
de l’e (prit & fuffire aux fatisfa&ions fentimen-
tales. ■ .
Comme ces combinaifons ne (ont jamais parfa
ite s, comme elles varient fans celle , les hommes
& les fociétés femblent deftinés à fe balancer
perpétuellement, dans les innombrables révolutions
des temps, de la barbarie à la civilifation
& de la civilifation à la barbarie.
Mais il rc-fulte de ces élémens que les hommes,
pour leur avantage , doivent contribuer au
foutien & au perfectionnement des Arts*
' Ce Dictionnaire efl deftinéN fpécialement à la
Peinture : cependant fa perfection entraîne des
rapports avec les autres talens libéraux, & exige
lé fecours de plufîcurs A rts méchaniquts tkfcien-
tlfiques j j ’ai défîgné ces différentes relations ,
fuivant leur ordre, à la fin du Difcours prélimi-
naire, t
• D’autres rapports enfin ont pour bafes les differentes
manières dont tous lès Beaux-Arts & par
conféquent la Peinture , peuvent être envifagés
par ceux qui les protègent, par ceux qui les
exercent, & par ceiix qui fê contentent d’en
jouir. C’efl fur quoi je vais-m’étendre.
Si leurs principes ou leurs opinions influent
néceffairement fur l’objet à l’égard duquel je les
envifage comme formant trois efpèces de claffes ,
il feroit utile que des notions élémentaires les ai-
daflènt à connoître , lorfqu’ils voudraient y avoir
recours , comment ils peuvent favorifer lès A rts
& comment ils leur nuifent.
Ce Dictionnaire contient les élémens relatifs
à ceux qui exercent la Peinture ; cependant,
comme j’y aipdreffé des obfervations aux deux
autres claffes, lorfque l’pccafion s’en efl préfentée ,
je vais hafarder encore dans cet article quelques
notions qui les regardent directement.
J e commence par la plus diftinguée, & raffuré
par une intention pure, je n’appréhenderai pas
que ceux qui la composent s’offeafent ,tfi je dis
qu’ils ne reçoivent pas toujours dans leurs infli-
tutions, fur l’objet dont il s’agit^ des idées affez.
juftes, affez grandes, & par conféquent aufli convenables
que le demanderoient l’intérêt des A n s
& leur propre intérêt.
L e s Arts libéraux: y trop fouvent regardés
comme objets agréables , leur font le plus ordinairement
préfentés fous cet unique afped , &
par conféquent dans un ordre beaucoup trop
inférieur à celui qui leur appartient & à des con-
noiffances plus importantes fans doute, mais dont
l ’importance n’a droit de rien'oter à la valeur des
autres*
Mieux éélairés fur la nature & les deflinations
des A r t s , ils reconnoîtroient facilement qu’aucun
d’eux nç doit être confidéré par les premiers de
nos fociétés civiiifées , uniquement comme objets
d’agrément, & je crois ce principe d’autant mieux
fondé que ïA r t même dont traite cet Ouvrage ,
paroît, comme je vais l’expofer, aufli indifpen*
fablement attaché que les autres, aux grands 8c
importans objets dont j’ai déjà parlé dans le Dif-.
cours préliminaire.
Si l’on parcourt, il efl vrai-, les différentes,
branches de talenS dont la Peinture fait partie 5,
on appercevra que les plus nobles deftinatipns.
dont ils font fufceptibles. étant plus/négligées
que dans les fîècles où ils ont joui de toute
leur gloire , les honorables titres dont ils étoient
décorés, doivent paroître trop élevés pour la plupart
des ufages que nous en faifons , & ^que
les genres lubordonnés étant beaucoup plus employés
de nos jours à ce qu’on qualifie d'agréable,
qu’à toute autre defiination, on a dû fe reflrein-
dre à nommer agréables les*4n s qu’on appellois
divins i on a pu même fe croire autorifé à le£
regarder , fous, quelques rapports ,. comme A r t s
de luxe , comme A rts inutiles, & peut-être com->
me Arts pernicieux, • | '
Mais l’abus des ufages & des. dénominations
ne charge pas la nature des choies , quoiqu’il
change les noms qu’on leur donne & les opinions
qu’on en a , & malgré les préjugés, il fera facile
encore, d’après quelques notions plus approfon-;
dies , que je vais offrir , de reconnoître les importantes
deflinations qui ont acquis aux A r t s la
noblefle & l’éclat dont ils ont jo u i, & que n’au*
roient pu leur mériter des ufages uniquement
agréables.
Si l’on parcourt enfuite tous les ufages, dont
ils font fufceptibles , on verra qu’indépendam-
ment des. objets de pur agrément, objets qui 9
fournis aux convenances, ne peuvent les dégrade
r, les branches les plus fubordonnées de tous
les A rts r & en particulier de ceux du Deflïn,
offrent encore des utilités fi grandes à l’induflrie,
& par conféquent des avantages fi importans. pour
le commerce & pour la richeffe des Etats, qu’ils
méritent une confidération trop, altérée, de nos
jours par des idées vagues & fiiperficielles.
