
v ifa g e , l'élégance des cheveux , les agrémèns
de la bouche , & de .l ’aveu dès artiftes., il
emporta la palme -par fa manière de rendre les
derniers traits:qui terminent les. objets ». Ç’ eft
» ..ajoute Pline , d’après les écrits de deux pein-
» -très, Antigone & Xénocratey.c’eft un grand
» mérite de bien peindre les milieux-des corps $
» cependant plufièurs ont eu cette gloire : mais
» bien rendre ce qui termine ces corps , ce qui
*> approche des contours , ce qui enveloppe les
» formes , c’eft un fuccès bien rare ; car les
» parties voifines des contours doivent s’ enve-
» lopper elles-mêmes, finir en promettant ce-
» pendant encore autre chofe., & indiquer
» meme ce qu’elles cachent ».En effet fi les objets
peints qui dans la nature ont du r e lie f , paroif-
foient en peinture fe terminer avec le contour,
ils né repréfenterotent que des objets plats &
fans rondeur. L’éloge qui eft accordé ici à Parrhafius
eft l’ un de ceux qu’a fingulièrement mérité
le Corrége ; mais le peintre Ephefien, moins
heureux que le Lombard, n’étoit pas égal à lui-
même dans l’art de traiter ce que les artiftes
appellent les milieux,
PI ine parle d’ un tableau dé Parrhafius qui
repréfentoit le peuple d’Athènes. I l paroît que
c’étoit un tableau d’une feule figure ; & ce
fujet fut choifi plufièurs fois par les peintres &
le s fculpteurs, entr’autres par Euphranor, L y -
fon , Xqocharès. Mais quand Pline ajoute que
le projet de Parrhafius étoit de repréfenter lè
peuple d’Athènes inconfiant, colere , injufle
& en même temps exorable , clément, com-
pâtiifant, hautain , glorieux , féroce, porté à
prendre la fu ite , on fent qu’un tel deffein ne
peut être exécuté dans la repréfenration d’ une
feule figure , parce que la peinture ne peut repréfenter
qu’ un feul inftant, & que l’expref-
fion de ces paillons. diyerfes exige des, inftans
fucceflifs.
Entre les ouvrages célébrés de Parrhafius y
on diflinguoit fur tout deux tableaux , chacun
repréfentant un de ces foîdats fortement armés
que les Grées appelloient oplites : l’ un paroif-
foit courir au combat avec tant d’ ardeur qu’on
croyoit le voir fuer ; l’autre fe dépouilloît de
les armés , & fembloit effoufflé. On peut remarquer
que dès lors on ne traitoit plus guère des
fujets d’ un grand nombre de figures, comme
du .temps de Polygnote : ,on préférait les tableaux
d’ une eu de deux figures, & rarement
pn en inrrcduifbit plus de quatre.
Parrhafius étopt faftueüx & plein dforgueil
iî -difoit qu’ il étoit le prirtcé de l’ arc, 8c qu’il
pn avoit trouvé la perfe&ion. I l ne fe trompoit
peut-être pas en fe comparant avec les peintres
de (on temps-, mais il fut furpaffé dans la
fuite. Il a peint , dans fe s . délartemens,, de petits
tableaux licencieux-.
Sénèque le père a écrit que Parrhafius avoit
acheté un efclave & l’avoit fait mettre à lar
torture pour repréfenter d’après lui les tourmens
de Prométhée. C’eft, je croîs, une fable5 mais
elle témoigne que ce peintre recherchoit l’ex-
prefïion. C’efl ce que prouve le choix de plu-
fieurs de fes fujets, entr’autres celui de Phi-
loéiete fouffrant. On peut conclure de fon entretien
avec Socrate, rapporté par Xénophon,
qu’il eft le premier peintre de la Grèce qui
fe l'oit occupé de cette grande partie de l’art,
& qu’il ne s’y eft livré que par le cenfeil du
philofophe.
