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Tons ou des bruits incohérens , & qui n’ont rien
d’harmonique. 11 y a une dégradation , plus
fine peut - être , dans les inflexions de la parole,
q u e dans celles de la mufique, parce qu’on
parle plus fou vent qu'on ne chante. Les Orat
e u r s , les Comédiens, les auteurs exercés à
l i r e l e u r s ouvrages, en démêlent les nuances,
comme l e peintre celles qui établirent l’harmonie
d e leurs ouvrages par la fonte des couleurs.
Je n’ ajouterai à tout ce que je viens de dire
qu’ une dernière obfçrvation.
Si vous fo n d e \ trop pour reffembler mieux
à la nature, vous rifquez de tomber dans la
moHeffe qu’ elle n’a point ; car la nature offre
dans l’enfemble de tous les objets une perfection
inimitable : f i vous ne fo nde\ pas affez,
vous pourrez, il eft v r a i, donner en apparence
une certaine force à voire coloris -, mais il n’offrira
pas cette douce 8c néceffaire harmonie
que préfente le tableau de la nature. (Article
de M • )
FO N T E , (fub ft. fém. ) Ce mot appartient,
ainfi que le verbe fo n d r e , à l ’art du ftatuairé
lorfque les modèles de cet artifte doivent être
exécutés en bronze. Frondre une ftatue. Un
accident confidérable a obligé de fondre à deux
fois la ftatue équeftre de Bordeaux. Les fta-
tues antiques font d’u-ne belle fonte, la. fonte
de la ftatue équeftre de Bouchardon n’ a pas été
aufli heureufe qu’ un tel chef-d’oeuvre l’auroit
fait defirer.
P lin e , dans le 34e livre de fon hiftoîre de
la nature, 'nous a fait connoître les plus beaux
bronzes employés par les anciens , & leurs dif-
férens mélanges : il auroit été plus a defirer
qu’ il nous eût tranfinis les procédés des anciens
dans la fonte des ftatuçs. Son filence ,
& celui de tous les auteurs Grées & Romains,
dont les écrits nous font parvenus, a fait perdre
un art que les modernes ont été obligés de
créer de nouveau. N
Mais f i les procédés des anciens ont été perdus
, pjufieùrs de leurs ouvrages en bronze
ont été confervés , & rendent témoignage à
lèur habileté dans l’art de la fonte.
La fonte de la ftatue équeftre 8c colloffale
de Marc - Aurele a été fi heureufe , que les
«ifeleurs n’ ont eu à réparer que les places des
fets 8c des évents : le refte eft venu aufli pur
.que pouvoient l’ être les cires de l’artifte. L’épaiffeur
de la fonte eft par-tout é g a ie , & ne
furpaffe pas celle d’ un écu. Cet examen a été
fait par Sandrart 8c par François Duquèfnoy,
fi célèbre entre lés fculpteurs, fous le nom de
François Flamand.
A une lieue de la H a y e , dans un village
nommé Voorbourg, 8c qui , du tems des Romains,
fe* nojnmoit Forum A d r iu n î, a été dé-
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couverte une ftatue antique, qu’on n’a pas en~
core fait les frais de déterrer, quoiqu’elle ne
foit enfevelie que de huit pieas. Une main
de cette ftatue'en étoit détachée; elle a été envoyée
à Péterfboürg à M. F a l conet ; fi elle
étoit étendue, elle auroit un pied de long* ce
qui fnppofe une figure de neuf pieds ; elle
♦ n’a qu’ une ligne d’ épaiffeur, & eft de la plus
belle fonte. Le comte de Caylus poflëdoit un
pied colloffal de bronze antique, long de près
de deux pieds, en comptant le talon qui man-
iquoit ; la fonte étoit de deux lignes d’épaiffeur
; c’eft le double de celle de M arc-Aure
le , & de la ftatue découverte à Voorbourg ;
mais c’ eft bien- peu çn comparaifon de l ’épaiffeur
que les modernes donnent à leuts
fontes• D’ailleurs la fonte n’étoit peut-être pas
d’une égale épaiffeur dans toute la figu re , 8c
l’on pouvoit avoir donné plus de force au pied,
parce que c’étoit une partie portante. U n grand
nombre de bronzes antiques , répandus en E u rope,
témoignent la même intelligence de la
part des anciens fondeurs.
