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la tête , d e là fa c e 8c fur leurs divifions, ce fil
nous re lie ra , parce que fi les hommes varient
dans leurs ufages, la nature jufqu’à prêtent ne
varie point dans Ces formes & dans fes proportions.
I l eft fâcheux que la peinture, & fur-tout
la fculpture, jouiffent à-peu-près ,feules parmi
les Beaux-Arts de cet avantage. Je dis à-peu-
près , parce qu’il eft commun à l’ archite&ure
qui mefure aufli les proportions de fes partiës
continuantes, par des portions prifes dans ces
mêmes parties. On mel'ure en effet les proportions
des colonnes, des entablemens , des bafes ,
& des parties de tous les ornemens , par diamètres
ou demi-diametres des colonnes de l’ordre
qu’on emploie ; & quoique ces mefures ou étalons
varient fui van t le caractère qu’on donne
aux monumens , elles ne font pas moins invariables
, tant qu’ il fubfifterâ quelques vetliges
des fyftêmes adoptés & des livres qui les décrivent
fcientifiquement. J ’ai dit que la fculp?
rure jouifloit plus complettement de cette manière
d’ affürer fa marche que la peinture ,
parce que la vérification qu’on veut faire de
ces mefures n’eft pas arbitraire , lortqu’ elle
eft appliquée à des objets qui , quant aux
formes palpables , font femblables aux modèles
qu’on a deffein de repréfenter.
Dans la peinture il ne faut pas oublier que
le re lie f n’ eft que feint , & que par conféquent
il faut fe contenter d’ eftimer la plupart de ces
mefures dont les raccourcis, défignés par l ’ effet
& l ’ iUufion des couleurs, ne comportent pas des
vérifications exaôes.
Elles feroient poffibles dans une figure que le
peintre repréfenreroit debout-, encore faudrpit-il
que les bras fuffent étendus fans être ployés.
Cependant, à l’ aide des eftimesou apprécia r
tions que l’ artifte fait employer,, il tire encore
un grand :8c habituel fecours des mefures con-
facrées , foit d’après les plus beaux ouvrages de
l ’ antiquité, foit d’ après les obfervations déposées
dans les ouvrages clafliques de la peinture.
Je n’offrirai pas ici les détails infinis dans lesquels
on eft entré fur ces mefures, depuis qu’ on
le s a obfervées méthodiquement, & qu’on y a
eu recours. Elles font rapportées par de bons
auteurs. Ceux qui yeulent en acquérir la con-
noiffance , doivent entrer dans les détails que
rious ont tranfmis Léonard de V in c i , Alberr-
D u re r , Lomazzo qui femblent avoir épuifé cette
matière , & d’autres qui fe font enrichis de
leur travail ; on en trouvera cependant un préc
i s dans l’article P roportion , & c’ en fera
affez pour fatisfaire la curiofité de ceux qui
veulent en avoir une première idée ; autrement
j l faudroit copier exaftement les bons auteurs,
d’autant qu’on ne peut donner un fimple extrait
de ces ouvrages, qui contiennent des objets en
quelque forte géométriques & exafts.
