pour ceux qui fe vouent aux arts du deflin. Une
moitié de l ’art confifte à s’ exercer fans relâche
au coup-d’oe il ; voilà fans doute le fens de la
devife d’Apelle : nulla diss fine lineâ. ( A rticle
de la première E ncyclopédie).
I l ne fuffit pas de defliner beaucoup pour acquérir
la juftefle du coup-à? oeil. On peut remplir
exactement la devife d’Apelle , fans en
avoir le coup-d'oeil plus jufte. Cette qualité dépend
fur-tout de la méthodè que l’ on fuit en
delîinant, & la méthode qui feule pourroit
conduire à la juftefle du coup-d'oeil eft préci-
fement celle qui depuis long-temps eft abandonnée.
E lle confifte à rendre avec la plus
grande précifion les formes quelconques que
l ’on fe propofe d’ imiter. Un élève aujourd’h u i ,
dès qu’ il s’ eft fait quelqu’habitude de manier
le crayon , ne fe met à defliner la nature
qu’ avec le projet de la corriger , c’eft-à-d ire ,
de l’altérer ,de la détruire. Au lieu de s’attacher
à voir 8c à copier fon modèle tel qu’il e f t ,
il fe pique d’ en faire difparoître les défe&uofi-
tés •, il n’ entreprend de le copier que pour ne le
pas copier en effet : 8c comme il prend l’habitude
de copier la nature fans précifion , ce fera
de même fans précifion qu’ il copiera l’antique ,
ou Raphaël, ou les formes les plus parfaites que
lu i offrira la nature vivante. Toutes fes études
porteront l ’ empreinte de la manière qu’ il a contractée
-, d’ailleurs il a déjà la plus grande prétention
à la facilité, 8c met plus d’ orgueil à
faire vice qu’à bien faire. I l rougiroit s’ il étoit
long-temps à étudier le contour de fa figu re ,
à effacer un trait commencé pour le remplacer
par un trait plus conforme au modèle. I l n’a
que fix heures , quelquefois que quatre pour
defliner une académie : c’eft à peine aflez pour
en bien arrêter le trait -, mais il fait ce trait
dans la première demi-heure, & confacre le
refte du temps à faire un beau deflin, c’eft-à-
dire , à montrer un maniement adroit d’ eftompe
ou de crayon.
Dans le temps de la renaiflance des a rts , les
deflinateurs n’étoient pas adroits, mais ils vou-
leient être précis ; ils n’avoient pas une efiompe
large, un crayon moëleux } mais ils cherchoient
à faire un trait pur, à imiter avec la plus.exaéte
vérité le modèle qu’ils copiaient. Pour les égale
r par la juftefle au coup-d'oe il, il faut adopter
leur méthode : ce fera avoir déjà fait un grand
progrès dans l’art du deflin , que d’avoir appris
a defliner difficilement. ( A rticle de M. L ey
E S Q U E . |
COUPOLE (fubft. fém. ) C’e ft la partie intérieure
& convexe d’ un dôme. Ce mot appar-
tiendroit donc exclufivement à l’architecture
fi les coupoles n’étoient pas fouvent ornées de
peintures. Ainfi Mignard a peint la coupole du
{Val-de-Grâce , & la Eofle celle des Invalides.
Nous parlerons de la peinture des coupoles aux
mots Frefque 8c Plafond.
C R
C R A YO N . P o r t e - C rayon. On nomme
ainfi , comme tout le monde le fa it , des matières
colprées , fufceptibles de laifler des traces
fur le papier, d’être taillées convenablement,
pour remplir le but de l’artifte qui defline.
L’ufage du crayon confifte à placer les portions
plus ou moins longues des matières colorées
dont on veut fe fervir dans un uftenfile, qu’on
nomme porte - crayon. On trouvera, dans la
fécondé partie, aux mots crayon 8cporte-crayon-,
les détails qui y font relatifs & dans les planches
, les formes des porte - crayons 8c la po-
fition que la main doit obferver en les tenant,
pour s’ en fervir avec plus d’avantage.
