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raient autrefois les chévaliers François, 8c
c’ eft par un menfonge favorable; 'à l’arc , que
nos peintres lès repréfentent couverts d’ une armure
qui cache à peine les formes du nud. Ils
ont abandonné la vérité trop peu pittorefque ,
pour lui fubftituer l’idéal. Les anciens leur
avoient laifle des exemples de cette heureufe
licence?
Chacune de ces armes ne défendoit que la
partie du corps*, le bouclier le protégeoit tout
entier : il étoit haut , large & concave , & ,
comme le dit Tyrtée , dans fa fécondé élégie
, il couvroit les jambes , les cuiffes , la
poitrine & les épaules. Les guerriers péfam-
ment armés , n’ employoient pas toujours cette
arme peur leur feule défenfe -, ils en proté-'
geoient encore les archers j parce que ceux-ci
étôieiït armés à la légère. - Le bouclier avoit
enfin fur les autres armes défenfives l’avantage
de pouvoir être manié'avec adreffe.
I l étoit ordinairement compofé de plufieurs
cuirs de boeufs appliqués les uns fur les autres,
& recouverts d’ airain : quelquefois du milieu
de la furface extérieure fortoit une forte pointe
qui pouvoit percer l’ ennemi, & changer le
bouclier en arme offerifive. On le tenoit de la
main gauche à l’aidé d’ une courroie qui y étoit
adaptée. I l étoit communément de forme ronde |
au moins du temps d’Homèrê. Celui d’Ajàx étoit
compofé de fept cuirs de boeufs , recouverts
d’ une lame d’airain ; quelquefois il n’ y avoit que
quatre ou cinq cuirs. Le bouclier d’Enée étoit
compofé de deux lames_:d’airain, deux d’étain ,
& une d’or. Une baguette de métal en renfor-
coit la circonférence. Homère qui fe plaîfoit
à repréfènter la force de fejs héros fupérienrs à
celle dès hommes de Ton temps , peut avoir
exagéré l’épaiffeur, & par conféqùent le poids
des boucliers. Mais cet idéâî- inventé par le
poëte, peut être adopté par l’a r tifte , & l’on
pourrait regarder comme une ; grave faute de
coftume d’armer Ajax d’tin bouclier léger;
Entre les armes défenfives , la lance tenoit
le premier rang. E lle étoit fort 'longue, & Yé-y
pithète que lui donne fouvent Homère, fignifie
qu’ elle portoit une grande' ombre; DoÏÏcofcios. Le bois en étoit communément de frêne , & la
pointe d’airain , car dans’lés temps héroïques,
comme le dit Paufanias, les armes étoient de
ce métal; on n’ émployoit pas éneore le fer à
cet ufage , car çe-métal, le plus-commun de
tous,- n’ eft pas en même-temps le plus facile à
travailler, Aufli trouve-t-on encore dans dés
combeàux d e là Sibérie , de vieilles armes d’airain
, aufli dures que le fer trempé. J ’ en ai
vu dans le cabinet du célèbre M. Pallas. Une
autre pointe d’ airain armoit le bout inférieur
de la lance : elle étoit deftinée à être enfoncée
en terre pour la contenir droite quand le guerrier
youloit fe repofer. On appelloit cette
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pointé S dur üter, du mot S a u ra s , qui fignifie
un léiard, parce qu’ elle eritroit en terre comme
cet animal.
Le javeldt étoit une lance courte qq’on lan-
çoit contre l’ennemi , quand il fe trouvoit à
une foible diftance ; cette arme , fans porter à
beaucoup près aufli loin que la flèche , de vo it,
par fa force & fon poids, être bien plus redoutable,
& faire de plus larges bleffurès.