Les fondeurs modernes n’ont donc pas retrouvé
toute la perfeélion de l’art antique,
puifqu’ ils ne favent fondre qud très - épais.
Comme les anciens exécutoient en bronze des
collofles de cent & cent-vingt pieds de hauteur
, ils avoient bien été obligés de trouver
des moyens de rendre leur s fontes légères.
On defireroit favoir fi les fontes de ces
énormes ouvrages fe faifoient d’ un feul jet ou
par a flife s j c’ eft encore un point fur lequel
les anciens auteurs n’ont pas latisfait notre
curiofité.
M. Falconet, à qui deux grandes fontes ,
qu’ il a exécutées , 8c une autre dont il a été“
témoin , ont donné une grande expérience , eft
perfuadé qu’il n’eft rien moins qu’impoflible de
fondre d’ un feul jet des collofles tde plus de eenc
pieds. » Quand le modèle d’ une ftatue qui doit
» être de bronze eft fa it, on pôle au bas , d it- il,
» un fort chafïis de charpente qui fert à porter
» le moule de plâtre ; il fert également à le
» remonter fur la place où doit être fondue la
» ftatue. Si par derrière le modèle, que je fup-
* pofe de cent pieds1, on élève d?à plomb ce
y> même chafïis, que le n\pule s’y joigne dans
» toute fa hauteur, &r qu’enfuite il foit' re-
» monté fur le chafïis pofe horizontalement ,
» la hauteur ainfi dilpofee ne fera plus que dG,
>i vingt-cinq ou trente pieds, félon fon épaif-
.1» feur, ( je fiippofe une figure pédeftre ) 8c U
» longueur fera de' plus de cent pieds en y
» comprenant l’épaiffeur du moule. Comment
» faire parcourir au bronze cette étendue? La
» difficulté n eferoit pasinfurmontable. On confe
truiroit deux, fourneaux , trois s’il le falloir ;
» le métal au même degré de fufion, les fpur-
» neaux parriroient enfetable , & la ftatue fe-‘
rote
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* roit tout aufli bien fondue que fi elle n’ avoit
» que vingt - cinq ou trente pieds ». Les per-
fonnes qui n’ont pas même la plus légère idée
des fo n t e s , fendront ce qu’on gagneroit à cet
égard en couchant le moule au lieu de le tenir
debout.
On feroit tenté de croire que la plus ou moins
grande épaiffeur des fontes eft indifférente
pourvu qu’elles donnent une belle empreinte.
Cependant on ne niera pas que ce ne foit un
avantage d’ épargner du métal & de diminuer
les forces néceffaires pour remuer un coloffe.
Mais fi un ouvrage coloffal a des parties confi-
dérables qui s’avancent fans avoir d’appui , il
eft alors bien effentiel que ces parties foient
légères , puifque leur poids menaceroit le monument
de fa chute. Dans la ftatue équeftre &
colloffale de Péterfboürg , la machine entière
n’ a d’appui que les pieds de derrière du che-
- val -, il étoit donc très-eflentiel que les parties
antérieures du monument fuffent tenues d’ nne
grande légèreté. Cette néceflité a engagé l’artifte
à ne pas fuivre la pratique générale des
modernes , 8c à donner au devant de fa fonte
une légèreté qui n’avoit été connue que des
anciens.
Comme nos ftatuaires abandonnent à des ouvriers
fondeurs le foin de jetter en bronze les
ouvrages dont ils ont fait les modèles, il femble
que l’article fonte devroit, dans l’ Encyclopédie
méthodique , appartenir au Dictionnaire des
a n s méchaniques. Mais il appartient en effet au
Dictionnaire des F é a u x -A r t s , parce qu’ il eft
très-néceffaire que les ftatuaires fâchent diriger
leurs fondeurs , & parce qu’ ils peuvent fe trouver
dans des circonftances qui les engagent à
fondre eux-mêmes. Les anciens dirigeoient les
fontes de leurs ouvrages ; Pline & Paufanias
ne nous permettent pas d’en douter. Leur exemple
futfuivi parla plûpart des fculpteurs Italiens ;
long-temps même les grands artiftes de l’ Italie
furent à la fois fculpteurs , fondeurs, peintres
& architeéles. En Franc e , Desjardins fondit
lui-même le monument de la place des V ic toires.
