
domine fur les formes elles mêmes, en réglant
leurs mouvemens.
Mais les ouvrages où ne font établies que
les formes & l’expreffion ont un grand défa-
vantage : rien ne s’y diftingue nettement, aucun
objet ne s’ y détache d’ un autre , aucun
corps n’a de re lie f ; on ne peut y démêler une
figure qu’en fuivant le trait dans toute fon
étendue: pour fixer la v u e , pour lui épargner
un travail difficile, il faut donc détailler les
objets par les effets de la lumière & de l’ombre ;
le clair - obfcur fera donc la troifieme partie
de l’art. Ainfi un ouvrage diftingue par la
beauté du defiin, par la vérité de l’ expreflion
& par une intelligence au moins fuffifante
du clair $ obfcur fera un ouvrage précieux.
Telles étoient les belles frifes du Polidore :
telles font des grifailles faites par de grands
maîtres, de beaux defïïns terminés, de belles
eftampes : toutes efpeces de peintures mono>-
chromes.
Un très grand talent dans une ou deux
parties , même inférieures , de l’art , fait
oublier la foiblefie de l’artifte dans les autres
parties. Ainfi quoique nous ayons regardé
comme les prinçipales/?amé.f de l’ art, le defiin,
l ’exprelfion & le clair - obfcur, Rembrandt efl
mis au rang des plus grands maîtres pour avoir
çxcellé dans la couleur. La pattie de la com-
ppfition, en fuppofant une grande foibleffe
dans toutes les autres, ne fuffiroit pas à la
gloire d’ un a r t ifle , comme un poëmè mal
écrit fur un bon plan ne fait pas la réputation
d’un poè'te. L’ exécution femble n’ être qu’ une
partie fubalterne, & cependant elle procure-
roit au peintre plus de fuccès, comme de beaux
vers faits fur un mauvais plan procurent des
applaudiflemens au poète.
» Dans les ouvrages d’un même g en re ,
» comme par exemple de la peinture d’ hiftoire,
» dit M. Reynolds, ouvrages qui font compo-
* fés de différentes p a rtie s, la perfection dans
» une partie inférieure, portée à un très haut
» degré, rendra un ouvrage très eftimable, &
» dédommagera, en quelque forte, des qua-
» litésfupérieures qui peuvent y manquer. C’eft
» le devoir du connoiffeur de favoir diftinguer
» chaque partie de la peinture, & de l’ eRimer
» fuivant qu’ elle le mérite. De cette manière,
» le Baffan même ne lui paroîtra pas indigne
» de fon attention -, car quoique ce peintre
» manque abfolument d’ expreflion, ( * ) de
» fens , de g râ c e, & d’élégance, on peut
( * ) Je crois qu’un anifte- qui manquerait abfolument
d’expreffion , n’obtiendrait aucune eftime. Le Baffàn
manquoit abfolument , comme le dit M. Reynolds, de
fexpreflion des afïè&ions de l’ame,- mais du moins fes
■ figures avoient l’expreHion de la vie ; leurs ©ouveiwens
» neanmoins le regarder comme eftimable par
» le goût admirable qui- régné dans fon co-
» loris, & q u i, dans fes meilleurs ouvrages,
» efl peu inférieur à celui du Titien.
» Puifque j*ai nommé le Baflan, je dois
» également lui rendre la juftice d’avouer que
» quoiqu’il n’ait pas afpiré à la dignité d’ e x -
» primer les cara&eres & les pallions de l’hom-
» m e , il y a cependant peu de peintres qui
» puifTent lui être, comparés par la fidélité &
» la vérité avec lefquelles il a repréfenté tou-
» tes fortes d’animaux, & leur a donné ce que
» les peintres appellent propriété de cara’c -
» tére.
» Au Baffan , nous pouvons joindre Paul
» Véronefe & le Tintoret , à caufe de leur
» totale négligence dans la partie eflentielle de
» l’a r t, fa voir, l’exprefîion des pafïions. Ce-?
