffer,
favant dans les lettres •, & inftruit dans l’ art
de peindre, que l’ encaufiique des anciens ne
fe peignoit pas au pinceau, que le travail
s’établifloit comme celui de la mofaïque, par
pièces de cire rapportées , qu’on les appliquoit
avec des brochettes de fer , & qu’on* faifoit
enfuite éprouver à l’ ouvrage l’ effet du feu,
Paufias fut le premier qui peignit des plafonds
: on n’ avoit pas auparavant l’ufage d’orner
ainfi les appartemens. Quoiqu’ il fût au
rang des plus grands peintres, il aimoit à
faire de petits tableaux & y repréfentoit volontiers
aes enfans : fes envieux prétendirent
qu’ il prenoit ce parti parce qu’ il peignoit
lentement. Ce reproche le piqua ic pour montrer
qu’ il étoit capable de joindre la promptitude
à l’a r t, il fit un tableau qu’il finit en
un jour & qu’on appella Héméréfios, c’ eft-
à-dire , f oeuvre d'un jour : c’étoit encore un
enfant qu’ il repréfentoit.
I l aima dans fa jeunefleGIycere qui inventa
les couronnes de fleurs, combattit a’émulation
avec-elle , & porta cet art juqu’ à l’ aflortiment
de la plus grande variété de fleurs. I l peignit
Glycere elle-même aflife & ceinte d’ une de
ees couronnes qu’ elle faifoit avec tant d’ adrefle.
Ce fut un de fes tableaux les plus célébrés ; &
Lucullus en ac.heta deux talens ou 10800 li vres
une fimple copie. Cette copie étoit peut-
être un double de la main de l’Auteur.
Paufias a fait aid& de grands tableaux au
nombre defquels étoit un facrifice de boeufs
qui fut apporté à Rome & expofé dans le portique
de Pompée.
(26) Aetion. C’eft avec beaucoup d’in-*
certitude que nous plaçons ce peintre entre
les contemporains d’Apelles, de Protogêne,
de Nicomaque : nous n’avons , pour nous déterminer
, qu’un partage de Cicéron qui le
nomme avec ces Artiftes, fans dire cependant
qu’il ait vécu dans le même temps : ce que
ce partage permet de foutenir avec plus d*al-
furance , c’eft que s’il ne fut pas leur contemporain
, il fut du moins leur égal & le
témoignage de Cicéron eft appuyé de celui
de Lucien. Du temps de celui-ci on voyoit
encore en Italie un tableau d’Aëtion qui repréfentoit
les nôces d’Alexandre & de Roxane.
L’appartement étoit de la plus grande
beauté, ainli que le lit fur lequel Roxane étoit
artife tenant les yeux fixés fur la terre : cette
expreflion peignoit en même temps la pudeur
de la jeune époufe & le refpeft que lui
infpiroit le Héros. Un amour placé derrière
Roxane lui enlevoit en riant fon voile & la
montrait à fon époux : un autre ôtoit une
des fandales du Prince , comme pour l’inviter
à prendre place #fur le lit -, un autre le prenoit
par fon manteau & le tiroit vers Roxane.
Alexandre prcfentoit une couronne à la Prin-
cefle. Hepneftion tenoit le flambeau nuptial
& s’appuyoit fur un âdolefcent d’une grande
beauté qui repréfentoit l’hymen. Toute la fcène
infpiroit la gaieté , toüs les amours étoient
rians. Ils fe jouoient avec les armes d’Alexandre
: on en voyoit deux qui portoient fa lance ;
ils plioient fous le poids comme des ouvriers
qui portent une poutre : deux autres en tiraient
un troifiéme qui étoit couché fur le
bouclier, comme s’ils euflent traîné en
triomphe le Héros lui-même : un autre encore ,
pour les effrayer quand ils partiraient près de
lui, s’étoit caché dans la cuirafle. Aetion
expofa ce Tableau aux jeux olympiques, 8c Proxenidès, qui cette année étoit le juge
des jeux , fut fi charmé de l’ouvrage, qu’il
donna fa fille à l’Auteur.
Lucien ne dit que par conjeôure que l’enfant
fur lequel s’appuyoit Hépheftion étoit
un- Hyménée, & il remarque que le nom
de cette figure n’étoit point écrit. Les Grecs
avoient donc eonfervé, même dans les beaux
fiécles de l’art, la coutume barbare d’écrire
fur les tableaux les noms des perfonnages
qui y étoient repréfentés. On retrouve encore
cet ufage dans un tableau d’Herculanum, ouvrage
d’Alexandre d’Athenes.
Pline remarque qu’Apelles, & fes contemporains,
8c tous ceux qui les avoient précé^-
dés, n’employoient que quatre couleurs; le
P E I
b lan c , le rouge, le jaune 8c le noir. I ls fe 1
férvoient pour le rouge de la finopis de Pont ;
M. Faleonet remarque que Polygnote joignait j
le pourpre à ces quatre couleurs , mais ce
n’étoit ajouter qu’ un nouveau*rouge : il fe
pourrait même que Polygnote n’ eût employé /
*que la Sinopis pour repréfenter la robe de
pourpre d’Héléne.