Je me contenterai de dire ici que l’on com-
mençoit autrefois, plus généralement qu’on ne
fait aiijourd’hui le premier trait d’un deflin
aveG le fufin, qui eft un petit fragment de
branche de Taule, réduit en charbon. L’avantage
qu’on trouvoit à s’ en fe rv ir, c’eft que ce
t ra it, fort léger , ne s’ attache point au papier ,
qu’on l’ efface aifément, & qu’ainfi l’on corrige
facilement l’ enfemble , pour le rendre plus précis
, avant de le marquer avec une autre forte
de crayon , qui s’ attache au papier 8c laifle
une trace durable.
Les crayons dont on fe fert aujourd’hui plus
ordinairement font lafanguine , la pierre noire
& la mine de plomb. On trouvera une' notion
de ces fubftances à leur article. ( A rticle de
M . T P 'a t e l e t . )
- C RIT IQ U E ( fubft. fém. ) C’ eft la faculté de
juger. Ce mot eft dérivé d’ un verbe grec qui
fignifie juger. I l eft aufli quelquefois fubftantif
mafeulin , un critique éclairé. Enfin, il eft
adjeétif dans ces phrafes , un moment critique,
une conjoncture critique, une démarche critique.
Demander fi la critique eft u t i le , c’ eft demander
fi là facu lté de juger eft u tile , ou s’il
eft utile d’exercer cette faculté.
Pour nous en tenir à notre fu je t, c’ eft-à-dire
aux arts qui dépendent du deflin, c’ eft par la
critique ou la faculté de juger que l’artifte
connoît ce qui convient à l’ouvrage qu’il entreprend
, 8c que le fpeâatçfur prononce s’il a
bien rempli ces convenances. C’ eft la critique
qui claffe les différentes parties de l’art fuivant
leur importance, les différentes écoles fuivant
leur mérite re la tif, les diftérens ouvrages fuivant
leur beauté, C’ eft elle qui garantit les arts
de la barbarie, en enfeignant aux artiftes ce
qu’ ils doivent fa ire , & aux amateurs ce qu’ ils
doivent eftimer*
La
La critique s épure avec l’art 8c dégénère .
a .-ec lui. Quand il n’ y avoit pas de meilleurs
peintres que le Cisiabué ou l e j Giotto , les
critiques fegafdoient comme des chefs-d’ceu-
vres de l’art , comme ce que l’on pouvoir
produire de plus beau, les peintures du Giotto
8c du Cimabué. Si dans un certain temps &
un certain pays , Tes artiftes donnent des mi-
gnardifes pour de la grâce, leur manière pour
de la beauté^ les critiques oublieront eux-mêmes
ce qui conftitue la beauté & la grâce. Le
langage des critiques grecs etoit fans doute*
bien différent au temps de Solon au fiéclè
de Périclès, 8c fous le règne de Coriftantin.
Le meilleur critique des'arts eft fans doute_
l ’artifte, parce qu’ il a dû raflemblër plus de;
principes néceflaires pour bien ju g e r , 8c que
ces principes lui font- chaque jour rendus plus
familiers par la pratique.
Les gens de lettres ont tenté d’enlever aux
artiftes cette prérogative pour s’en emparer,
8c l’ont exercée de manière à venger ceux qu’ils
en avoient dépouillés. Les amateurs armes à
la légère f fe font joints au parti dks gens de
lettres, 8c l’on ne s’ eft pas apperçu quüls lui
aient procuré plus de force.!
L’Abbé Dubos dans fes réflexions fu r Ictpoefïe
& fu r la peinture prétend que la plupart des
gens du métier jugent mal des ouvrages par
trois raifons: parce que leitr fenfibilité efi ufee.
I l feroit plus vrai de dire qn’ elle eft exercée.
Parce qu'ils jugent de tout p a r difeuffibn.
