
dans fa hardieffe & dans l’ habitude de ra main.
Ceux qu’ il féduit le trouvent brûlant, parce-
qu’ il exprime avec facilité les froides conception
de fon ame. ( Article de JW. L evesqx je. )
F r u it ( fubft. mafc. ) I l eft inutile d’ employer
ici ce mot pour exprimer le fru it qu’on
retire de l’étude, dans la peinture, fi ce n’ eft
pour dire qu’il n’ eft pas égal à celui qu’ elle produit
dans les fciences ablrraites, & que le fru it
fe réduit à bien peu de chofes dans l’ a r t, fi
l ’on n’ eft pas doué par la nature^des qualités
propres aux arts d’ invention.
Peindre des fru its eft un genre qui n’ eft
guère féparé de celui de peindre des fleurs •, mais
il offre moins de difficultés. D’ abord, les fruits
font plus faciles à copier, parce qu’ ils changent
moins promptement de formes & que le peintre
a tout le teins de les bien imiter. D’un
autre côté, fi la richefle des couleurs, la douceur
du d^vet, font des beautés communes à ces
diverfes & précieufes produ&ions de la nature ;
le s formes détaillées des fleurs, & ce qu’elles
montrent de -feuilles diaphanes, eft une tâche
qu’on n'a point à remplir en peignant des
fru it s .
Les fleurs demandent donc une touche légère
& variée , une tranfparence de tons qui par-
ticularife le talent du peintre de ce genre -,
tandis que la pâte, la largeur & la fierté du
pinceau avec lequel on rend le mieux- les
fru its j eft un mérite commun à l ’ exécution
d’ un tableau d’ hiftoire j celui qui fe deftîne à
ce g enre, profitera auili beaucoup de leur étude *,
parcequ’il y acquerra les. moyens de colorier
avec fraîcheur &puiflance, & qu’ en particulier
il faura exécuter des fru its dans tous les fujets
qui feront fufceptibles de cet agréable & brillant
acceffoire. ( A rticle de M. R o b in . )
F U
F uyant ( part. aél. pris quelquefois fuftan-
tivement, c a ron dit \e fu y a n t d’un corps, les
fu y a n s d’ un tableau. ) C’ eft un terme de l’ art
de peindre confacré à la partie du clair-obfcur.
Les perfonnes peu Inftruites l’ employent fou-
vent pour les mots lointains , dégradation de
ton, de teinte, & c.
La partie fuyante d?un corps eft celle qui
échappe à l’oe il, qu’ il ne voit qu’ en raccourci,
avec laquelle enfin les rayons yifuels forment
un angle très-aigu.
. Pour en rendre l’effet en peinture, il faut
©bferver de ne jamais employer les plus grands
clairs ni les plus grands bruns dans les tons
.. qui doivent produire le fiiy a n t d’ un corps -,
mais l’oeil peu exercé, l’efprit peu nourri des
principes des effets de la lumière, font facile*
me.nt trompés par le ton du fond fur lequel l’ objet
eft détaché.
J ’ai dit qu’on ne devoit jamais ufer des plus
grands clairs , ni des plus grands bruns fur les
parties fuyantes. Voici une maniéré Ample de
démontrer la jufteffe de ce principe. Faites
avec du papier très-blanc un rouleau, tenez-le
perpendiculairement, & de manière qu’ il reçoive
le jour latéralement, par rapport au fpec-
tateur -, oppofez à ce cylindre un fond brun.
Dans cette pofition, l’oeil peu exercé verra la
forre lumière fur le bord au rouleau du côté
du jour : illufion produite par le brun qui lui
fert de fond. Car fi vous remplacez le fond brun
par un fond blanc 9 expofé à la grande lumière,
il n’ y aura perfonne qui ne voie alors que
la partie fuyante du rouleau qui fembloit très-
claire , n’ e f t q u’une demi teinte qui fe détache
en brun fur le fond blanc éclairé , & le plus,
grand clair de ce rouleau fe verra fur la partie
la plus proche de l’oeil: par cette obferva-
tion le ton réel de la partie fuyante fera
donné.