Mais fi Parrhafius mit le premier de l’expref-
fion dans les tableaux, ce qui paroît confirmé
par Pline, qui dit que le premier il rendit
les fineflès du vifage , comment Polygnote
avoit-il dans cette partie la fupériorité qu’A-
riftote femble lui attribuer ? Peut-être faudra-
t-il entendre par le mot éthê , les m oe urs,.
qu’employe Ariftote, ce qu’on entend dans
les arts par le caraétère, & ce qui n’eft point
encore l’expreffiori des afFeftions de rame.
Michel-Ange avoit un grand caraâère; mais
il n’avoit pas l’expreflion de Raphaël.
Les peintres deffinoient dès-lors des études &
peut-être même des efquifles fur des tablettes ou
du parchemin. Parrhafius en laiffa un grand
nombre dont les artiftes profitèrent.
{11) Timanthe de Sicyone dans le Pélopo-
nèfe, ou de Gythnos dans l’Attique. Il fut
vainqueur de Parrhafius au jugement du peuple.
^Né dans un temps où l’on commençoit à
faire une étude de l’exprefïion, il chercha à
fe diftinguer dans cette partie. Il ne négligea
pas non plus ce que, dans les arts, on nomme
des penjées : ce fut ainfi qu’ayant repréfenté
dans un fort petit tableau un cyclope endormi
, & voulant faire cennoître que cette petite
figure du cyclope étoit celle d’un géant,
il peignit des fatyres beaucoup plus petits qui
mefuroient fon pouce avec leurs thyrfes.
Les éloges des orateurs, firent beaucoup valoir
fon tableau du facrifice d’Iphigénie. Il
avoit repréfenté tous les fpe&ateurs affligés,
& avoit furtout épuifé les cara&ères de la
trifteffe fur la figure de Ménélas, oncle de la
viâime : il mit un voile fur le vifage du père
qu’il ne pouvoit montrer dignement. P atris
ipjius vultum v e la v it, quem dignê non poterat
ofiendere. C”ell ainfi que s’exprime Pline, &
fes expreflions font au-aefius de la critique. On
fait que les .anciens troùvoient indécent de
fe montrer dans une extrême douleur, & qu’ijg
fe couvraient la tête de leurs mantéaux, quand
ils n’avoient pas la force de la dompter. Suivant
les principes de cette décence, Timan-
the ne pouvoit montrer dignement Agamemnona
dignè non poterat ofiçndere, qu’en le couvrant
d’un yoile., Pline a mefuré tous fes termes ;il
dit qile le peintre aro.it épuifé fiir les autres
figures l’exprefïion de la irijlejfei mais il y a
loin de la trifteffe à l’expreflion de 1 extrême
doCuliecéurro. n , Quintilien , Euft- a.he prétend,ent
due Timanthe, après avoir épuifé fur les autres
perfonnages l’expreffion de la douleur ,
fut obligé de voiler ion Agamemnon Valere
Maxime s’exprime d’uné-manière qui paroît
s’accorder mal avec les principes des Grecs
fur les convenances de l’art. Il prétend que le
peintre avoit repréfenté Calchas trifte , Ulyfle
affligé, Ajax criant, Ménélas fe lamentant,
& que ne pouvant plus caraaérifer la douleur
du père , il le couvrit d’un voile. Croira-t-on
qu’un peintre Grec , qui refpeâoit le caractère
de la décence & celui de la beaute, ait
repréfenté des Princes, criant âc fe lamentant
comme des' efclaves qui fe livrent fans frein
à toutes leurs pallions, a toutes leurs affections ?
Auroit-il donné à des Princes une^ foibleffe
qu’il n’auroit pas même ofé prêter a la dernière
femme de Sparte g Je crois donc que
Cicéron, Quintilien, Euftathe n’avoient pas
vu le tableau de Timanthe.; qui ne paroît pas
être du nombre de ceux qui. eurent une longue
durée , & qui furent apportés a Rome. Je -
né crois pas non plus que Pline l’ait vu; mais
ie penfe que dans la defcription qu il en a
donnée, il a fuivi quelqu’auteur grec a qui
le tableau étoit bien connu. Timanthe s etoit
montré bon peintre d’expreffion en épuifant fur
fes différens perfonnages ie caraétère de la
trifteffe ; il avoit fenti que la trifteffe ne fuf-
fifoit pas pour peindre la fituation du père ,
que cependant il ne pouvoit le montrer dignement
dans les crifes de la douleur, & il prit
le parti de le voiler. C’eft cette délicateffe &
ce fèntiment des convenances dont Pline fait
l’éloge : mais les autres nous montrent un
•peintre qui ayant épuifé tout fon art fur les i
figures fubalternes ou du moins fecondaires,.
