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& avec un infiniment qu’ on nomme ébau-
choir.
Les fait-on en cire? le procédé eft le même ,
quoique plus difficile, parce que la cire eft
moins maniable. On préparera cire en y'mé-
la n t , par chaque livre une demi - livre d?arcan-
çon ou colophone, & quelquefois de la téré-
bentine., & en faifant fondre le tout avec de
l ’huile d’olive. On mêle plus ou moins d’ h uile ,
fuivant qu’ on veut rendre la cire plus ou moins
maniable. Pour rendre plus agréable la couleur
de ce mélange, on y fait entrer un peu de
brun-rouge ou de vermillon.
On fait aufii, avec de la cire blanche., de
fort petits bas-;, re lie fs; en. manière de camées
fur des fonds d’ardoife , d’ébene 8cc. On a traité:
le portrait dans cette manièreirqui eft , par rapport
aux grands modèles, ce que les defiins
de Labelle ou de le Clerc font par rapport aux |
cartons de Raphaël ou de Jules-Romain. En
général, dans tous les arts qui tiennent au dëf-.
fin , les ouvrages en petit compofent un genre,
inférieur -, mais , quand on y réuffit, il n’ eft-
pas méprifable..
Les modèles des figures colloflales deftinées à
être fondues en bronze , fe font de plâtre.
Nous avons dit ailleurs combien il eft utile
aux peintres de favoir modeler, & nous avons
appuyé cette opinion de la pratique de plufieurs
grands maîtres. Un modèle vivant, ne peut fe
pofer volant en l ’air ou aflis fur des, nuages;
mais on petit placer une figure qu’on a modelée
dans toutes les pofitions dont on a befoin.,-la
retourner, la changer de place , 8c étudier celle
où elle fe compofe le mieux. On peut modeler
toutes les figures qui doivent entrer dans la
compofition & même quelques-uns des principaux
accelfoires , & en changer la difpofition &
^ordonnance jufqu’à. ce qu’on foit fatisfait.,
Comme les fculpteurs préfèrent ordinairement,
la te r re , les peintres devront fouvent préférer
la cire pour modeler leurs: petites figurés , parce
qu’ ils relieront maîtres de changer à ieur gré,
le s mouvemens de quelques parties en les pétrif-
fant de nouveau, au liéu que la terre ne peut
plus fe manier, quand une fois elle eft fèche.
MOELLEUX ( â d j.) Cette épitfiete énergique
fait l’ éloge du talent auquel on l’applique.
C’eft par ce’mot que nous avons traduit en fran-
eois, le morbido des Italiens ; car , on .fait .que
chez eux l’ art avoit fon lang ag e , avant que
nous le connufl^ons. •
Qui dit moëüeufx, dît doux & agréable quelque
foit l’ objet auquel on Fattribue A in fi, en
peinture, en fculpture, & en gravure, le moelleux
eft un moyen qui contribue à exprimer le
gracieux , & même la beauté.
Cette qualité n’eft gueie applicable qu’aux
opérations de la main > & jamais à ce qui tient
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à l’ invention, ni atout ce qui dépend Je l ’efprît*
Àinfi on ne dira pas d’ une compofition, d’une
attitude, ni d’une expreffion , quelles font mo 'èl-
leufes ; mais on dit : ce tableau eft d’ un pinceau
moelleux ; ce fculpteur à une manière mo 'ëlleufe ;
dans cette eftampe les chairsfont môèlleufes, &c .
, Entreprendre de rendre par la parole, tout ce
qûi s’ entend dans les arts, par moelleux , feroic
un grand tra v a il, & en même temps un travail
inutile. L ’ examen d’ un ouvrage fec, net, ou éxé*
cjité avec fermeté , à côté d’ un autre qui fera
; rendu d’une manière mçëlleufe , en apprendra
plus en un clin d’oeil, qu’un volume d’écriture.
Bornons-nous donc à faire fentir de notre
mieux ce que c’ eft qu’ un ouvrage moelleux^ en
lui oppofant ce qui ne l’qft abfolument pas,
afin de montrer avec un peu de préçifion quelles
font nos idées fur ce point de pratique.*
Le pinceau excefiivement fondu oc vaporeux
eft l ’excès _du moelleux ; ainfi Grimou, ni le
■ Cavalier Liberi n’ont pas poffedé ce .mérite.
