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la préférence eft due à celui des moyens dont
l’emploi eft plus facile & plus prompt, parce
que l’ efpcit perd toujours de l'on feu par la
lenteur des moyens dont il eft obligé de fe
le rvir pour exprimer• & fixer tes conceptions.
fde jfo fflk eft donc ici la première idée d’ un
fu jet de peinture. L’artiftequi veut le créer, &
.dans l’imagination duquel ce tu jet fe montre
fous différens a fjreâs, rifque d e vo ir s’ évanouir
des formes qui le préfentent eh trop grand
nombre, s’ il ne les fixe par des traits quripuiffent
lui en rappeller le fouvenir. Pour parvenir à
fuivre le rapide effor de ton génie , il ne s’occupe
point à furmonter les difficultés que la
pratique de fon art lui oppofe tans celle : fa
main agit , pou£ ainfi dire , théoriquement ;
e lle trace des lignes auxquelles l’habitude de
delfiner donne à-peu-près les formes néceffaires
pour y reconnoître les objets. L’ imagination ,
maîtreffe abfolue de cet ouvrage, ne fouffre
qidimpatiemment le plus petit rafenriffemen^I
dans fa produétion. C’eft cette rapidité d’exé-!
cution qui eft le principe du feu qi^’on voit;
brille r dans les efquijfes des peintres de génie.
On y reconnoît l’ empreinte du mouvement de
leur ame -, on en calcule la force & la fécondité.
S’il eft aifë de fentir par ce que je viens.-
de d ire , qu’ il n’ eft pas plus poftible de donner?
des principes pour faire de belles efquijfes que;
pour avoir un beau g énie, on doit en inférer;
aulïï que rien ne peut être plus avantageux pour
échauffer les artiftes 8c pour les formef, que
d’étudier-ces fortes de deffins des grands maî:re3
8c fu r-tout de ceux qui ont réufii dans1 la partie
de la compofition.
Mais pour tirer de cette étude un avantage
Solide , il faut, lorfqu’on eft à portée de le faire,
comparer enfemble les differentes efqnijj'es que
les célèbresartiftesont fait fe fvir de préparation
à leurs ouvrages. I l eft rare qu’un peintre de
génie fe foit borné à une feule idée pour une
compofition. Si quelquefois la première a l’ avantage
d’être plus chaude & plus brillante ,
■ elle eft fujette aufii à des défauts inféparables
de la rapidité avec laquelle elle a été conçue ;
Vefquijfe qui fuivra ce premier deftin oftrira les
effets d’ une imagination déjà modérée. Les autres
marqueront enfin la route que le jugement
de l’ artifte a fuivie & que le jeune élève a
intérêt de découvrir. S i , après ce développement
d’ idées que fourniff’eht differentes efqüijfes tfun
grand maître, on examine les études particulières
qu’ il a faites fur la nature pour chaque
fig u re , pour chaque membre, pour le nud de
ces figure s, & enfin pour leurs draperies, on
découvrira la marche entière du génie & ce
qu’ on peut appeller l’ efprit de l’art. C’ eft ainfi
que les brouillons d’ un auteur célèbre pourraient
fou vent , mieux que des traités, montrer dans
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l’ éloquence & dans la poéfie les routes naturelles
qui conduifent à la perfection.
Pour terminer la fuite d’études & de réflexions
que' je viens d’ indiquer, il eft enfin néceffaire
de comparer avec le tableau fini tout ce que
le peintre a produit pour parvenir à -le rendre
partait. V oilà les fruits qu’ on peut retirer, comme
artifte , de l’ examen raifonné des efquijfes des
grands maîtres On peut aufii, comme amateur,
trouver dans cet examen une fource intariffable
de réflexions différentes fur le caractère des art
ifte s , fur leur manière & fur une infinité de
faits particuliers qui les regardent. On y voit
quelquefois, par exemple , dès preuves de la
gêne que leur ont impofée les perfonnes qui
les ont employés , 8c qui les ont forcés à abandonner
des idées raifonnables pour y fubftituer
des idees abfurdes. La fuperftition ou l’orgueil
des princes 8c des particuliers ont fonvent prod
u i t , par la main des a rtifte s, de ces fruits
. extravagans dont il ferait injufte d’ accufer
ceux qui les ont fait paraître. Dans plufietirs
compofitions, l’artifte , pour fa juftificarion,
auroit dû écrire au bas : » J a i exécuté; tel
» Prince a ordonné. « Les connoiflèurs & la
poftérité feraient alors en état de rendre à chacun
ce qui lui feroit dû , & de pardonner au génie
luttant contre la fottife.