I l faudra agir en fens contraire pour avoif
celui d’ un corps brun. Donnez lui pour fond
un objet éclairé plus clair que lu i, les parties
fuyantes du coté même de la lumière paraî-,
tront très-brunes : oppofez à ce corps brun un
fond plus brun que lui •, vous verrez alors que
les parties fiiyantes ne font pas les plus grands
bruns ; mais que les noirs fe trouvent dans la
partie de l’ ombre la plus oppofée aux rayons
lumineux.
Ce principe eft appliquable à tous les fu y a n s
des corps ronds, foit qu’il foient compofés de
plufieurs petites parties comme une grappe de
raifin, les maffes feuillées d’ un arbre, ou
que ce foit un corps qui ne foit pas divifé ,
comme une colonne ou tout autre corps folide
dont on appercevra plufieurs faces. ( Article dô
M . R o b in . )
F umée ( fubft. fem. ) Cette vapeur mérite»
l’attention du peintre. E lle a fourni à Léonard
de Vinc i un chapitre dont nous allons profiter.
Les milieux des tourbillons 8e fumée en font»
les parties les plus obfcures: ils s’éclairciflent
& prennent de la tranfparence en approchant
de leurs extrémités*, ces extrémités elles-mêmes
fe perdent & fe confondent avec les objets
qui leur fervent de fond.
Puifque la fumée fè termine imperceptiblement,
les ombres qu’ elle porte ne feront pas
elles-mêmes terminées, 8c îeurs bornes feront
indécifes : elles le feront d’autant plus, qu’ elles
feront plus éloignées de la fumée qui les caufe ;
elles paroîtront légères, volrigeanres & tourbillonnantes
comme elle. A peine la fumée changera
t-elle l’apparence des objets qui feront
derrière fes extrémités*, elle cachera d’autant
moins les corps devant lefquels elle eft
notée, qu’ elle fera plus éloignée de 1 oeil du
fpeétateur *, elles les cachera d’ autant moins
qu’ elle fera plus élevée, parcequ’ elle fe diffipe
& devient moins denfe à mefure qu’ elle s e-
lève.
La fumée indique à la fois la force oc la
direétion du vent. Si le vent eft doux, elle
s’élève à -une certaine hauteur en fuivant une
direétion perpendiculaire avant de prendre celle
du v en t, & e lle conferve d’autant plus long-
tems cette direétion perpendiculaire, que le
vent a moins de force. C’ ëft qu’ elle eft pouflee
par le feu qui tend à s’éleve r perpendiculairement,
& elle ne perd cette impulfion qu’au
moment où la force du vent l’ emporte fur celle
du feu qui la lui a donnée.
Si le vent eft v io lent, la fumée'e ft chalïée
^par lui dès fon origine, & prend en nailTant la
direétion qu’ il lui imprime *, s’ il eft d’ une
grande impétuofité, & qu’il vienne de haut,
{J pèfe fur la fumée, & la forçç à (Jefoçndre,
dès le premier inftant de fa natflance. La marche
des nuages, la courbure de la tête des
arbres, les cheveux des figures, les plis de
leurs draperies, l’agitation des eaux, doivent
s’ accorder avec ces indications.
Les fumées, les accidens variés qu’y caufe
l’ agitation de l’a ir , les ombres qu’ elles portent,
peuvent fournir des effets de clair - obfcur très-
piquans : elles peuvent aufli procurer au peintre
par leurs différens tons, de beaux effets ae couleur
propre : car elies n’ ont pas une couleur
déterminée ; elles en changent fuivant les fub-
ftances qui alimentent le feu , & fuivant la
quantité 8c la qualité de la flamme. La fumée
des grands incendies, celle des fubftances légères
& faciles à s’ enflammer , telle que la
p aille , eft colorée par le feu jufqu’à une grande
hauteur : mais la fumée de ces derniers corps
eft légère*, celle des grands eaibrâfemens eft
épaiffe, & colorée de tous les tons que prêtent
à la flamme les fubftances hétérogènes dont
elle fp pourrit. £ Article de M* Lzvxsqve. J