
plus sûr de repréfenter.les parties qui les couvrent
a.vec le caractère qu’ elles doivent avoir.
L a connoiffance des mufcles qui fe trouvent
fous la peau, formeroit la fuite de ce fyftême
d’études , & ces premiers rudimens devroient ,
lans y fixer de terme, s’entremêler fans ceffe
avec lès études diverfes des jeunes artiftes,
<l’ autant que je fuis très - perfuadé , par théorie
& par pratique, que l’ obfervation habituelle de
l’oltéologie & de la myologie influe infiniment
fur la sûreté, & fur la corre&ion du defjîn.
C’ eft ainfi qu’ il feroit important, pour former
l’ intelligence d’ un enfant, de l’habituer
à avoir des idées démontrées des objets fur lef-
quels il attache fes regards , ou dont on l’occupe
dans fes premières années. I l s’ agit pour
cela de mettre méthodiquement fous fes yeux
les parties de ces objets, en les décompofant,
& en les recompofant, ou les leur faifant re-
compofer.
Comme il y a trop de différence entre copier
fervilement ce qui eft defïiné, & imiter ,
en defiinant un objet réel , fur-tout un objet
animé , on a établi un moyen intermédiaire ,
qui fert à l’élève pour paffer de ce qui eft le
moins difficile à ce qui l’eft le plus.
Ce moyen eft de faire deffiner . l’é lè v e ,
d’ après des imitations en re lie f de parties, 8c
enfin de figures entières. Ce fécond ordre
d’étude s’appelle dejjiner d ’après la boffe. La
baffe eft le plus ordinairement une imitation
modelée en terre ou inoulce en plâtre.. Ce font
les modèles de cette dernière elpèce. qui font
le plus en ufage , parce qu’ ils s’acquièrent à
moins de frais , & qu’ il s’ en trouve un grand
nombre de moulés fur de bons originaux , quelquefois
même fur la nature, telles que des
mains, des bras, des pieds & des jambes.
Ces objets qui ont le même r elie f que la nature
, 8c qui font privés de mouvement, fe
montrent toujours fous le même afpeét à l’élève
qui fie fixe a tin point de vue. Alors il les
jdefline fans inquiétude , & peut mettre à cette
étude tout le tems qui lui convient. Pour augmenter
cette facilité , la baffe doit être placée
8c éclairée convenablement. Si la baffe eft une
tête de grandeur naturelle , il eft mieux qu’ elle
foit pofée de manière que les yeux de cette
tête fe trouvent de niveau avec ceux du defli—
nateur, au moment qu’ il la fixe & l’ obferve
pour la defïiner. I l faut encore que cet objet
foit placé de façon que le deflinateur qui fe
pofe vis-à-vis , reçoive fur fon papier le jour
do gauche à droite. Sans c e la , la main qui
demne porterait ombre fur les traits qu’ elle
voudroit former ; ènfin , il eft très - utile que
ce modèle ou boffè foit éclairé convenablement,
c’ eft-à-dire , premièrement d’ un feul jour -, fe-
condement, d’ un jour qui ne foit pas trop
étendu, pour que les rayons, moins vagues &
plus raffemblés, décident les. lumières & fes
ombres. Enfin , ce jour doit tomber plutôt d’en
haut que venir d’ en bas , c,’ eft-à-dire , que l’on
doit faire enforte que l’ouvertu-re ou..,, la partie
de la fenêtre, d’où le jour eft introduit , foit
fermée ou garantie jufqu’au-deffus du modèle,
'ou fi l’on fe fert de la lumière d’une lampe ,
que cette lumière foit placée fur le côté gauche
de la boffe, 8c à*une certaine élévation.
Je dis à une certaine élévation, parce que fi
la lumière étoit trop é le v é e , les ombres fe
prolongeraient trop de haut en bas , & pour-
roient embarraffer par des projections extraordinaires
le dejjînateur. Cet incovnénient fera
ailement fuppofer les inconvéniens contraires,
8c l’on fentira que tant qu’ il eft queftion de
faciliter les premières études, il faut choifir
dans les effets de c.lair-obfcur de la boffe
qu’on donne à imiter , ceux qui n’ offrent point
de fingularités embarraffantes , & qui font
mieux valoir les formes.