Ce n’étoit guère qu’après avoir lancé le javelot
, qu’on en venoit à tirer ,l ’épée. E lle
étoit fufpendue à un baudrier & repofok fur
la cuiffe gauche. Au fiége de Troye , celle du
roi des rois , du puiffant Agamemnon , etoic
enrichie de d oux d’argent. Cette parcimonie
d’ornemens , qu’Homère rapporte avec fidélité
me perfuade que. c’ eft par une exagération
poétique; qu’ en d’autres occafions il a tant prodigué
l ’or. C’eft un privilège des poètes de fe
livrer a l’imagination ; mais je ne crois pas
qu’il foit impoflible d’établir certaines réglés
de critiques pour reconnoître fouvent la "vérité
Jiiftorique à travers les fables de la poëfie. |
Une- épithete employée par Héfiode peut faire
préfumer que l ’épée étoit renfermée dans un-
fourreau n o ir, à moins qu’il ne voulût exprimer
qu’ elle étoit attachée à un baudrier noir,
petite circonftance affez indifférente aux peintres
; mais ils doivent favoir que les Grecs ne
portaient pas le poignard ou coutelas, ( Ma-
choera ) . à la manière des Orientaux ; mais
qu’il étoit adapté au fourreau de l’épée •: c’eft ce
qu’Homère dit très-clairement. Ce coutelas,
qui étoit quelquefois une arme offenfive , ièr-
voît aufli à couper les poils de la tête des v ic times
dans les lacr'ifices; & on peut croire aufli
que les guerriers n’avoîent pas d’autres couteaux
de table.
Les archers n’étoient pas aufli confidérés' que
les guerriers qui portoient l’armure complette:
fans chercher d’autres preuves de ce fa i t , il eft.
allez bien établi dans la tragédie d’ Ajax , de
Sophocle, parle mépris qu’Agamemnon témoigne
pour Je u c e r , parce qu’ il n’étoit. qu’ Archer.
On fait que- les fléchés étoient enfermées dans
un carquois , attaché fur l’épaule gauche. L ’arc
étoit fait de corne de chevreuil. La rainure,
qui recevoit la flèche étoit de métal. y &, la
corde de nerf de boeuf. L’ a rche r, au temps du
fiège de T r o y e , tirait ha corde jûfqu’à fa mamelle.
A u fli, dit - ori , que les Amazones fe
brûloient la mamelle droite , parce qu’elle
empêchôit de tendre la corde aflez fortement,
mais enluite les Grecs empruntèrent des Pertes
l’ufage de tenir l’arc plus haut, & de tirer la
corde jufqu*a’ l’oreille droite. Gette manière
(étoit la meilleure, & donnait la facilité de
Vifer plus jufte au but, parce qu’alors la flèche
étoit à la hauteur de l’çeitfj comme on a loin
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d’ y tenir à préfent le canon du fufil , en appuyant
la croffe contre l’épaule droite.
La fronde droit connue au fiège de Troye ;
maison ne voit pas que les principaux guerriers
en fiffent ufage : ils jettoient feulement
des pierres avec les mains. Agamemnon combat
à la lance , à l’épée & avec des pierres.
Les guerriers abandonnèrent dans la fuite cette
manière de combattre, & l ’on ne fe fervitplus
des. pierres , qûe pour les lancer du haut des
murailles fur les affiégeanS. Ce célèbre P y r rh
us, qui apprit aux Romains a le vaincre ,
fut tué , fi l’on en croit Juftin , d’ une pierre
qui lui fut lancée , lorfqu’ il tenoit Antigone
alfiégé dans Argos. Plutarque rapporte qu’ il,
fut tué dans la ville d’ une tuile, qu’une vieille
femme lui jetta fur la tête du haut d’ un toit.
On penfe bien que des héros qui prenoient
pour armes les pierres qu’ils tronvoient fous leurs
pas , durent employer en guerre contre les
ennemis les haches fortes & tranchantes qu’ ils
confacroienc aux arts en temps de p aix, & qu’ ils
ne durent pas non plus abandonner, l’arme
d’Hercule. ; Mais la maffue d’Hercule n’avoit
été que de bois ; celles des héros, qui parurent
au liège de Troye étoient de fer-. Ces- deux
armes etoieftt encore employées par nos ayeux
fous le nom de haches d’ armes & de maffes
d’armes. * • ( i
Quoiqu’Homére nous apprenné que les maf-
fues de lès héros étoient de f e r , il n’ en eft pas
moins vrai que les autres armes , & fur-tout
les défenfives, étoient d’airain, comme il le
dit. Cela eft prouvé par les armes anciennes
de ce métal que Çaufanias vit confervées dans
plufieurs temple« de la Grèce , & par celles_
de Théfée, trouvées dans fon tombeau , par
Cimon fils de Miltiade. Servius Tullius ordonna
que les armes défenfives de la première
claffe des guerriers dè Rome fuflent d’ airain.