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J ’ajouterai feulement ici que ce qu’on appelle
la fa c e eft moins grand que la tête d’ un quart ;
la tête eft la longueur d’ une ligne droite qui
s’étendroit du niveau du fommet du crâne , fans
fe courber, jufqu’au bas du menton , & la
fa c e fe compte du haut du front jufqu’au bas
du menton. ( Article de JH. IVatelet. )
F A C IL IT É ( fubft. fém. ) dans les arts &
dans les talens , la fa c ilit é eft une fuite des dif-
pofitions naturelles, Un homme né poète répand
dans fes ouvrages cette aifance qui caraétérife
le don que lui a fait la nature. L’ artifte que
le ciel a doué du génie de la peinture, d is tribue
fes couleurs avec la légèreté d’ un pinceau
facile : les traits qu’ il forme font animés
8c pleins de feu. Eft-ce à la conformation &: à
la combinaifon des organes que nous devons
ces difpofitions qui nous entraînent comme
malgré nous , & qui nous font furmonter les
difficultés des arts ? Eft-ce dans l’ obfcurité des
caufes phyfiques de nos fenfations que nous
devons rechercher les principes de cette f a c
ilité ? Quelle qu’en foit la fource , qu’il feroic
avantageux de l’ avoir affez approfondie, pour
pouvoir diriger les hommes vers les talens qui
.leur conviennent, pour aider la nature & pour
faire de tant de difpofitions, fouvent ignorées ou
trop peu lecondées, un ufage avantageux au
bien général de l’humanité 1
Au rèfte la fa c ilit é feule , en découvrant les
difpofitions marquées pour un talent y ne peut
pas conduire un artifte à la perfeftîon ; î f faut
que cette qualité foit fufceptible d’être dirigée
par la réflexion. On naît avec cette heureufe
aptitude \ mais il faudroit s’ y refufer jufqu’à
ce qu’on eût préparé les matériaux dont elle
doit faire ufage ; il faudroit enfin qu’elle ne fe
développât que par degrés : 8c c eft lorfqué la
fa c ilit é eft de cette rare efpèce , qu’ elle eft un
sûr moyen d’arriver aux plus grandsTuccès. Et
qu’on ne croye pas que la patience & le .travail
puiffent fubvenir ablolument au défaut de f a cilité
: non, fi l’ un & l’autre peuvent conduire
par une route pénible à des fuccès , il manquera
toujours à la perfeélion qu’on peut acquérir
alnfi, ce qu’on defire à la beauté, lorfqu’ elle n’a
pas le charme des grâces. On admire dans Boileau
la raifon fortifiée par un choix heureux 8c
médité d’ expreflions juftes 8c précifès ; moins
captif, le talent divin & fa c ile de la Fontaine
charme l’ efprit & parle au coeur.
La fa c ilit é dont il eft queftion i c i , celle qui
regardé particulièrement l’art de la peinture ,
eft de deux efpèces. On dit fa c ilit é de corapo-
fition ; 8c le tons de cette façon de s’ exprimer
rentré dans celui du mot ge'nie y car un génie
abondant eft le principe fécond qui agit dans
une compofition fa c ile . I l faut donc remettre
à en parler lorl'qu’ il fera queftion du mot gé-
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nie. La fcconde application du terme facilité
eft celle qu’ on en fait lorfqu’on dit, un pinceau
facile. ,C’ eft l’ expreflion de l ’aifance dans la
pratique de l'art. Un peintre bon praticien ,
affûté dans les principes du clair-obfcur , dans
l ’harmonie de la couleur, n’héfite point en
peignant -, fa broffe, fe promène' hardiment. En
donnant à chaque objet fa couleur locale , il
unit enfemble les lumières 8c les demi-teintes ,
il joint celles-ci avec les ombres ; la trace de
ce pinceau dont on fuit la route, indique la
liberté, la franchise, enfin la facilité. Voilà
ce que préfente l’idée de ce terme, 8c je finis cet
article par ce confeil général : rendez-vous révères
8c difficiles dans les études par lefquelles
vous préparez les matériaux de vos entreprifes ;
mais lorfque la réflexion, en a fixé le choix' ,
livrez-vous à cette facilité d’exécution qui
ajoute au mérite de tous les ouvrages des arts. ( Article de JH. IVate le t.)
F A IR E (in fin itif pris fubftantivement. ) Le mot faire tient ici lieu de lubftantif. On dit ,
le faire de tel artifte eft peu agréable ; on fe récrie
, en voyant les ouvrages de Rubens & de
Vandick, fur le beau faire de ces deux peintres.
C’eft à la pratique de la peinture , c’ en: au mé-
chanifme de la broffe & de la main , que tient
principalement cette expreflion , & l’on en
fendra aifement la-lignification , fi l’on veut
bien donner quelque attention à 'la fin de l’article
facilité. ( A r t ic le de M. IVa t e l e t J)
B eau- f a ir e . QuoiqueTes beautés-d’exécution
ne foient pas toujours l’objet principal de l ’artifte
, 8c qu’ il ne s’ en ferve que de moyens
pour mettre en oeuvre des beautés d’un ordre
fupérie.ur, elles font extrêmement importantes.
Elles fervent à fixer les yeux du fpeâateur fur
des objets . deftinés à toucher fon ame, & ,
fans les attraits du beau-faire , la rapidité avec
laquelle on parcourroir certains ouvrages ,
l ’ empêcheroitd’en apparcevoir toutes les finèffes.