L’éxecution molle & indécife eft le; défaut de
ceux q u i, cherchant le moelleux, n’ont pas
a fiez de favoir pour, confer ver la juftefie , ou
aumoins-la décifion nécefiaire à l’ exprefiion
des formes.
Ce qu’on nomme en peinture le fo n du , ; n’ eft
pas toujours le moelleux. Le Guide , & Arinibal
Carrache, ont bien fondu leurs couleurs; Louis
Carrache,, le Parmefan & fur-tout le Correge
ont été moelleux.
En fculpture , le Flamand , le Bernin, & le
Puget opt exécuté moelleufement. Nous necon-
noifions pas d’ouvrages antiques dans lefquels
on rencontre cet agrément; on peut en donner
la raifon. Le moelleux eft un mérite qui tient
à la manière de faire; le favoir profond s’occupe
moins de la façon dont il éxécute, que
, d’ exprimer fortement ce qu’ il vo it, ce qu’ il
ife n t j on ne,peut donc guère trouver le moël-
' le u x , tout aimable qu’ il e f t , dans les ouvrages
antiques. Ces premiers maîtres de l ’art ont bien,
i fu faire tout jufqu’à la grâce, fans s’occuper des
charmes ..de l’ exécution: au lieu que la trop
grande: recherche , l’ eftime exceflive de la
manière agréable tendent à l’éloignement du
fublime, 8c même à la chûte d e .l’art.
. George Mantouan, & Marcf-Âmoine n’ ont
, pas fait des eftampes maelleufes comme Pon-
tius, .les Nanteuijs, les.Méfions, & beaucoup
d’autres; mais ils, ont lu parleurs connoifian-
ces dans, les formes, rendre les traits fublimes
de Raphaël, & .mêm.e de Michel-Ange.
Quoi I s’écriera-t’on , ce mo'élleux fi vanté, fi
féduifant feroit incompatible avec le grand
ftyle? vaine exclamation que ne ferap.as celui
qui fait en quoi confifte le fublime. ( Article de
M. Robin..')
» M ® v r s ( fu b ft.fem .) La loi qu’Horace, &
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avant lui A r ifto te , & avant eux la raifon a-
voit portée pour les Poetes, doit être obfervee
par les peintres: fervandi funt tibi mores, ( il
faut obferver les moeurs. )
I l eft permis de fe tromper, & même de prendre
qnelqu.es licences fur certains détails du cof-
tume. Ce feroit une févèrité pédantefque de faire
à un artifte de durs reproches , parce que , dans
un tableau repréfentant quelque fujet de l’ antiquité
, il auroit peint une forme d’ habit, de
cafque, de quelqu’ uftenfile dont on ne trou-
veroit pas le modèle fur les bas-reliefs ou les
médailles : mais le peintre & le ftatuaire doivent
connoître les moeurs 8c les ufages du temps,
du pays où s’eft paflee l’a&ion qu’ ils repréfen-
tent. Une femme de l’ Ionie aura des grâces
voluptueufes ; une femme dè Sparte, l’audace
d’un courage v ir il. I l faut qu’on reconnoifle
qu’ elle feroit capable'de dire à fon fils partant
pour le combat : reviens avec ce bouclier, ou fu r
ce bouclier: parce que c’étoit une infamie de
perdre cette arme, 8c parce que c’etoit fur'
leur bouclier qu’on rapportoit les morts.
