
donne une defeription fuccinte de ces .ouvrages;
mais^il garde le filence fur l’art qui y ré gn é ,
Çz c eft ce qui nous auroit le plus intéreffés.
P e in t u r e cht^ les Camptinienst
Des colonies grecques établies à Naples , à
N o ie , à Dicétarchie, nommée enfuite Pufoeoli
ont vraifemblablement, ditWinkelmann, cultivé
de bonne heure les arts d’imitation & les ont
enfeignés aux campaniens établis au centre
du pays. Mais ce lavant regarde comme des
Ouvrages purement campaniens les médailles des
villes fituées au centre de la Campanie, Capoue
Téanum, ou T ian o , où les colonies grecques
ne pénétrèrent jamais. Ces médailles portent
des inlcriptions dans la langue du pays, Sc
des ^lavants les ont prifes pour des inlcriptions
puniques. Le coin de ces médailles n’a rien du
fiy le étrufque & porte un 'caraélère qui appartient
à la patrie des artiftes qui les ont faites.
La tête d’un jeune Hercule fur les médailles
de deux villes , & la tête de Jupiter l'ur celles
de Capoue, f o n t a u jugement de "Winkel-
mann , deffinées d’ après le plus bel idéal. Tl
en eft de même d’une v iâ o ire debout fur un
quadrige, dont la forme eft auffi belle que
fi elle étoit l’ ouvrage des Grecs. E lle fe trouve
fur des médailles de la derniere ville..
Une reflexion arrête ici. Winkelmann dit
bien que les inlcriptions de. ces médailles font
campaniennes , mais il n’ en donne aucune
preuve. I l avoue même que des, favans , &
entr’autres B ianchini, les ont regardées comme
puniques , que Maffei , parlant de ces médailles
, déclaré qu’ il ignore ce que lignifie
la^ legende , & que , dans la collection des
médailles de Pembrock , l’infcription des médailles
de Tiano eft donnée pour Carthagi-
noife. Jufqu’à ce que la vraie patrie de ces
médailles foit mieux décidée , on peut donc
foupçonner qu’ elles font en effet puniques,
& qu’ elles ont été apportées dans la Campanie
par les Carthaginois d’Annibal. E lles font
en petit nombre : ce qui donne une nouvelle
force au foupçon.
Mais il a été trouvé, ajoute Winkelmann,
un grand nombre de vafes. campaniens , couverts
de peinture. On les à confondus fous la
dénomination de vafes étrufques , parce que
Buonarroti & G o r i, qui les premiers ont publié
ces vafes, étoient des écrivains Tofcans
& cherchoient à relever l’honneur de leur
patrie. Le pays même où ces vafes ont été
découvert ; fuffit pour manifefter leur erreurs
la plupart ont été trouvés dans le royaume de
Naples.
Mais ce lieu même femble indiquer qu’ils peuvent
être des ouvrages grecs. C’ eft auffi ce
que Winlçelmann avoue du plus grand nom- I
bre. Cependant comme plufieurs peuvent
être des productions de l’arc campanien ,
nous nous fommes crus autorifés à en parler
ici. r
Les peintures dont ces vafes font ornées
doivent plutôt être regardées comme des deffms
cotores que comme des peintures proprement
dites. Ce font, ainfi que les modernes en font
encore , des deffms lavés de plufieurs couleurs.
Le contour y eft rendu par des tra its, ainfi
que les plis des draperies, & tout ce qu’on
a coutume d’ indiquer à la plume dans les
delJins qu'on fe propofe de laver. Le plus fou-
vent les figures font d’une feule couleur, &
cette couleur eft épargnée fur le fond du vafe*
Le champ eft revêtu d’un noir brillant.
» Le deflin de la plupart de ces vafes eft
» tel , dit WinkeTmann , que le s figures
» pourroient occuper uue place avantageufe
» dans une compofition de Raphaël..........Q ui-
» conque fait apprécier la franchife 8$ l ’élé-
» gance de ces v a fe s , & juger de la manière
» de traiter les couleurs dans des travaux ex-
» pofés a l’aélion du feu , trouvera ici des
» preuves non équivoques de la facilité & de
» la corredion des maîtres dans la manoeuvre..