I l faut regarder-les. beautés d’exécution comme
l ’adreffe dont fe 1ère- le génie pour remplir parfaitement
l’ objet de plaire 8c d’ intéreffer.
Mais qu’ eft-ce que le beau- faire relativement
au tout enfemble d’ une compofition ? C’ eft
l ’art de lui imprimer le ftyle analogue au fujet
qu’ elle retrace , en adaptant à tous les objets
le .taçl qui leur eft propre , 8c en répandant
par-tout une manière hardie 8c ragoûtante. Un bain de Diane feroit d’une exécution mal af-
Yortie, fi la compofition étoit rendue par un
pinceau fier 8c heurté. Une ordonnance pit—
torefque qui reprél’enteroit les Titans écrafés
fous üffa & Pélion feroit tracée d’ un, genre peu
çonvenable,file pinceau en étoit arrondi 8c fondu.
La hardieffe du ta& eft un des plus grands
mérites du beau-faire. Dans la hardieffe , nous
comprenons la facilité à manier le crayon, le
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pinceau , l ’ébauchoir 8c le cTeau. Cette facilité
fuppofe la connoiffance parfaite des formes ,
des tons ■ & des effets-, fans cela on tâtonne ,
on roule autour du vrai*. Ou Je trouve à la fin ,
mais ce n’ eft qu’ avec peine, 8c l’ouvrage fe
reflènt quelquefois de la fatigue de l’ ouvrier ,
au lieu que l’artifte éclairé faifit fièrement &
fans balancer l’e fprit, l’ame de la nature.
La hardieffe doit être accompagnée de la netteté
& de la précifion. On e ll quelquefois
ébloui par un maniement d’outil fa c ile , les
demi-connoiffeurs en font les dupes. N e nous y
trompons pas; ces traits hardis, s’ ils font femés
fans jufteffe , annoncent les écarts d’un génie
libertin , qui cherche à en impofer. La facilité
véritablement eftimable eft celle qui fait palier
fur la to ile , mais avec précifion, ce que le
génie inftruit a nettement conçu.
Ce n’ eft pas que la main d’ un habile maître
exprime toujours fur fon ouvrage, du premier
coup & d’ une manière infaillible , un fenti-
ment v i f 8c fublime. I l eft une certaine irré.-
folution qui çaraâérifè non fon incapacité, mais
fa délicateffe. Cette indécifion produit une mu ltiplicité
de contours habilement jettés les uns
fur les autres, un favant défbrdre de touches
d’où naît ordinairement cette manoeuvre ragoûtante
qui. entre dans le mérite du beau fa ire .
Telles les efquiffes des grands maîtres , tels les t cartons de Raphaël, du Dominiquin , de Carié
Marate , qu’on peut regarder à certains égards
comme des compofitions, puifqu’iJs retracent
des grouppes entiers, 8c fouvent plufieurs
grouppes réunis, préfentenc ces fignes non équivoques
d’une louable irréfolution. On voit que leur
délicateffe fcrupuleufe cherchoit parmi plufieurs
t contours tracés autour du v r a i, -celui qui étoit
le plus convenable à la nature des fujets , &
que, par une touche fière , ils le détachoienc
enfuite de tous les autres qui avoient fervi à
le trouver.
Ce qui eft démontré dans les cartons, & fur_
, tout dans les belles efquiffes dés grands maîtres
ne fe borne pas à ce qui concerne le beau-faire'
relatif à l’exécution d’une ordonnance pitto-
refque. Ces ouvrages , ainfi que plufieurs de leurs
chefs-d’oeuvre qui renferment efllntiellement les
principes du pittetelque d’ une compofition fem-
blerit dire à tous les artiftes : lorfque vous-aurez
arrangé vos objets dans une économie judicieufe
que vos grouppes feront bien liés , que vos maffes
de lumière diftribuées avec intelligence auront
mis-en harmonie tous les membres de votre
compofition , achevez de perfectionner par une
exécution favante ce que vous aurez fi heu-
reufement difpofé. Epuifez les reffources d’une
manoeuvre intelligente & fa c ile , & les Waces
du beau - fa ir e fur les figures qui enriefliffent
les premiers plans de votre compofition. Paffer-
Yous à des ütes plus r e c u lé sQ u e les travaux