Les efquijfes peuvent fuppléer à l’ infeription
que nous demandons. L’on y retrouve quelquefois
la compofition fimple & convenable d’ un
tableau dans l’ exécution duquel on a été fàefi,é
de trouver des figures allégoriques, difparates,
ou des affemblages d’ objets qui li’étoient pas
faits pour fe trouver enfemble. Lé tableau dè
Raphaël qui repréfente A ttila , dont les projets
font fufpendus par l’apparition des Apôtres faint
Pierre 8c faint P a u l, en eft un exemple. I l eft
peu de perfonnes qui ne fâchent que dans l’execution
de ce tableau , qui eft à Rome , au lieu
de faint Léon, Léon X en habits pontificaux
accompagné d’ un cortège nombreux, fait la
principale partie de la compofition. „Un deffin
du cabinet du Roi difculpe .Raphaël de cette
fe rv ile & baffe flatterie ,_ pour laquelle & la
grandeur du miracle,& la convenance du fu je t,
& le cojîume, 8c les beautés de l’art même ont
été facrifiés.
Le deffin repréfente une première idée de
Raphaël fur ce tu jet 9 qui étoit digne de lui. I l
n’y eft point queftion de Léon X , de fa reffem-
blance ni de fon cortège. Saint Léon même n’y
paraît que dans l’éloignement -, l ’aÛion d’ Attila
l’effét que produit fur lui & fur les foldats qui
l’accompagnent, l ’apparition des Apôtres eft
l’objet principal de fon ordonnance, & la pafi.
fion intéreffante qu’ il fe propofoit d’exprimer.
Mais c’ en eft affez, ce me femble, pour indiquer
les avantages qu’on peut tirer de l’étude
& de l ’ examen des efquijfes : il me re lié à faire
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quelques réflexions fur les dangers que.préparent
aux jeunes artiftes les attraits de ce genre de
compofition. ' ■
La marche'ordinaire de l’art de ïa peinture
:eft: te lle 'que lè"tcmps de la’ jèuneflè j qui doit
être deftihé É71 ’ ex etc i ce ' fréquent des parties de
•Jâ1 Ipiàtiqiie de l’ art , eft celui dahs- lequel -il
femble qu’on foit plus-porté, iaux charmes Oui
hàiffënt de la partie de l’ëfprit. C’eft ën effet
pendant le cours de cet âge que l’imagination
« ’échauffe aifement. C’ eft la iàifon. de l’ enthou-
fiàfme , c’ eft le. moment où l’on eft impatient
dé produire y enfin c’ eft l’âge;de i éfquijfes ; aufii
rien dé plus ordinaire ’dans ies jeunes élèves,
que le defir & la ’facilîté de produire desefquij/es
de compofition y & r ien ’ de fi dangereux pour
eiix que dé f e ’ livrer avec trop d'ardeur a cë
penchant. L ’ indécifion dans l’ordonnance, l’in-
correélion dans le deffin , i’ averfion de termin
e r , en font ordinairement la fu ite , 8c le
danger eft d’ autant plus grand, qu’on eft. pref-
que certâin de ftdüire par ce génrë de compofition
lib re , dans lequel le fpeélateur exige
peu 8c fe charge d’ajouter à l’ aide de fon imagination
tout ç ë qui y manque. Il arrive de-là
que les défauts prennent le nom de beautés*.