J ’ai peine à croire qu’ici le récit de Pline
foit bien exaéh En paroirtant accorder quatre
couleurs aux anciens peintres de la Grece ,
il ne leur en accorde en effet que deux ;
car le noir n’ eft que la privation de la lumière
& par conséquent de toute couleur ,
8c le blanc n’eft que la repréfentation de la
lumière. Ils fuppofe des Artiftes dont il célébré
l’habileté , beaucoup plus pauvres dans
les moyens qu’ ils employoient que les ouvriers
qui . peignoient en Egypte les bandelettes des
mondes. En effet , ceux-ci employoient aii
moins quatre couleurs véritables; le b leu ,
le roug e , le jaune & le verd. Je ferais donc
porté à croire , malgré l ’autorité de Pline ,
que Polygnote & fes contemporains fail’oient
ufage de ces quatre couleurs, auxquelles
ils joignoient lè blanc & le noir. De ces
matériaux fimples, pouvoit naître un très-
grand nombre de combinaifons qui perinet-
toient aux peintres, non de .colorer comme
le T itien , mais de produire au moins des
effets impofans de couleur
Pline met Appelles & fes contemporains
au nombre des peintres qu^ n’ont employé
que quatre couleurs. Son artertion eft combattue
, ou du moins balancée par un partage
de Cicéron. » c’ eft la beauté des formes, dit
» l’Orateur, & la pureté du trait que nous
» louons dans les ouvrages de Z eu x is, de Po-
» lygnote , de Timanthe & de ceux qui n’ ont
» employé que quatre couleurs : mais dans
» Aetion , Nicomaque, Protogènes, Appelles,
» tout eft déjà parfait ». Similis in pi&ura
ratio ejly in quà Z eu xim , G* Polignotum, G*
Timantkem, & eoru.n qui non fu n t uji p lu f-
quam quatuor coloribus, formas & linea-
menta laudamus : at in Aëtione , Nicomacho,
T totogene, Appelle yjam perfefta fu n t omniet.
( De clar. orat. )
Cicéron aimoit les arts, il avoit vu en
Grece les ouvrages des grands A rtifte s , il
achetoit de ces ouvrages ; je ne dirai pas
qu’ il eût une connoirtance profonde des arts;
mais il étoit ce qu’on appelle communément
un connoifleur ; c’ en eft aflez pour la quef-
tion dont il s’agit. Or il oppofe Apellçs 8c
fes contemporains, aux anciens peintres qui
n’ employoient que quatre couleurs , 8c qui
étoient moins des peintres que des deflina-
teursqui relevoientde quelques couleurs leurs
oompofitipns. J ’aurai plus de confiance en fon
P E I
jugement qu’en celui de Pline qui peut-être
aimoit peu les arts, qui ne fut engagé à en
parler que parce qu’il traitoif des fubftances
employées par les Artiftes ; & qui peut-être
encore ne commença à s’occuper , un peu des
arts, que lorfqu’il fut parvenu à la partie de
fon livre où il crut devoir en parler.
On peut donc croire que peu de temps après
Parrafius 8c Zeuxis , les peintres ceflerenc de
fe contenter de quatre couleurs.
( 27 ) P hiloxene , éleve de Nicomaque,
fis diftingua par de grandes compoficions. On
remarquoit fur-tout fon , combat d’Alexandre
contre Darius, tableau qui, au jugement de
Pline ou de ceux qu’il conduirait, pouvoit fe
foutenir à côté des meilleurs ouvrages de l’art.
Il imita, dit le même Auteur , la prompti*
tude de Ion maître, il. inventa même des
moyens dexpédier encore d’avantage , &
dans la fuite on fe piqua d’être encore plus
expèdiiif. Telle a été aufli la marche des arts
depuis leur renaiflance. Après avoir vaincu
la maladrefle gothique, on fe piqua d’être
exaél & pur : enfuite on fe fit gloire d’avoir
une manoeuvre facile, & quand on y fut
parvenu , on ne crut pas qu’il fuffit de peindre
facilement, on voulut encore opérer avec la
plus grande promptitude ; ainfi les qualités
de l’art furent facrifiées à celles da la main.
Cette fol Je prétention à la grande facilité
de produire aurait perdu la peinture, fi des
Artiftes fages n’avoient pas lutté contre elle.
( 28 ) Persée éleve d’Apelles, & trop éloigné
du talent'de Ion maître , ferait tombé dans
l’oubli , fi ce grand peintre ne lui avoit pas
adrefle les écrits qu’il avoit faits fur fon art. Op
ne fauroit trop regretter que le temps ait détruit
tous les livres écrits par des artiftes Grecs. Il
ne fe trouva perforine qui daignât les tranLcrire ,
quand les arts furent tombés dans le mépris chez
les Grecs devenus barbares. Nous pouvons lire
encore les principes des fculpteurs antiques dans
les ftatues qui nous reftent ; mais les ceinture«
qui ont été confervées, ouvrages d’ariiftes inférieurs
, ne peuvent nrus faire connaître le«
principes des grands peintres.
(29) Ctesiloque , autre éleve d’Apelles;
n’eft connu que par la fingularité du fujet de
l’un de fes tableaux. Il s’avifa de repréfenter
Jupiter accouchant de Bacchus. fee dieu fçmbloit
gémir comme une femme qui eft dans les douleurs
de l’enfantement, & les déefles lui ren*
doient les feryiees de fages-femmes.
(30) Aristolaus, fils & éleve de Paufias
fut au nombre des peintres les plus févères • ce
qui fuppofe qu’il joignoit à la pureté des formes
une grand© fimplicité de compofition : aufii
Nnnn ij