Tout n’eft pas du reflbrt de la fenfibiliié dans
le s ouvrages-'de- l’art -, ce qui n’ y tient pas
au fentiment, ne peut être mieux jugé que
par difciîffion , 8c les artifteS* font plusl capable
de cette difcùflion que des perfonnés'étrangères
aux arts. Enfin parce qu'ils fo n t prévenus
en faveur de quelque partie de l'a r t, &
qu'ils la comptent dans les jugemens généraux
q d ils portent pour plu s qu'elle'ne vaut. C’eft
un défaut dans les artiftes d’être trop prévenus
en fàveur de quelque partie de l’ a r t : mais
ils feront encore de meilleurs Juges que des
gens qui- ne pofledent bien aucune de cés
parties. Ils porteront du moins les jugemens
les plus faiiis fur la parti« qu’ils connoiflent»
3« mieux 8c pour laquelle ils feront prévenus,,
8c en raflemblarit les jugemens de différents
artiftes prévenus-pour différentes parties , on
compofera un jugement général , qui fera celu
i de la vérité , 8c qui , avec le temps , deviendra
celui du public,; ( Article de M, JL e -
i r E S Q U E )'••
CROQUIS. Le befbin d'exprimer d’ une ma-
ftière concife certains-détails de- la pratique
ou de la théorie des Arts , fuggère aux Maîtres
& fouvent aux difciples - des expreflions comparatives
& figurées. Elles font quelque- fois
M eaux-Arts. Tome L
communes ou même bafles, quelquefois nobles
ou élevées. Elles paroiflent heureufes
quand elles, font fignificatives. Celles qui font
créées-par les peintres, font fouvent pittorefques.
Elles fe répètent d’ attelier en attelier, de bouche-
en bouche, deviennent en ufag e , font alors
partie du langage de l ’Art dans lequel elles
font {créées & d e -là, repaflent avec la- figni-
fication nouvelle qu’elles ont acquifes dans
la langue générale.
L’on pourroit, à quelques égards, obferver
dans les attéliers la marche de l’invention des:
langues, parce que, des befüins nouveaux 8c
des fenfations promptes ;y contraignent plus-
fouvent que dans la fociété ordinaire , à inventer
des fignès oij des mots 8c à donner à
c eù x' qùi ëxiftent dans la langue générale'
des acceptions particulières-
Ces expreflions , comme je T’ai obférvé •
prennent - leur caractère dé ceux qui les premiers
en ont fait ufage , & c’ eft d’ après ce:
caractère qu’ elles fe trouvent être nobles , fa -
mil i ères , férieufes, gaie s, quelquefois baffes
& biirlefq.ueS.
Croquis eft du nombre de celles-ci.
Croquer , c’ e ft manger vite : croquer, en
termes d’atteliers de peintres, c’eft. exécuter
à la hâte.
Un croquis eft une première idée, indiquée-
par quelques traits de crayon, quelques grif-
fonnemens de plume ou quelques tracés d&
couleurs fans dégradations.
Cettfe exprefiion convient mieux aux Arts donr
lés objets font des imitâtions vifibi.es, qu’ aux
Arts dont Tes productions s’opèrent par des
fîgnes convenus ; auflr l’on dit plutôt r un
' croquis de compofition, de figure, de payfage,.
i qu’ un croquis de poème où de muficiue. Les
croquis des grands artiftes font prifés des curieu
x, comme les moindres reliques des fainrs
font recherchées par les dévots 5 aufli cette
Cotte de vénération , eft-eilë fouvent pouflee trou
foin -, car des griffonnemena qui ne défio-nent
prefqué rien & . des indications à; peine recon-
noiflables de compofition ou de parties de fi-
gure ne valent c errai nement pas plus l’affection
de certains amateurs, & la vénération
qu’ils exigent de ceux à qui* ils les montrent
que certains fragmens apocriphes ne méritent
les honneurs d’ une- chafle.
Les croquis- qui approchent de ce qu’on
nomme étude, efquijfe , penfée achevée , méritent
d’être conter vés-, parce qu’on y peut
démêler fenfibîement la marche de l ’ efprit des;
artiftes & l’empreinte du talent naturel".
On ne- trouve pas fans doute le même mérite
dans les brouillons des Poètes, aufli eft—
jil- rare; qu’ils obtiennent la vénération des:
littérateurs',- c’eft que l ’écriture étant fami-
ilière à tout le pionde, il fe trouve trop d«:
S