Les hommes même médiocrement inftruits
lavent à peu près dans quels temps , & chez
quels peuples ont brillé les richefies, le fafte ,
les arts de luxe. Le peintre ne peut donc les
tromper, 8c ne fait que dévoiler fcn ignorance,
quand il luppofe le luxe & la richefle
dans un fiécle ou chez un peuple pauvre. C’ eft
une faute fouvent d’autant moins pardonnable
'qu’elle eft commife volontairement : les peintres
croyent enrichir leurs tableaux en y prodiguant
l ’o r , la fo ie, les ornemens d’ un luxe recherché
, comme fi là riçhefie de l’art étoit la même
que celle des nations corrompues. Us ref-
femblent à ce peintre contemporain d’Apelles.,
qui faifoit Hélène rihhe , ne pouvant la faire
belle. Us couvriront d’ or un général lacédé-
monièn , dans les temps où les métaux précieux
étoient éxilés de Lacédémone. Us donneront
une épée d’or., un cafque d’or à Jafon, a
Théfée, tandis que même les rois qui aftifte-
rent au fiége de Troye n’ a voient que des épées;
enrichies de doux d’argent, 8c qu’une queue
de cheval faifoit l’ ornement de leur cafque :
ils décoreront de' colonnes corinthiennes la
maifon du fouverain de la pauvre Itaque,
quoique Callimaque, inventeur du chapiteau
corinthien , n’ait fleuri que dans la foixante &
quatrième olympiade environ 5^5 ans avant
notre ire . Us feront entrer la foie dans les
habits des auftères patriciens de l ’ancienne
Rome, tandis que les F.omains , long-temps
pauvres , ne purent connoître l*a foie qu’ apres
avoir fait des conquêtes dans l’Orient. Les moeurs
font la grande partie du coftume ; celle que
jamais il n’eft permis de négliger.
C’ eft encore aux moeurs que fe rapporte l’ex-
pteflion,,parce qu’il eft effentieliemenü dans les
m o l m
I moeurs, que les traits 8c les mouvemens des
hommes, s’ accordent avec les aélions dont ils
font occupés , avec les affeélions qu’ils éprouvent.
I l eft également dans les moeurs que
l’habit, le maintien répondent à l’ ufag e , au
fè x e , à la dignité, aux fondions des perfonnes,
& quelquefois même aux circonftances où elles
fe trouvent.
Si l’artifté doit obferver les moeurs, il ne doit
pas moins refpeder les bonnes-moeurs. Manquer
au premier précepte, c’eft ne montier que de
la négligence ou de l’ ignorance.; enfreindre
le fécond, c’ eft manifefter un coeur corrompu ,
une âme inférieure a la dignité de 1 art. On répondra
que cependant des artiftes refpedés,
Miche l-A nge , Jules-Romain,, ont fouillé leurs
pinceaux pour des peintures obeenes , & nous
ferons obligés d’en faire le trifte aveu : mais
la fâgefie pittorefque de Raphaël, du Pouffin ,
de Rubens eft toujours reftée fans reproche.
Dailleurs, il ne faut pas confondre l’égarement
paffager de quelques hommes célébrés,
' avec le choix de quelques artiftes^ a v ilis , qui
femblent avoir eu pour objet principal de leur
art le defiein de corrompre les moeurs ou d’ en
confacrer la corruption. On ne peut heureufe-
ment faire aujourd’hui ce reproche qu’à quelques
ouvriers dans un des genres fubakernes
d e là peinture, qui trouvent d’autres ouvriers,
en gravure tonjours prêts à multiplier leurs mé-
prifables, productions. ( Article d eâ l. L e -
V E S Q U E . )
M O L & M O L L E S S E . Un tableau m o l,
un de(fn mol, une touche molle font des expreffion
s par leftjuelles on défaprouve.
L a molleJJe des chairs ; une certaine mollejfe-
dans le pinceau, dans les contours font des ex-
preffions par lefquelles on loue.
Comment rendre raifon de cés différens fens ?
ce qu’on peut remarquer, c’ eft que mol qui dé-
figne un défaut s’applique à des objets généraux,
& moÙeffe à des objets particuliers : un tableau
moly c’ eft à d ire , dont l’exécution eft molle y
suppofe dans celui qui l’ a fa it , un génie nonchalant,
un talent privé de relfort 8c de vigueur.
U en eft de même d’ un deflin. Quant à la touche
, comme elle eft le figne de l’exprefiion ,
de l’énergie & de l’ e fprit, la mollejfe ne doit &
ne peut lui convenir.
Venons à l’ idée de la mollejfe appliquée à des
objets particuliers de la peinture.
L a mollejfe des chairs, exprime une qualité
particulière, une douce fléxibilité qui caraâé -
rifo la chair des enfans 8c des femmes.
Une certaine molltjfe dans le pinceau revient
au molle atque facetum qu’Horace confidère
comme une perfeftion, & dans ce point, la manière
de peindre a quelque refiemblance avec
la manière d’écrire.