» Car la peinture.de ces vafes ntoft autre
» chofe que celle de nos ouvrages de poterie :
>5 ce genre de peinture. exige une exécution
» fa cile & un fa ir e rapide ; car toute terre
» cuite tiré foudain l’humiditc des couleurs &
» du pinceau , enforte que fi l’artifte ne trace
» pas fon contour d’ un feul tra it, il le man-
» q u e , & il ne refte dans fon pinceau que-
» les parties terreftres. Par conféquent, com-
» me en général il ne fe trouve point de re««
» prifes dans les contours, & qu’on n’y re—
» marque point de lignes ajoutées après coupr
» il faut que chaque trait qui forme le con-
* tour ait été tracé fans interruption ; ce qui
» femble prefqu’un prodige par rapport au
» caraélère de ces figures. I l faut confidérer
» de plus que cette manoeuvre n’ admet aucun
» changement ni aucune correétion, & quq
» le trait qui forme le contour, refte tel qu’ il
,» a ete trace d’abord. Ces vatos font les pro-
» diges de l’art des anciens, comme les moin-
» dres infeéles font les merveilles de la nature.
» C’ eft ainfi que les premières efquiffes de Ra-
» phaël, touchées avec tant d’ e fprit, & tracées
>3 d’un feul trait de plume ou de crayon, ne
» dévoilent pas moins, aux yeux du conrioif»
» feu r , la main habile du maître que fes défi 33 fins achèves ; & c’ eft ainfi que les vafes an- >3 tiques décélent plus la facilité & la hardiefî®
33 des anciens artiftes, que les autres produc*»
» tions de l’art. Une colleélion de ces vafes eft
» donc un tréfor de deftins 33.
Les.étogps de Winckelmann pourroient êtrç
ici fufpe&s de quçlqu’exagération ; mais ce qui
îe foït capable d’ ihfpirer de la confiance pour fon
jugement, c’ eft qu’on peut croire qu’ il ne
l ’a porté qu’ après avoir confulté Me^gs, fon
ami , qui poflëdoit lui - même un beau vafe
campanien : c’ eft celui qui repréfenfe d’ une
manière burlefque les amours de Jupiter &
d’Alcmene. I l eft vraifemblable que c’eft la
repréfentation d’ une fcène de quelque comedie
grecque qui eft perdue, & par conféquent,
il eft vraifemblable aufli que ce morceau appartient
à l ’art des Grecs. Le Comte de Caylus
avoit déjà fait connoître ce fujet. C’ eft un
ouvrage qu’on doit rapporter au genre deCallot,
& s’ il mérite les éloges qu’on en a fa its , c’ eft
en le comprenant dans cette claffe. Winckel-
mann auroit dû faire cette obfervation, & il
l ’éloigne au contraire par fa comparaifon avec
les efquiffes de Raphaël.
Peinture che% les Grecs.
Quoique l ’ hiftoire de la peinture chez les
Grecs foit bien mieux connue que celle du
même art chez les nations barbares, elle offre
cependant, à différentes époques, & furtout
pour les temps anciens, de très-grandes obf-
curités. Pline eft prefque le feul écrivain qui
nous en ait confervé le i matériaux; il ne pou-
voit les trouver ,que chez les C ré e s , & il fe
plaint qu’ en cette occafion ils étoient loin de
montrer leur exaélitude ordinaire. Us ne pla-
çoient, d it-il, le premier peintre dont ils parlaient
que dans la 90e. olympiade, 4 10 ans avant
notre è re , & elle rémonte à des temps bien
plus reculés. -
I l eft certain que , confidérée du moins dans
l ’état de peinture en couleurs sèches, elle
exiftoit dès le temps du ûége de Troie , & l’on
peut préfumer q u e , dès lors , la peinture au
pinceau n’ étoit pas entièrement inconnue.
Quand Homère nous laifferoit ignorer qu’ il
.y avoit des figures fculptées à Troie , & chez
Antinous, le palladium des Troiens eft c é lè b
re dans l’ antiquité.
