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lumière la plus brillante -, fi l’ objet principal
e fi feul & ifolé,. cette lumière pourra s’y
diftinguer par quelques touches éclatantes,
mais elle n’attirera pas l’oeil par fa maffe -, il
faut donc s’ il eft poltible , reproduire cette,
lumière, l’étendre autour de l’objet principal ,
enfin former un grouppe de lumières qui fe
lie n t, qui s’unifient, & dont la maffe étendue
frappe l’oeil du fpeélateur & le retienne.
Cette forte de grouppe qui tient à la partie
de l’harmonie, efi c e lle qui rilqtie le moins
de s’éloigner de la nature-, elle efi d’ une ref-
fourpe infinie pour ceux qui favent l’ employer;
c’ eft une forte de magie d’autant plus pu ifixante
, que fes preftiges font cachés fous les
apparences les plus naturelles -, c’ eft enfin ,
j ’ ofe le d ire , un des moyens les plus efficaces
que puifle employer l’ art de la peinture.
•. La fécondé efpèce de grouppe efi celle qui
confifte dans l’aflemblage de plufieurs figures,
dont l’ union e fi l’ effet d’ une compofition réfléchie
-, la nature offre des exemples de ces
afiemblages, mais ils ne font pas toujours aflez
heureux pour que l’artifte les adopte tels que
le hafard les raflemble : il fe croit autorifé, s’ il
les copie, à y faire quelques changemens dont
i l efpère plus de grâce dans la formé générale
•du grouppe,* il lui .arrive alors de confidérer
un grouppe de plufieurs figures, comme un
feul corps dont il veut que les différentes parties
conrraftent, dans lequel il évite ave.c foin
( heureux fi ce n’ eft point avec affeâation ) la
moindre conformité de pofition dans—les membres
-, où il cherche enfin, à quelque prix que
ce foit , une forme' pyramidale, qu’il c ro it ,
fur la foi du préjugé, faite pour plaire préférablement
à d’autres.
I l efi ailé de fentir combien cette efpèce de
méchanifme s’ éloigne de la nature ; il e fi aifé
.de voir quelle porte on ouvre par-là au préjugé
à la mode, & à ces efpèces d’imitations
de manière qui circulant d’attelier en a tielier,
attaquent l’art dans fes principes , & qui parviendraient
à l’ afl'ervir, fi le génie parfon indépendance
, ne rompoit ces indignes chaînes.
Je ne -prétends pas cependant qu’on doive
fe refiifer à groupper les figures principales
d’ un fifje t, lorfque ce fujet le comporte. Je
lie dis pas même qu’ en grouppant plufieurs figures
, on ne doive éviter certaines rencontres
défagtéables ou trop uniformes ; mais qu’ il y
a loin d’ un choix fage & réfervé que j ’approuve
, d’ un art modéré qui fe câche fi bien
qu’ on le prend pour la nature même, à des
oppofitions recherchées & à des. contraftes
a fe é lé s, par le moyen defquels les figures d?un
grouppe reffemblent à une troupe de danfeurs,
dont les pas, les attitudes , lés mouvemens
font combinés & écrits i
Quelques auteurs ont établi des réglés fur la
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quantité de grouppes qu’on doit admettre dans
la compofition ; je n’engagerai jamais les artiftes
à adopter ni à former des fyfiêmes de com-
pofuions de cette efpèce. ( A a id e de M . W a -
T E L E T . ) •
P r in c ip e s clajjiques des G ro u p p e s . La véritable
doctrine des grouppes ré fui te dë l’obfer-
varion de la nature-, des loix du clair-o.bfcur,
.de l’unité d ’intérêt qui doit régner dans une
compofition.
On obferve dans la nature, comme le re marque
Fcli'bién d’après Léonard de V in c i,
que li plufieurs perfonnes fe trouvent erifemble,
elles s’ attroupent féparémënt félon la conformité
des âg es, des conditions, 8c des inclinations
naturelles qu’ ellès ont les unes pour les
autres : ainfi u-ne grande compagnie fe divife
en plufieurs autres, & ce font ces divrfions
que les peintres appellent grouppes.. Si dans
l’affemblée il furvient un événement confidé-
rable , les grouppes fe forment fuivant les affections
des différentes perfonnes qui la comparent,
& fuivant l’ intérêt plus puiffant ou plus
modéré qû’ ellès prennent, à cette événement.
Alors la nature forme elle même un tableau,
8c ce tableau obfervé par l’artifie e fi transporté
dans l’ouvrage de l’art.
Les loix du clair-obfcur preferivent de grandes
maffes d’ombre Sc de lumière,- mais c.es
maffes ne fe peuvent établir , fi les objèts ne
font pas raflemblés eux-mêmes par maffes qu’on
appelle grouppes. On peut ici revenir à la compara
ifon fi familières aux peintres, de la grappe
de raifins, 8c des raifins difperfés. Voye\ l’article
GRAPPE DE RAISINS.
Enfin Vunité cCintérêt exige que les perfon-
nages d’ un tableau prennent part à l’aélion &
par confëquent qu’ ils ne foient pas difperfés.
E lle exige qiie l’aélion foit raflembîée tout
entière fous l’oeil du fpeélateùr, 8c qu’ il ne
foit pas obligé de chercher l’ un après l’autre
les perfonnages qui s’y intéreffent.
Tout le monde tonnoît des tableaux de
payfages où font repréfentées des -figures dif-
perfées, qui n’ont entre elles aucune liaifbn :
elles n’ infpirent aux fpeétaceurs d’autre intérêt
que celui qu’ils prennent à une fidelle imitation
de la nature.