ni fait plus comment traiter fa figure principale
& la couvre d’un voile. Ils font un grand
elog’e dé cette reffource, qui ne feroit que
celle de la ftérilité. Suivant eux , c’eft: une
lublime invention que ce voile ; mais, comme
■l’a fort bien remarqué Daléchamp , cette invention
appartient a Euripide,
i. On voyoit à Rome un tableau de Timanthe
qu’on regardoit comme un ouvrage achevé ;
il repréfentoit un héros.
fia) Androcydes de Cyzique fe fit une
réputation dans ce que nous appelions peinture
de genre. On célcbroit des poiflons qu’il avoit
peints autour de Scylla. Il y. a tout lieu de
foupçonner que l’art avoit fait encore de bien
foibles progrès dans la partie d la couleur,
& danseelle de la manoeuvre, Si ce foupçon
eft fondé , Androcydes ne méritoit pas )a réputation
qu’il a obtenue ; car ce font ces deux
parties de l’art qui donnent de la valeur au
genre qu’il exerçoir.
(13) Eu pompe eut une grande célébrité 8c
fjit le chef de l’école de Sicyone fa patrie.
Il eut pour difciple Pamphile, maître d’Apelles.
(14 Euxénidas' paroît avoir dd fa réputation
moins à lui*même qu’a fon difciple Arif-
tide de Thébes. Les Béotiens paffoient? pour
avoir l’efprit lourd , & cependant la Béotie a
produit de grands hommes dans tous les genres :
qu’il fuffiie ici de citer Pindare, Epaminondas,
Plutarque.
(15 ) T heon de Samos fe diftingua par la
fingularité de fes conceptions auxquelles les
anciens donnèrent le nom de fan taijîes. Ils ne
prétoient pas à ce mot le meme fens que noua..,
& paroiflent même, par rapport aux arts, y
avoir joint une idée de défapprobation , comme
nous faifons au mot bigarre. Par exemple Théon
peignit Orefte furieux, enfonçant le poignard
dans le fein de fa mère, & l’on voit par un
partage de Plutarque que les anciens defapprou-
voient le choix de ce fujet. Combien de ta-
I bleaux admirés par les modernes , que les Grecs
I auroient placés dans la clarté des fantaifies 8c des bifarreries atroces ! Des tableaux repréfen-
tant la folie fimulée d’Ulyrte , Médée donnant
la mort à fes enfans , ont ete ranges dans cette
clafle par le fage Plutarque.
Théon avoit peint un guerrier qui l’epée nue ,
l’air menaçant , l’oeil égare fembloit anime de
la fureur des combats.. Cette figure étoit feule
dans le tableau : le peintre , l’homme d’efprir ,
fentrit le pouvoir que devoir avoir fur un peuple
aflemblé les efforts de deux arts réunis-, & ne
permit de lever la toile qui cachoitfon tableau ,
qu’après avoir fait fbnner la charge a un trompette.
La multitude, animée par cette mufique
vive & guerrier? , en confondit l’impreflîon
avec celle que lui caufbit le tableau. Le moyen
étoit adroit -, mais un peintre pour remuer i’ame
des fpeâateurs, ne doit employer d’autres ref-
forts qu® ceux de fon art : toute autre reflour-
ce ne lui procure que des fuçces d un moment.
( 16 ) Pamphile d’AmphipoIis en Macédoi-
nè, peintre très célèbre par fon talent, & plus
encore par Apelles fon difciple. Il fut le premier
des peintres qui cultivât toutes les parties
des belles lettres y & fur tout les mathématiques
& la géométrie , fans lefquelles il foutenoit
que l’art ne pouvoit fe perfectionner : ce qui
prôuve que les peintres de ce ^ temps
n’étoient pas aufli ignorans en perfpedive qu«