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fon jugement, celui qui les emploie, fera de
leur dire : Voici la place , jugeo te operej.
Mais cela fuppofe qu’ il aura eu d’ abord le ju gement
de choifir de bons artiftes. .
On a vu des artiftes d’ un grand talent qui
n’ avoient pas un jugement très-fain des convenances
-, c?eft un reproche qu’ on a fait meme
à Michel-Ange : fon impétuofité , que les Italiens
appellent fu rie , s’ oppofoit aux qualités qui
fuppofent une ame tranquille; mais ce n etoit
pas une raifon pour que ceux qui l’ employoïent
duflent le foumettrea leur jugement i car alors
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il n’ auroit plus été'lui-même, & fe feroit montré
inférieur à lui-même. Quand on veut employer
un artifte & jouir de fes ta lens, il faut fe déterminer
à lui permettre fes défauts, car il doit
être lui. Vous n« ferez point entrer du feu dans
l’ ame de celui qui fe diftingue par une fagefle
un peu froide : vous ne foumettrez ^ pas à la
raifon paifible celui qui ne peut agir qu enflammé
par l’ enthoufiafme. Si vous gênez 1 artifte
que vous avez choifi j il n® f®ra plus celui
I dont vous aurez fait choix. (A r tic le de M • X s? [ r s s q u i . )
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L a m b r i s , (fub ft. mafe.). Dans,1e ftyle
noble , dans le langage de la poéfie ,■ ce mot fe
prend pour la partie d’un appartement qui eft
au-deflus de la tête , & que les Romains: ap-
pelloient lacunar. Mais dans le langage de
l ’architeâure & de la maçonnerie , on appelle
lambris tout revêtement d’ une muraille intérieure,
en marbre,, en plâtre ou en menuiferie.
Ce mot n’ appartient aux arts que nous traitons,
que parce qu’on orne quelquefois 1 e s 1 lambris
de peintures & de bas-reliefs.
L A N G A G Ê de l’ art. La facilité de deffiner
tous les objets que préfente la nature, jointe
à une certaine habileté à employer les couleurs,
& à la connoiffance des règles les plus fimples
& lés plus générales de la compofltion ; tel eft le
premier degré dè -talent dans : 1a peinture. Il
peut être comparé aux principes de,la grammaire
en littérature ; c’ eft-à-dire qu’on peut le regarder
comme une préparation a quelque gehiè
de l’ art auquel l’élève veuille s’appliquer dans la
fuite. C’eft avec raifon qu’ on regarde le talent
de deffiner, de contpofer , & d’ employer les
couleurs ,' comme le langage de l a n . L’ artifte,
parvenu à s’ ex primer. aveç quelqu exaélitude ,
doit s’appliquer à trouver des fuj.ets propres à
l ’ expreffion ; il doit chercher fur-tout à fe former
des idées , pour les combiner & les varier
fùivant la convenance des fujets dont il pourra
s’occuper dans la fuite.
^ L’Ecole de Venife s’ eft principalement ap-
pl.iquée à toutes les.uparties de l’ art qui captivent
les yeux & les fens ; on peut même dire
qu’ elle le ® a portées au plus haut degré de per-
•feélion ; mais .les moyens, qu’ elle employé, &
qui tous appartiennent a la partie méchanique de
l ’a r t , font ce que l’on appelle le langage dit
peintre. I l faut convenir que c’ eft une bien pauvre
éloquence, que celle qui nous prouve feulement
que l’orateur eft doué de l’ufage .de la
parole. Les mots',! & même les plus beaux tours
de phrafe & les plus brillantes ligures du làn-
aage, doivent être employés comme les moyens,
& non comme le but de la faculté de parler.
L elangace eÜ, l’inftrument ; la convidionen eft
Peffetr S jt .v :- .! .
Le langage du peintre ne peut, fans doute,
être refufé aux peintres vénitiens ; mais en cela
même ,-,ils Ont montré plus d’ abondance que de
choix , & .plus.de luxe que de jugement-. Si l ’on
confidère .le peu d’ intérêt des. fujets qu’ ils.ont
Inventés , ou du moins la manière peu inté-
reffante dont ils les ont rendus ; fi l’on réfléchie
fur leur manière bizarre de compofer, & fur
leurs contraftes brillans & affedés, tant dans
les figures - que dans le clair-obfcur . li 1 on
penfe à la richeffe affedée de leurs draperies,
& à ,l’ effet mefquin qui réfulte de la variété
recbercbée. de leurs étoffés $ 11 a cela on joint
leur -négligence totale a donner de 1 expreffion
aux figures ; & fi enfuite on penfe aux idées
élevées ■ & au favoir de Michel-Ange, ou à la
noble fimplicité de,Raphaël, on verra qu’ il ne
peut fübfifter aucune eomparaifon entre ces maîtres.
S i , dans le coloris même, on oppofe la
tranquillité & la chafteté du pinceau Bolonais,
au tumulte & au fracas qui rempUffent tous
les tableaux de l’Ecole vénitienne, fans la moindre
tentative, d’ igtéreffer l’ efprit & le coeur , le
talent fi vanté- de cette Ecole ne paraîtra plus
qu’un vain effort, ou , comme dit Shakefpeare,
» une, fable-, contée par un fo u , pleine de ré-
>1 dondance.s:& de grands mots, mais qui au
», fond ne fignifie rien. « .-
C’ eft M. Reynolds qui vient de parler dans
tout cet article. ■ Sans doute bien des amateurs,
& même des artiftes, feront bleffés de le voir
réduire Paul Véronèië & le-Tintoret, (c a r il
excepte, le T itien ) :a u (impie talent.de parler
le langage de Part ; mais, qu’on obferve que
s’ il rabaiffe quelques artiftes célèbres, c’eft
pour élever l ’art lui-même qu’ il fait confifter
dans les grandes conceptions de l ’efprit. Eh !
quel eft donc le mérite de cet art, puifque l ’on
peut s’élever juftement à la célébrité avec le
feul talent d’ en bien parler la langue?
Ce que M. Reynolds obferve dans la carrière
des arts , on peut l’obferver de même dans celle
des lettres. Les écrivains , q u i , fans une vaine
affedation de la pompe du ft y le , nous inftruifent
& nous impofent l ’admiration par la hauteur de
leurs penfées , peuvent être regardés comme les
Raphaël de la littérature : mais Tes auteurs,
q u i , fans-une grande richeffe d’ id é e s, noua
plaifent. par l’éclat de leur ftyle-, en font les
Tintôret & les Paul Véronèfe. ( Article extrait
du-Bifcours de M. R e yn o ld s. )
L A-R G E ', '( ‘adj. ). L’ ufage ordinaire de ce
mot indique une dimenfion. Le fubftantif eft
largeur.:: L a rg e , dans le langage de l’a r t, n’a
! point de fubftantif. L’ idee qu’ il prélente aux
I artiftes n’ a qu’ un rapport vague avec la dimen