» pendant, m aigre ~c es défauts confidérables,
» leurs ouvrages font eftimés avec raifon mais
» il faut Cé rapellçr que ce n’ eR pas par ces
» defauts qu’ ils plaifent, mais par leurs gran-
» des beautés dans d’autres parties, & en dépit
» même, pour ainfi d ire , de ces omifïions.
» Ces beautés font fondées, dans le rang
» qu’elles occupent, fur des vérités générales
>5 de la nature : Ces artifles ont bien connu
» la vérité; mais il n’ont pas.fu la dévoiler
» toute entière.
M. Reynolds, femble avoir découvert la vraie
fourcedes fuccès; c’eR la vérité, ou du moins fon
apparence. L’artiRe qui excelle dans le defiin rend
la vérité des formes. Celui qui excelle dans le
clair-obfcur, rappelle des effets vrais ou vrai-
femblables, d’ombres & de lumières. S’ il fe
diRingue par l’ expreflion, il s’accorde avec
la vérité des mouvemens de la nature. S’il
eR grand coloriRe, il étonne en imitant par
des moyens difficiles la nature colorée. Mais
s’ il ne poffede d’autre partie que la compo-
fition, il n’ eR pas vrai ; car il a beau difpofer
habilement les objets qui trouvent place dans
fon ouvrage , il ne peut féduire un feul
inRant, s’ il n’ exprime aucune des vérités qui
frappent fa n s^ e fle nos fens , celles de la
forme, du mouvement, des effets de la
lumière & de ceux de la couleur.
- Si l’ exécution p la ît, quoique toutes les
autres parties foient médiocres & n’ expriment
énergiquement aucune vérité,- c’ eR qu’ elle montre
beaucoup d’adreffe, & qu’on ne voit pas.
fans plaifir opérer adroitement.
Peut-être l ’énumération des parties qui enétoient
juftes pour des peifonnages qu'aueuhe paifion n’af-
feitoit. Comme ordinairement l’arc a pour fujet des êtrçs
vivans, il ne peut fe paffer de l’exprelfion de la vie, (c
c’eft ce que je ferais tenté d’appeller le prçnaief dégrc dq
l’eacprelfion.
P A R
trent dans les arts qui tiennent qu defiin, pour-
roit-elle conduire à établir quel eft celui de
ces arts qui doit obtenir la première place.
Nous avons compté cinq parties dans l’art de la
peinture, en y comprenant l’exécution. Deux de
ces parties manquent à la fculpture ; le clair-obi-
eur & le coloris.
On pourrait donc accorder la prééminence
à la peinture, s’ il avoir jamais exifté un peintre
qui eût excellé dans les cinq parties principales
qui conftituent fon art. Mais comme on
eit obligé d’accorder les premiers rangs à ceux
qui réunifient dans la peinture quelques parties
de leur art à un haut dégré, ou ne vojt
pas qu’ un fculpteur qui réunirait dans la lta-
tuaire au même dégré, le même nombre de
parties, dût leur être inférieur. Cettembfer-
vation, fl elle eft jufte , établit l’égalité entre
les deux arts. ( Article de M. L é v e sq u e . )
P A R T I E S , comment traitées p a r les ar-
tilles Grecs. Le profil grec eft le principal ca-
radère d’ une haute beauté. I l décrit une ligne
prefque droite , ou marquée par une douce
inflexion. Dans les figures du jeune âge &
lurtout dans celles des femmes , cet«6i:hgne
deffine le front avec le nez. Cette forme fim-
■ pie & belle par la fimplicité & par 1 umte
qui ’en réfulte , fe trouve bien plus rarement
fous un ciel âpre que fous un climat doux ;
aufli la beauté y e f t e lle bien plus rare. Les
formes droites, ou pour s’exprimer avec plus
de précifion , les formes qui approchent de la
ligne droite, conftituent le grand ; ce (ont elles
quiproduifent les contours coulans^& délicats.