Je n’ infifterai pas autant fur la prolongation
de l’étude de la boffe que j’ ài fait fur la première
elpèce d'étude dont j’ ai parlé , parce q u e
l’ étude de la boffe ne doit fe rvir, comme je l’ai
d i t , que de paffage à celle de la -nature , par
pîufieurs rail’ons, dont je vais expofer les plus
effentielles.
L e jeune élève qui n’ en peut connoître les
inconvéniens, peut en emprunter un ftyle fèc
8c froid i car ce modèle qui a, tout lé .re lie f
& les formes de la nature animée , & qui ce- . 1
pendant eft privé de tout mouvement , fait
naître machinalement 8c entretient dans l’ ef-J
prit des commençans, une. idée d’ immobilité
bien contraire à celle qu’ il doit prendre
pour ne la qiiitter jamais , puifque le deffina-
teur & lè peintre ne doivent jamais féparer de
l’idée d’ un corps humain celle de l’ efprit qur
l’anime.
L ’étude trop fréquente, ou du moins trop
J prolongée de la boffe, peut donc avoir des in-
r convéniens 8c le maître doit faire paffer le jeune
élève deffînateur , le plutôt qu’ il fera poflible,
à l’imitation de la nature -, alors il doit recommencer
à l’étudier dans le même ordre qu’ il
a déjà fuivi.
I l deffinera donc chaque partie fur la nature
même -, il la comparera avec les deffins de fes
maîtres, avec ceux qu’ il a copiés, avec les
d'ffîns anatomiques qui lui ont..donné les premières
notions des os î enfin avec la boffe ,
pour mieux fentir la perfection que la nature
a toujours fur elle. I l mettra enfemble une
tête \ il la confidérerafous divers afpeCts , l’ imitera
dans tous les fens -, enfuite , allant ainfi par
degrés , & enchaînant bien l’ une à l’autre par
ordre toutes les notions qu’ il a acquifes, il
parviendra enfin à deffiner une figure entière y
\
& donnera à cette figure le caraîlère que doit
avoir une figure animée. # .
C’ eft alors que les obfervations fur la partie
mobile de l’anatomie , c’ eft-à-dire , la c™noif-
lance des mufcles & des jointures, lui devient,
de plus, en plus néceffaire; car je ne faurois
trop*répéter, dans un tems où Io n fe relâche
fur cet objet important, que la comparaifon habituelle
de l a . charpente avec 1 édifice , des os
avec l’apparence de ces o s , des mufcles de la
première & de la fécondé couche avec les et-
fets qu’ ils produifent extérieurement, foit dans
leur état tranquille, foit lorfqu’ ils font nus en
aélion par le fimple mouvement ou par les pal-
fions-, que ces études, dis-je , font le fondement
de l’ art de dejjiner & de l’art dé peindre.
Lorfque l’artifte fera parvenu a bien deffiner
un heure nue , il s’étudiera à la draper, Sr la
même attention qu’on lui a fait avoir de ne
jamais deffiner la peau, fans fe reprelenter ce
qui eft deffous, lui prefcrira l’obligation de
ne jamais deffiner une draperie , fans avoir ,
pour ainfi-dire, fous les yeux , les parties du
corps qu’ elle couvre ou qu’ elle enveloppe.
