
répondît qu’il aimeroit mieux fe couper te pouce,
que d’employer fa main contre l’honneur de
Ion fouverain & de fa patrie. Il mourut en
É|fj|J (35) A ntoine v an-Dyck,très-bon peintre d’hif-
toire, & le plus célèbre des peintres de portraits ,
né à Anvers en 1599, & mort dans la même
ville en 1641, a gravé à l’eau-forte avec-un fenti-
ment qu’on pourroit appeller de l’enthoufiafme.
Peu curieux de la propreté , ne recherchant pas
même ce qu’on appelle l’efprit de la pointe, il
animoit tout par une touche mâle & sûre. Sa
tête de Vorfterman, celles de François Franck
de Snellinx , de van Noort , femblent refpirer,
& ces eftampes , brutes & négligées , ont plus
de prix aux yeux d’un véri abîe ami des arts,
que des porte-feuilles entiers d’eftampes du
plus beau fini. Celle de Charles Mallery , terminée
(bus fes yeux par Vorfterman, eft toute
de chair.
(36) Claude Gelée dit l e L orrain , célèbre
peintre de payfage, né à Chamagne en
1600 y mort à Rome en 1682, a gravé avec le
même effet qu’il mettoit dans fes tableaux,
(37) B r e b ie t t e , qui flor-iffoit vers 1636,
étoit plein d’efprit dans fes compofitions, mais
il en mettoit moins dans le travail de fes gravures.
Il conl'erverdit une grande fupériorité
lur Gillot, s’il eût gravé d’une p'ointe aufii
agréable
( 3S ) Wencejlas H ollar , né à Prague en
1607 , mort à Londres en 16 7 7 , étoit d’ une.famille
noble, qui fut ruinée par la guerre. Wen-,
ceftas fe retira à Francfort où il fe perfectionna
dans la gravure par les leçons de'Mathieu Mé-
rian , graveur à l’ eau-forte qui mettoit plus de
génie dans fés compofitions que de goût & de
propreté dans fon travail. Hollar n’imita pas les
défauts de fon maître. I l fut donner à fes travaux
le ton l e plus flatteur 5 & l’on peut feulement
reprocher quelquefois de la roideur à
fes tailles. Sans imiter le burin, elles n’ont pas
tout le jeu propre à la pointe. I l les tenoit fort
ferrées , & par ce moyen , il parvenoit plus ai-
fément à un effet vigoureux & tranquille que
s’ il leur eût donné plus de largeur. I l excella
dans le talent d’ exprimer les poils fins des animaux
, les pelleteries , lés infe&es. I l a gravé
aufii des portraits eflimés, entr’autres celui
d’Albert Durer. (39) Etienne de la Be l l e , né à Florence
en 1610, mort en 1664, eft le prince des graveurs
en petit. comme G^ Audran eft celui des
gra eurs d’hiftoire. Il reçut, ainfi que Callot, les
leçons de Canra GalTna, peintre Florentin,
& furpafla fon maître & fon émule. On pourroit
le regarder moins comme un graveur , que1
comme un peimre qui excelloit à rendre fes
Idées par le fe cours de la pointe : on peut
même trouver en lui de grands rapports ayet
R em b ran d t, & r l’on c ite ro it aifémenc de ces:
deux artiftes des eftampes q u i ont entr’elles
u n e grande conformité d’efprit & de travaux ;
mais la B e lle , élève d’une me illeure é c o le ,
avoit en même-temps "l’ame plus élevée. Les
attitudes de fes figures font nobles , fes airs de
tê te gracieux , fes compofitions g ran d e s, riches
& ingénieufes. On d it qu’il employoit le vernis
dur , ce, q u i rend encore plus étonnante la
fotipleffe de fes travaux. I l étâblilfoit avec un.
goût exquis de petites ta illes courtes difpofées
dans une forte de défordre pittorefque & bien
plus agréables q u e les tailles les plus foignées.
Sa touche eft piquante , fa couleur fuav,e , &
fes tra v au x , prefquetoujoiirs les mêmes, offrent
par leurs combinaifons la plus aimable variété :
ce font o rdinairement de petites lignes mé-
plattes , mais différemment in c lin é e s, crotfées,
rapprochées , confondues enfemble. .Comme
Callot étoit d’autan t plus parfait qu’il réduifoic
davantage la proportion de fes figures , il me
femble que la Belle g agnoit à augmenter la
g randeur des fienrîes.