A On peut être conduit à connoître ce qui
conftitue la beauté , en examinant ce qui
conftitue la laideur. La laideur du profil devient
de plus en plus choquante , à mefure
qu’ il s’éloigne davantage de la ligne qu’ont
obfervée les anciens ; plus l’ inflexion du nez
eft fo rte , & plus le profil s’éloigne de la belle
forme & l’on-chercherait envain la beaiité
avec un mauvais profil. I l eft donc prouve
qu’on fe rapprochera d’ autant plus du beau ,
qu’on fera plus près de la ligne tracée par les
ancien-s.
Le caraétère du front ne contribue pas foi-
blemcnr à celui du beau. Les anciens écrivains,
d’ accord avec les anciens artiftes , nous apprennent
allez qu’ils donnoient la préférence
aux fronts que nous appelions bas , & qu’ils
mettoient le front élevé au rang des difformités.
Si c’ eft dans la jeunefle qu’ il, faut cher-'
cher le caraêlère de la beauté parfaite, fans
doute le principe des anciens étoit incontef-
table. Le front n’ eft pas ordinairement élevé
dans la première fleur de l’â g e ; il ne le devient
que lorfqu’ il fe dégarnit de cheveux.
Comme c’ eft le premier caractère de la dégra-
P A R Ï99
dation du beau , ou même de la dégradation
de la nature , il eft a fiez prouvé que le beau
le trouve dans le caraétère oppolë.
Pour que la forme du vifage foit d’accord
avec elle-même & décrive un ovale , les
cheveux doivent couronner le front en s’ar-
rondifiant, & faire ainfi le tour des tempes;
fans cela la face qui fe termine par un ovale
dans fa partie inférieure , décriroit des angles
dans fa partie fupérieure , & l’accord de ces
deux parties entr’ elles feroit détruit. Ainfi le
front arrondi, qui eft le caraétère des belles
yperfon.nes , fe trouve -t-il dans toutes les têtes
idéales de l’art antique , & ftirtout dans celles
du jeune âge. On n’ en rencontre jamais dont
les tempes dégarnies décrivent des angles &
des pointes; difformité dont nous nous reffbti-
venons encore que la mode avoit fait parmi
nous une beauté. C’ eft un travers dont la pof-
térité trouvera le témoignage dans les productions
de nos arts.
On convient généralement que les grands
yeux font les plus beaux ; mais ce qui fait
la beauté des yeux dans les ouvrages de l’a r t ,
ç’ eft moins leur grandeur , que la forme de
leur enchaffement. Aux têtes idéales antiques,
les yeux font toujours plus enfoncés qu’ ils ne
le font , en général , dans la nature , & par
conféqüent l’os des fou relis a plus de faillie.
C’ eft que -, dans les grandes figures , placées
à une certaine diftance de la vue , les yeux
auroient peu d’ effet fans cet enfoncement. L’art,
en exagérant la cavité qu’ils occupent, produit
un plus grand jeu d’ombre & de lumière, &
donne aux ftatues plus de vie & d’ exprefiion. Il
eft vrai que cetteelpèce de ré g ie , pratiquée pour
les grandes ftatues , fut obfervée de même
pour les petites figures & pour les médailles,
& qu’ elle donne à tous les ouvrages de l’a r t ,
de quelque genre qu’ ils foient, un caradère
de grandeur.
Les yeux , fans s’ écarter de cette forme déterminée
, différent cependant dans les têtes
de différentes^ divinités. La coupe de l’oeil eft
grande & arrondie dans les têtes de Jupiter,
d’Apollon &: de Junon : Pallas, qui a de grands
yeux , conferve l’air virginal par fes paupières
baifféçs : Vénus a les yeux petits ; il ne faut
que voir la Vénus de Médicis , pour recon-
noître que ce n’ eft pas la grandeur des yeux
qui fait leur beauté ; & pour être bien convaincu
de cette vérité , on n’a qu’ù comparer
les yeux. de. cette Vénus avec ceux qui leur
refiemblent dans la natut-é : on fentira tout ce
qu’ ils ont de touchant. La paupière inférieure,
légèrement tirée en haut, leur communique
une langueur pleine de grâce.
La finefle des poils dont les fourcils font
formés eft diftinguée dans la ftatuaire par le
tranchant de l’os qui couvre les yeux. A n i