Il n’eft cependant pas effentiel que tousJes
perfonnages d’ un tableau foient grouppes : fou-
vent la nature défavoueroît cette affeûatîon. Un
perfonnage peut -être lié à l’a&ion par l’intérêt
qu’ il y prend, & fera quelquefois expreflif
précifément parce qu’ il efi ifolé. Voye-{ l’article
COMPOSITION.
La nature & les chef-d’oeuvres des grands
maîtres, habiles dans l’art d’ exprimer, donneront
aux jeunes artiftes des leçons bien
préférables à tout ce que leur prefcriroîenr l*es
principes d’école. I l ne faut pas cependant
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dédaigner de connoître même les détails de
ces principes ; ils doivent fur-tout être placés
dans l’Encyclopédie , parce que l’on objet efi
de former pour l’avenir . un monument • de
l ’état des connoilfances & de celui des opinions ,
dans le temps où elle a été écrite.
C’ éft. Mengs qui va parler; mais s’ il donne
des lo ix , il ne les regardeit pas comme absolument
obligatoires dans tous les-, cas ,,, puisqu'il
n’a pas cru lui même les devoir confiant-
ment obferver.
« Un grouppe , d it- il, confifte dans l’ union
» de plufieurs figures qui toutes doivent fe
» lier entr’ elles." Il faut toujours les compofer
» d’ un nombre impair, comme trois , c in q ,
» fept & c . De toup les nombres pairs, les
» moins délâgréables font ceux qui font formés
» de deux nombres impairs ; mais il ne peut
» jamais réfui ter de grâce de ceux de. deux-
» nombres pairs.
» Chaque grouppe doit former une pyra-
» mide , 8c il faut en même temps que fan
» relief ait , autant qu’ il e fi poflible , une
» forme ronde. Les principales maffos doivent
» fe trouver au milieu du grouppe , en cher--
» chant toujours à mettre les moindres par-
» ties fur les bords ou extrémités , afin de
» donner plus de grâce 8c de légèreté au
» grouppe.
a On doit avoir foin aufti de donner au
. » grouppe une profondeur proportionnée à la
» place qu’ il occupe-, c’e ft-à -d ire , de ne point
» mettre les figures à la file , afin qu’il en
» réfulte de la grâce par la variété dans la
» grandeur des formes , & par la diverfité
» .qu’y répandent les accidens de lumière.
» I l faut pareillement obferver que jamais
» plufieurs extrémités ne forment enfemble une
.» ligne droite , foit horizontale , foit perpendi-
» culaire 9 foit oblique ,* qu’aucune tête ne fe
» rencontre horizontalement ou perpendiçulai-
» rement avec une autre tête ; qu’aucune, ex-
j) trêmité , foit tête, main ou pied , ne puifle
» former une figure régulière, comme un
» triangle ,. un quarré 8cc ; que jamais il n’ y
o> ait une égalé diftance entre deux membres,
» ni que les deux bras où les deux jambes
» d’ une figure î'e trouvent dans le même rac-
» courci; enfin qu’il n’ y ait aucune répétition
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» dans la difpofition des membres. S i , par
» exemple., on fait voir la partie du deflus de
» la main droite , il faut montrer la paume de
» la main gauche.
» On doit aufli chercher à faire paroître les
» plus belles parties du corps q u i, en géné-
» r a l , font toutes ries jointures , le col ,- les
» épaules, les coudes, lés poignets, les han-
» ches, les g enou x, le dos, la poitrine. Ces
m parties font belles par deux raifons; la pre-
» miére parce que c’eft dans les extrémités
» qu’on peut mettre le plus d’expreflion, &
» de favoir ; & la fécondé , à caufe que le
» dos 8c la poitrine étant les plus grandes par-
» ties du corps de l’homme, font aufli les plus
» propres à unir, dans le même.grouppe., une
» grande- maffe d’ une même couleur agréa-
.» b le , comme l ’ eft celle de la chair.
» Le corps de la femme efi agréable fur tous
» fes différens afpeéts : il faut remarquer cepen-
» dant qu’ en dérobant avec intelligence quel-
» ques parties aux y e u x , on, en augmente la
» beauté & la grâce. I l efi certain qu’ un fein
» qui ri’ efi pas tout-à-fait nud paroît infini-
» ment plus beau : il en e fi de même d’au-
» très parties qui gagnent à être à moitié
» voilées.
» Lorfqu’ il eft nécefîaire de mettre enfemble
I» plufieurs grouppes ou figures, on obfervera
, » les mêmes règles que j ’ai indiquées pour les
» grouppes, en confeillant de les compofer
» d’ un nombre impair de figures ; c’ e ft-à-d ire ,
» qu’on tachera d’ employer un nombre impair
» de grouppes. Mais dans le cas cependant,
» où la grandeur du tableau ne pourra per-
» mettre ce nombre de grouppe ou pyramides,
» on pourra faire alors un feul grouppe entier,
» & deux demi-grouppes fur les deux côtés ,
» en cherchant toujours à obferver la loi pref-
» crite pour la profondeur des grouppes oc le
1 » nombre de figures dont ils doivent être com-
» pofés. La figure principale doit toujours fe
‘ » trouver placée dans le milieu , & lorfqu’ il
» y a plufieurs figures principales, il faut alors
; » tâcher de. les mettre toutes vers le milieu,
» toujours fur le fécond plan & jamais fur le
» premier, afin qu’ elles y paroiflent comme
» entourées des autres objets ». ( Article de
M. L evesq u e. }