L ’éléve que je hafarde de conduire paffera enfin
à afiembler pîufieurs objets , pîufieurs corps ,
c’ eft-à-dire , à les groupper*, à les compoler -,
& c’ eft alors qu’après avoir paffe par une route
difficile , il commencera à appercevoir, s il rai-
fonne fur fon art ou s’ il eft bien | inftruit,
l ’ immenfe carrière qu’ il a a parcourir , c el -
à-dire les loix auxquelles l’affervit le clair-
obfcur, l’harmonie colorée, l’ unité de- compo-
fition & d’ intérêt -, enfin l’expreffion q u i, fondée
fur une étude continuelle de la nature fpin-
tiielle , exige le fecours du génie,
Ce n’ eft plus ici le lieu de continuer cette
inftruétion qui deviendroit trop étendue , &
qui embrafferoit les parties de Tart auxquelles
l ’ ordre alphabétique affigne d’autres places. Je
reviendrai, donc fur mes pas avec le jeune
deffînateur , pour lui communiquer encore
quelques, obfervations qui tiennent aux premières,
notions. j r
Je viens de faire envifager jufqu ici le dej-
fîn comme ayant pour but d’ imiter les contours
mouvemens, variés à l ’infini. Les parties dont
ils font compofés diffèrent des nôtres par les
formes, par les proportions, par les jointures,
par les articulations. I l eft donc néceffaire qu un
deffînateur faffe fur eux des études, & fur-tout
d’après ceux des' animaux qui fe trouvent plus
ordinairement liés avec les u là g es 8c les aèhons
ordinaires des hommes, du avec les objets
qu’ il fe deftine plus particulièrement a traiter.
8c les formes du corps humain, parce
- qlie c’ eft en effet dans l’ art de la peinture fbn
objet le plus noble, le plus difficile & le
plus intéreffant; que d’ailleurs celui qui le
remplit fe trouve avoir acquis une facilite extrême
à imiter îes-afitres objets : cependant
Rien de plus ordinaire aux peintres ou deffi-
nateurs d’hiftoire que l’obligation de repré- •
Tenter des chevaux. Que de chofes ne trouve-
t-on pas fouvent à defirer fur cet objet dans
leurs ouvrages î II eft à l'ouhaiter que les
jeunes artiftes apprennent à en connoître 1 anatomie
pîufieurs de, ces autres objets demandent des
études particulières, 8c une habitude acquife
pour les^repréfenter avec jûfteffe.
Les animaux exigent un foin particulier fi
l’ on veut parvenir à les deffiner correctement,
avec là grâce & le caraCtère particulier dont
chacun creux ,eft fufceptible. Ce font des etres
animés , fujets à des pallions, & capables de
, comme ils ont appris celle dç l’homme
qui leur eft néceffaire •, ils rifquepont moins
de bleffer la vérité dans les repréfentations
qu’ ils en font, & qu’ ils regardent trop fouvent
comme peu importantes.
Le payfage eft une autre partie, d autant
plus effentielle à étudier & à raifonner qu il elt
indifpenfable de mêler des conventions a la
vérité de la nature. Car il eft dans le payfage
des objets fi difproportionnés à la grandeur
de l’ imitation, qu’ il n’ eft plus poflible
de fuivre la nature avec la régularité qui
peut avoir lieu dans l’imitation de l’ iiomme.
J ’aurois pu faire cette obfervation, meme en
parlant des animaux ; mais elle eft ici plus
fenfible & plus inconteftable. On a peu ob-
fervé jufqu’ ici ce que cette différence, ou
l’ impofîibilité de rendre les objets imités dans les
proportions ou dimenfions des objets naturels ,
occafionne dans le fyftême de l’imitation ; mais
qu’on réfléchiffe que jamais arbre n’ ayant pu
être imité de fa grandeur naturelle, comme un
corps humain , ,on a été conduit a n’ imiter
exaélement que les maffes d’ombres & de lumière
, & les formes générales , en désignant
par quelques détails , artiftement 8c difcrete-
ment placés , les détails des feu ille s , des bran- •
ch es: , & c . On fentira alors qu’ il a dû réfulter
de-là une différence dans le fyftême d’imitation
dont il faut que le jeune deffnateur prenne
. connoiffance, 8c qu’ il fâche enfuite étendre
avec intelligence à tous les objets qui fe
trouvent dans le même cas , ou à ceux donc
il èxécute une imitation dans des proportions
moins grandes.
J ’ en refterai là fur cette théorie qui feule
feroit la matière d’ un ouvrage confidérable ,
mais qu’ il eft indifpenfable de reftreindre ,
relativement à la forme de dictionnaire. J ’ajouterai
feulement qu’on fe fert de différens moyens
pour deffiner , qui ont tous des avantages particuliers
, lorfqu’ils font habilement employés.
La manière la plus généralement ufitée eft
celle que j’ ai décrite, c’ eft-à-dire , celle d’ employer
la fanguine , foit pour former le trait