(40) Pietre T esta , né à Lucques en 1611 r
fé noya dans le T ib re en 1649. I l eft célèbre
par le génie , la vivacité de fes compofitions :
& nous tes a tranfmifes d’une pointe un peu
m a ig re , mais toujours animée d e fon efprit. Céfar T esta e ft moins connu ; mais fon estampe
de Saint-Jérôme m o u ra n t, d’après le
Dominiquin , lu i donnera toujours une place
diftinguée en tre les graveurs à l’eau-forte.
(41) A braham Bosse , né à T o u rs , & mort
à Paris- en 1678, é to it contemporain de la Belle,
mais il aima mieux , pour- la manoeuvre d e l’art,
être l’imitateur de Callot. Comme ce t a r t i f t e ,
il fut donner à fes travaux à l’eau-forte la fermeté
& prefque l’éclat du burin. C’e ft p lutôt
un fujet d’obfervation que d’éloge. I l v au t
mieux-, fans d o u te , imprimer à chaque gen re
de grav u re le caractère qui lu i eft propre -, laiffer
à l’eau-forre fa liberté b a d in e , & au burin fa
fageffe & fa févérité On peut avec beaucoup
d’adreffe , im iter le burin avec la pointe , & la
pointe avec le. burin : mais il faut avouer aufii
que chacun d e ces inftrumens fera- toujours
mieux lui - même ce q u ’il doit faire que l’inf-
trument qui affe&e de l’imiter. Ofons blâmer
Abraham Boffe de fon c h o ix , mais accordons
lu i des louanges pour avoir réuffi dans ce qu’il
a cherché. I l gravoit d’après fes propres def-
fins -, & fans m e ttre5 fes eftampes dans la même
claffe que celles de la Belle & de quelques
autres artiftes du goût le plus e x q u is, on les
eftime j u f t e m e n t f u r - tout celles qui repré-
fentent -une falle de là Charité , les arts & métiers
, les cérémonies du mariage de Louis X IV ,
& c . I l mérite aufii de la reconnoiffance pour
les traités qu’i l a publiés fur l’a rc h ite â u re &
la perfpeé liye, & fur-to u t pour ce lu i de la #zanière
de g ra ver à Veau-forte V au lu t in , ouv
r a ^ dont M. Cochin a donne une nouvelle
édition avec des augmentations néceffatres. Ses
talens le firent recevoir membre de 1 academie
royale de peinture &c d’architeaure, & il en lut
exclus dans la fuite parce que ion caraélère
libre ola réfifter au caraétère impérieux & del-
potique de le Brun qui tenoit alors le fceptre
des(4 2a)rt s. . , Sa lvdto r R osa , ne' a Naples en 1015 ,
mort à Rome en 1.673-, célèbre comme peintre
& Connu comme poète, a gravé d une pointe
un peu maigre & avec peu de foin. On pourj-olt
comparer fa gravure à celle de Pietre 1 e lt e :
elle eft peu remarquable par elle-meme , oc
perdroit tout fon mérite fous la main d un imitateur
, parce qu’ elle le doit tout entier au
fentiment qu’ un maître habile ne manque jamais
de mettre dans fes ouvrages. Le- grand
cara&ère des têtes. & la vivacité de 1 expreflion
animent quelques-unes de fes eftampes;
(43) Sdbajlien B ourdon, ne a Montpellier
en 16 16 , mort à Rome en 16 7 1 a beaucoup
gravé" d’après fes propres deffins. Ses eftampes
font plus recherchées pour'la compofition que
pour le travail de la gravure. Quoiqu il les
avançât beaucoup à l’ eau-forte, il favoit s aider
du burin pour les terminer.
(44) Dans le même temps un peintre Italien
prêtoit à la pointe toute la grâce dont elle eft
fufceptible. C’étoit Benedette de Ca st ig l io n e ,
lié à Gênes en 1616 , mort à Mantoue en 1670,
Il eft plein de goût , fes tailles font courtes,
fa pointe eft badine , quelquefois fon ouvrage
n’eft qu’un grignotis dont tout le monde fent
le charme , dont les artiftes feuls peuvent apprécier
l’intelligence. On peut le comparer à
la Belle , à Rembrandt, & à tous ceux qui ont
mis le plus d’efprit & de ragoût dans le travail
de l’eau-forte. . . ...