Si l’ auteur de la ftatue équeftre de Péters-
bourg, M. Falconet, s’ en étoit remisa la routine
d’un fondeur , il fe feroit vu contraint de renoncer
à la compofition de fon ouvrage, puifqu’il
n’auroit pu être exécuté dans toute l’ épaiffeur
que les fculpteurs modernes donnent a leurs
fontes.
Les détails de la fonte appartenant à la manoeuvre
de» arts plutôt qu’à leur théorie , nous
les renverrons au Diélionnaire deftiné à traiter
<Je fa pratique -, mais nous croyons devoir en
donner au moins ici une idée légère aux lecteurs
dont les procédés de cec art peuvent exciter
la curiofité.
I l eft néceffa»re que l ’attelier foit fpacieux,
F eaux-A ns. Tome X.
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puifqu’ il doit co.ntenir le fourneau 8c le moule
qui recevra le métal en fufion : il faut d’a illeurs
qu'un grand nombre d’ouvriers y puiflène
travailler à la fois fans fe gêner mutuellement.
On enfévelit ordinairement le moule dans
une folle profonde ; & comme on doit craindre
l ’inondation & même toute efpèce d’humidité ,
on choifit pour la creufer un.terrein élevé. Cependant
, au lieu de creufer une foffe , on peut
cqnftruire le fourneau de manière qu’ il dorrrne
le moule. C’ eft ainfi qu’a été exécutée la fonte
de la ftatue équeftre de Girardon , & le terre m
marécageux de Péterfboürg a obligé d’opérer
de même pour la ftatue équeftre de Pierre I .
L’ auteur de ce monument, trouve de grands
avantages dans ce procédé, 8c attribue l’ufage
de s’enterrer dans une foffe étroite 8c profonde
à la routine des fondeurs d’artillerie.
La chauffe & le fourneau font conftruits en
briques. On choifit pour les parties les plus ex-
pofées à la grande ardeur du feu des briques
qui foient difficiles à fe vitrifier, & au lieu de
les maçonner avec du mortier , on les gâche
avec laterre même dont l'ont faites ces briques.
Après la conftruétion du fourneau , on lui
donne le recuit y ce qui fe fait en le remplX-
fant de briquaillons, c’eft-à-dire de briques
caffées, 8c en faifant dans la chauffe un feu
égal à celui qui fera employé pour la fonte du
métal.
Cependant le ftatuaire a fait en plâtre le
modèle de fa ftatue telle qu’elle doit être en
bronze. La deftination de ce modèle eft d’ être
moulé pour fournir le creux qui fera rempli par
la matière en fufion* On commence donc par
le moule en plâtre, & tout ce qui eft en relief
dans le modele eft en creux dans le moule. Il
peut être ccnfidéré comme un cachet q u i, gravé
en c reux , donne en re lie f fon empreinte
fur la cire. Ce moule eft conftruit par pièces
détachées qui peuvent fe féparer & fe réunir;
un fort chafïis de bois de chêne lui fert de
bafe. Pour que le plâtre du moule ne fe colle
pas a celui du modèle, on enduit celui - ci
d’huile d’oeillet, qu’on y applique au pinceau.
Le moule f in i, & toutes les pièces exactement
numérotées pour être facilement reconnues
dans la fuite, on les démonte.
Mais le bronze de la ftatue ne doit pas être
mafîif-, il lie doit avoir qu’ une épaiffeu r déterminée,
& il eft même bon que cette épaiffeur
foit aufli légère qu’ il eft poflible. Il faudra donc,
avant de procéder à la fonte , établir un noyau
qui rempliffe la cavité du moule en laiffant
feulement entre lui & ce moule un vuide égal
à l ’épaiffeur que doit avoir le bronze. C’eft par
le moyen de cires appliquées au moule de plâtre
qu’on ménage ce vuide. Elles feront fondues
quand le noyau & le fécond moule , qui doit
recevoir le mé tal, & qu’on appelle moule do
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