En effet que le trair par lequel on indique les
figures d’une xfquiJJ'e foit outré-, on y croit
demêler une intention hardie & uqe expreflîon
mâle i que l’ordonnancé foit cerifufe 8c ch"a*rgéë,
on s’ imagine y voir briller le feu d’ une imagination
féconde & intariffable. Qu’ arrive-t-il
de ces préfages trompeurs ou mal expliqués’
l’ un dans l’ execution finieoffie des figures eftro-
piées, des expreffions exagérées ; l’autre ne peut
fortir du laibyrinthe dans lequel il s'eft embar-
raffé : le tableau ne péut plus contenir dans fon
vafte champ le nombre d’objets que Yefquijfe
promettait Tous lés artiftes , réduits à fe borner
au talent de faire des efqw jfe s, n’ont pas
les talens qui ©fit acquis à la Fag e & au Par-
snefan une réputation dans ce genre.;
L’artifte ne doit donc faire qu’ un ufage jufte
8c modéré des efquijfes : elles ne doivent être
pour lui qu’un lècours pour fixer les idées qu’ il
conçoit, quand ces idées le méritent. I l doit fe
précautionner contre la féduélion des idées nom*
fireufes , vagues & peu râifonriées que prefentènt
ordinairement les efquijfes, & plus i l ’ s’ eft
permis d’ indépendance en ne fe re fu fan t rien
de ce qui s’ eft préfentê à fon e fp r i t ,' plus Ml
doit faire un examen rigoureux de ces productions
libertines lorfqufil veut arrêter fa compo-
fition. C’ eft par les règles de cette partie de la
peinture , c’ efl - à - dire par les préceptes de la
compofition & au tribunal de la râifoh &: du
jugement, qu’ il verra terminer les indécifions
de l’ amour-propre & qu’ il pourra décider du
ju fte mérite de fes efquijfes, ( Article de M -
JP ^A T Z lE T . )
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E STAM PE (fub ft. fém. ). Ce mot défigne,
comme le mot Epreuve , le produit d’ une planche
gravée , & cependant ces deux mots ne
font .pas fynonymes. Epreuve eft relative à
la planche d’ où- elle tirée ou à d’autres Epreuves
auxquelles on la'compare : on dit , j ’ài une
belle Epreuve de telle planche j cette Epreuve-
ci eft plus belle que c elle -là. Le mot ejlampe
eft ordinairement pris dans un fens abfolu ;
voilà une belle ejlampe : ou il eft relatif au
tableau d’ après lequel Vejlampe a été. faite ; il
y a une belle ejlampe de la Magdelaine pénitente
de le Brum
Qn dit , j’ai de belles ejlqmpes ; on ne dira
pas , j’ ai de belles épreuves , à moins qu’on
n’ajoute de, quelle planche.
Le mot ejla.mpe appartient également aux
produits de la gravure à l’ eau-forte, au burin,
a la manière noire, à la manière du crayon,
>du la v is , & c .
• L’art de graver en ejlampe s e ft , après celui
de l ’ imprimerie , le plus utile au progrès du
g oû t, des fciences & des arts. L’Encyclopédie,
par exemple , ne s’exprimeroit qu’obfcurément
fur les procédés des arts dont elle donne la
defciiption, fi elle n’éclairciffoit pas ces def-
criptions par le fecours des ejlampes dont elle
eft accompagnée.
On peut nous décrire les traits, lesvêtemens,
l’indultrie des différens peu oies du monde : mais
les voyageurs qui ont paieouru les diverfes
parties du globe ne fe feraient entendre :que
bien imparfaitement, fi des ejlampes né fervoient
pas d’ interprêtes à leurs récits.
C’ eft par le fécours des ejlampes qu’ un tableau,
une ftatue qui ne peut être que dans
une feule v i l le , fe trouve, en quelque forte,
répandue dans toute l’Europe. Le tableau de
la transfiguration de Raphaël, la ftatue deMoyfe
de, Michel-Ange,, font à Rome ; mais, par le
moyen des , l’Europe entière en connoît
la compofition , l’ exprefiion , & même en partie
le dellrn. Les originaux des antiques découvertes
à Hercularium font confervés à Naples ;
mais des ejlampes en ont rendu la connoiffance
familière à tous les curieux. On, vo it , fans fortir
d’ un cabinet de Péris ou dé Londres, tous les
tableaux de ƒ Italie, de la F landre, de la France,
ceux même qui ne font plus , toutes les ruines
de la Grèce 8c de Rome , ’tous les édifices remarquables
de l’Europe entière, les monumens
d e là Chiné 8c de l’ In d e , les villes de l ’Europe
8c de l’ A fie , les cabanes des Lapons, des
Tongoufes, les tentes des Kalmouks, les huttes
des fauvages de l’ Amérique. Toutes les plantes
tous les animaux de la terre , partent fous les
yeux d’ un homme qui n’a, jamais quitté fa ville
natale. La terre elle - même les mers & les
cieux font fidèlement Vep,refentes par des ejlamp
e s ; enfin tout ce que la vue peut faifir dans