(45) Jea n le P otre , né à Paris en 1617 ,
mort en 1682, artifte fécond 8c fpiuituel dans
fes coin polirions , a quelquefois gravé au meilleur
goût. On pourroit en citer pour exemple
.les morceaux qu’il a donnés d’après Paul Fa-
rinati & un affez grand nombre de ceux qu’il
a publiés d’après fes propres deffins. Mais l’abondance
de fes conceptions ne lui permettoit
pas d’accorder toujours beaucoup de foin au travail
de fa gravure : d’ailleurs il laifïbit fouvent
trop mordre fes planches , & l’eau-forte en rongeant
& creufant fes travaux, détruifoit ce
qu’ils avoient d’aimable *, mais elle ne pouvoit
détruire ce qui fait reconrtoître en lui l’excellent
deffinateur pour les ornemens d’architecture
, .& , à ce titre , il fera toujours eftimé
malgré les variations du goût & les caprices
de la mode. Il étoit d’une famille féconde en
artiftes célèbres. L’un de fes parens, Antoine le
de Port-Royal, & donné le deffin de la caf-
cade de Saint-Cloud -, l’autre, Pierre le Potre ,
fculpteur , a fait le grouppe d’Enée & Anchife
au palais des Tuileries, & terminé celui de
Lucrèce , commencé par Théodon.
(46) François C hauveau , né à Paris vers
1620, mort dans la même vilfif en 1676, fut
élève du peintre la Hire 8c peignit, dit-oij ,
en petit crune manière fort agréable ; mais il
eft fur-tout connu par le grand nombre de fes
gravures. Comme on recherchoit beaucoup fes~
ouvrages , fur-tout pour l’ornement des livres ,
il étoit fouvent obligé d’expédier •, & pour ne
pas revenir fur fon travail)à la pointe , il le
faifoit mordré avec trop peu de ménagement.
Mais quand il travailloit avec plus de patience
& de foin , il produifoit des ouvrages agréables
par l’efprit de la pointe, par la variété des travaux
, & par la douceur des tons. Il gravoit le
plus fouvent d’après fes propres deffins , & com-
pofoit avec beaucoup d’imagination & de feu.
Sa manière ordinaire étoit d’avancer fes ouvrages
à la pointe, & ce ne feroit pas lui rendre une
pleine juftice que de le juger d’après celles de
fes planches où il réfervoit beaucoup de travail
pour le burin. Il étoit alors froid & peu ragoûtant,
comme on peut le voir par les estampes
du cloître des Chartreux qu’il a gravées
d’après: le Sueur.
Nous n’avons pas voulu interrompre la fuite
des graveurs à l’eau-forte, nés, à, la fin du fei-
zièmé fiècle , & dans les vingt premières années
du dix-feptième • nous retournons maintenant
fur nos pas pour examiner les talens de ceux
qui fé font fait un nom par la gravure au
1 burin.
(47) Corneille B loemaért introduifit une
nouvelle manière de graver qui eut un grand
nombre d’imitateurs , enforte qu’on peut le re-
1 garder comme le chef d’uné nombreufe école.'
Né à Utrecht en 16.03 , & mort à Rome en.
1680 , il étoit le troifième fils d’Abraham Bloe-
maert, bon peintre de l’école de Hollande.
Lui-même fe livra quelque temps à la peinture
& la quitta entièrement pour la gravure. Son
maître , qu^il ne tarda pas à furpaffer, fut Crif-
pin de Pas, imitateur de Lucas de Leyde. Il
grava d’abord d’après les deffins de fon père ,
vint à Paris vers 1630, s’y diftingua par fes
eftampes pour les tableaux du temple des
Mufes , & fe rendit à Rome la capitale des
arts, où il fixa fon féjour. Il fe fignala par
la beàuté de fon burin, par le talent encore inconnu
de ménager une dégradation infenfible
de la lumière aux ombres, & par la variété des
tons fuivant la différence des plans : mais il ne
varia pas avec le même art fes travaux fuivanc
I la diverfité des objets. Son grain, tendanc toujours au quarré , a du repos & de la transpa>
rénçe ; il a du mérite quand U eft bien placé,