Le bouclier d’Achille , les ornemens de
plufieurs armes prouvent que l’on connoiffoit
les bas-reliefs, genre de fculpture qui fe rapproche
de la peinture.
Hélène travailloit à une tapifferie fu* la-
uelle elle repréfentoit les nombreux combats
ont elle avoit été caufe. Voilà donc dès le
.temps du lîége de T r o y e , ou au moins dès le
temps d’Homère, de la peinture d’hiftoire. On
a lieu de penfer que les couleurs en étoient
variées ; mais quand ces tapifferies euffent été
en camayeu, c’ étoit toujours de la peinture.
E lle n’étoit, il eft v r a i, qu’ en couleurs sèches;
mais Hélèffe ne faifoit pas de la tapif-
fe r ie , fans qu© le deflin n’en fât tracé fur le
canevas ; vo'rlà donc la peintura telle qu’ elle
fut au moins dans fon origine ; c’ eft - à - dire
Amplement linéaire. Mais fi l’a tapifferie devoit
etre variée de couleur, elle avoit apparemment
fous les yeux un deflin colorié qui lui fervoit
de modèle, foit qu’elle l ’eût fait elle-même ,
foit cju’il lui eût été fourni par quelqu’artifte ;
voilà donc la peinture ayant déjà fait quelques
progrès ; la voilà employant différentes
couleurs au pinceau , & telle à peu-près qu’ elle
eft encore aujourd’hui dans l ’Orient.
Dans l’Iliad e , lorfqju’Andromaque apprend
la mort de fon époux , e lle eft occupée à
repréfenter en tapifferie des fleurs de diverfes
couleurs. I l devient donc certain que du temps
d Homère, la peinture n’étoit plus réduite au
fimple t ra it , ni même au camayeu, mais qu’ elle
employoit des couleurs différentes; & il nous
eft: permis de croire que l’ouvrage d’Hélène
étoit un tableau d’hiftoire en tapifferie, dont
les couleurs étoient variées.
L’ exiftance de la peinture coloriée dès le
temps d’Homère peut donc être pofée comme
un fait hiftorique. C’ eft donc long-temps
avant Homère qu’ il faut placer les inventeurs
de la peinture liné aire , Cléantes Sa Ar-
| dicès de Corinthe , & Téléphane de Sicyone î
c’ eft même encore avant ce poète qu’il faut
placer Cléophante de Corinthe, qui imagina
de broyer des teffons de terre, pour colorier
. fes figures. Ou bien il faudra fuppofer qué
l ’ Art de peindre , connu du tems d’Homere
dans plufieurs endroits , étoit encore ignoré à
Corinthe où il fut inventé par Cléantes, & à
Sicyone où il fut trouvé par Téléphane. I l eft
dificile de foutenir cette fuppofition : car nous
avouons que la peinture étoit connue à Troie,
& il afïiftaau fiege de Troie des guerriers venu s
de Sicyone & de Corinthe qui alors s’appelloit
Ephyre : ils durent rapporter l’ idée de cet art
dans leur patrie. D’ailleurs les Corinthiens
! étoient voifins d’ Argos , où revint Hélene après-
le fiege de Troie.
Mais on éclaircit mal des faits hiftoriquespar
des récits peut-être fabuleux. Hérodote raconte
qu’Hélene n’ a jamais été à Troie & que Mé-
nélas la trouva en Egypte après la prife de
‘ cette ville . E lle peut auffi n’ avoir jamais fu
faire de tapifferie : peut-être la peinture étoit-
elle abfolument inconnue de fon temps dans
Argos & dans tout le Pénoponèfe; peut-être
l’étoit-elle de même dans Troie : Homère aura
prêté aux femmes Troyennes l’ induftrie des
; femmes Ioniennes. Quoiqu’il en fo i t , on ne
peut douter que la peinture ne fût connue,
au moins dans quelques endroits de la Gre c e ,
du temps de çe poète qui v iv o it , fuîvant la-
chronique de Paftos , 907 ans avant notre c r e ,
& l’ on peut même croire , avec beaucoup de
. vraifemblance, qu’ elle étoit déjà parvenue à
un commencement*de perfe&ion des le temps