Les armes des capitaines Grecs étoient chargées
d’ornemens cifelés, fur-tout lescuiraffes,
les cafques & les boucliers.
Dans lesitemps héroïques, on nourrifloit des
chevaux peur la guerre , & fouvent Homère
donne à lès guerriers le titre de dompteurs de
chevaux : il entre même dans un grand détail
fur la.manière dont on les panfoit, fur la nourriture
qu’ôh leur donnoit. Cependant il ne
paraît pas qu’ alors on eût une cavalerie proprement
dite , & ceux qu’on appelloit alors
des cavaliers , combattoient fur des chars.
Julius Pollux , 'dit expreffément , qu’Homère
ne connoifloit pas d’ autre cavalerie. Deux
guerriersv montoient à la fois le même char ;
l’un tenoit les guides & l’ autre combattoit y
.fouvent le cocher n’ étoit pas un homme moins
îlluftre que le combàttant, & quelquefois ils
«’offraient mutuellement l’alternative de combattre
ou de conduire le char. On y entrait
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par la partie poftérîeure, I l s’élevolt en s’arron-
aiffant fur le devant, à hauteur d’appui , &
ceux qui le montoient s’ y tenoient debout au
moins dans le, temps du combat ; car on fait
qu’ ils avoient un fiège. Ces chars étoient chargés
d’ornemens, Homère nous raconte que celui
de Rhefus étoit orné d’or & d’a rg en t, &
celui de Diomède d’or & d’écain. Quoique
nous ne devions pas regarder les détails de
ce poëte comme des vérités^ hiftoriques , ils
nous apprennent du, moins les ufages de., fon
.fiècle , ik nous font voir qu’alors L’argent &
l’étain étoient employés prefqu’mdifléreinment
& pour les chars & Les . armures. Les chars
étoient quelquefois entourés de voiles ou de
ridaux : mais ce que dit Homère eft infuffifanE
pour nous faire connoître comment _ces pièces
d’étoffes , deftinées fans-doute., à garantir les
guerriers du foleil & de la pouflière , étoienc
adaptées au char.
Les rênes étoient ornées de métal ou d’ ivoire :
les mors- étoient quelquefois aufli ornés d’ ivoire!,
teint de couleur de pourpre. Cet ornement,
dit Homère , étoit réfervéaux chevaux
des Rois.
^Les chars n’ étoient ordinairement traînés
que de deux chevaux attelés de front. Cependant
il paraît qu’He&or en avoit quatre &
qu’ il leur adreffe la parole;, dans le huitième
livre de l’ Illiade. I l eft vrai que les Scholies
attribuées à Didyme , réduifent ce nombre à
deux ; mais leur interprétation me paraît forcée;
D’ailleurs il eft certain qu’Homère con-
noiffoit les chars à quatre chevaux , puifqu’ il
compare à la légèreté de leur courfe la marche
du yaiffeau des Phéaciens qui conduifit Ulyffe
à Ithaque ; mais l’ufage de trois chevaux étoit
plus ordinaire ; le troifième étoit attelé' de la
manière que nous appelions en arbalète.
I l ferait affez difficile d’établir qu’ elle étoit
la ta&ique dans les temps héroïques y il le
ferait même de prouver qu’il y en eût une :
cette ignorance où nous fommés eft favorable aux
arts qui s’accordent mal de la trop grande régularité
, & qui tirent un parti avantageux d’ un
heureux défordre»
Homère cependant nous fait le tableau d’ une
ordonnance qui a été approuvée dans des
temps où l’ art de la guerre avoit fait des progrès
: Neftor place à la tête les chevaux &
les chars-y il place derrière la nombreufe 8c
vaillante infanterie , qu’il regarde comme le
rempart de la bataille y & les troupes les plps
lâches , il les met' au centre , pour qu’ elles
fuffent malgré elles obligées de combattre.
Le même poëte nous peint la phalange ,
cette ordonnance fi forte , fi difficile à ébranler,
que Philippe renouvella dans la fuite pour en
avoir lu la delcription dans l ’ Illiad e , & qui
I doit être comptée, entre les caufe.s de fes v iâo ire s
S s s ij