Revenons fur ces premières, notions pour les
développer davantage, '
J ’ai parlé au commencement de cet Ouvrage
des cultes à l’occafion des A rts „ la liaifon de*ces
objets, peut préfenter quelque chofe d’extraordinaire,
d’idéal & d’incohérent. Si l’on ne confidère
pas que le premier. & le plus relpeâable des
cultes, le culte religieux lui^même ne pourroit
tomber fous les fens, ne pourroit être que per-
fonnel,. intérieur, &.confequemment dénué d’unanimité
, fans le miniflère des A rts libérau x,
c’éft-à-dire, le largage d’aétion ennobli q u i,
fe u l, exprimé & rnfpire rapidement aux regards
d’une multitude aflèmblée , les refpefts
dûs à la plus fainte des inflitutions: ; l’Eloquence.
fentimentale qui inflruit, exhorte , top-
che & confole ; la Poè’fîe & le Chant qui, en
exaltant, d’après les infpirations de l’ame , la re-
çormoiffance 3 les defirs., les voeux 8c tous leurs
différens
tfifferensaccens, les élèvent vers les d e u x , les
font entendre , les communiquent à un grand
.nombre d’hommes affemblés , & lès leur font
adopter, fi l’on peut parler ainfi , à Tuniffon ; par
l’Architeéture , qui donne lieu de réunir convenablement
les hommes remplis des mêmes fenti-
mens, & contribue par. des proportions & des
formes à entretenir en eux les impreflïons & les
fèntimens religieux objets de leur réunion ; par
la Sculpture & la Peinture enfin , propres à fou-
mettre aux regards , pour les mieux imprimer
dans fam é , tous les objets pofitifs ou figurés du
culte.
Ces premières notions, étendues à l’héroïfme
& au patriotifme , n’en acquerront que plus d’importance,
& fi elles paroifiènt fondées, les chefs
de quelque État civilifé que ce fo it, doivent regarder
effentiellement les A rts libérau x, non
comme objets d’agrément & de lu x e , mais pri-
mordialement comme langages des plus nobles
impreflïons & des fèntimens les plus élevés dont
les hommes foient fufceptibles. Il efl donc bien
plus intéreffant qu’on ne feroit induit à le pen-
le r , d’après les idées vulgaires,. que ces A rts
foient foutenus par des foins éclairés, & nous
verrons combien il l’efl encore que, perfectionnés
dans leurs plus importantes deflinations , ils foient
dirigés en raifon de leur u tilité, jufques dans les
moindres ufages , par ceux dont le privilège honorable
efl d’exercer ces nobles foins.
En effet, fi la perfection de ces langages efl
propre à exprimer I à communiquer, à infpirer
avec force & dignité les fentimens religieux,
héroïques & patriotiques , fi les difcours , les
accens , les repréfentatîons excitent & nourrif-
fenc l’émulation & l’enthoufiafme, l’imperfeCtion
des A rts ne peut que les altérer ou les dégrader,
en donnant lieu au ridicule & en excitant l’ironie
, impreflïons abfolument contraires & par
conféquent nuifîbles au but des grandes inflitu-
tions ; car la dérifion, fentiment vulgaire & fou-
vent groflier, fur-tout s’il efl excité par la feule
imperfeâion des formes matérielles., ne fe communique
que trop aifément à l’efprit, parce qu’il
flatte fon orgueil ou fa malignité, & qu’il le gêne
moins que le refped. D’ailleurs, qui ne fait que
les impreflïons des fens ont fur la plus grande
partie des hommes, un afcendant injlinftuel, fù-
périeur à celui de la raifon & fouvent au fenti-
ment même ?
Il efl donc, en effet, de la plus grande impor- ;
tance, pour le foutien des grandes inffitutions, que I
lorsqu’elles tombent fous les fens elles foient, le
moins qu’il efl poflïble, expofées à ce qui peut les
dégrader, & il efl d’un avantage indubitable pour
ceux qu’on fùppofe tout à la fois miniftres du premier
des Etres, exemples des vertus héroïques &
reprefèntans de la patrie, de porter à la perfedion
les langages de ces grandes inftitutions avec le s quelles
le rang qu’ils occupent les identifie,
B eau x -A rts , Tome I,
j S i , defcendant aux ufages moins élevés des
A rts lib é rau x , on s’arrête aux jouiflances agréa-
I blés dont ils font les inepuifables fources, ne
doit-on pas penfer encore que ceux qui, revêtus
de l’autorité & de la majefté , deviennent premiers
Magiftrats des moeurs , modérateurs des
opinions & même des goûts publics , font tenus
par ces nobles fondions, de diriger pour l’avan.*
tage des hommes^ qu’ils gouvernent les amufe-
mens meme de l’oifiveté à ce qui efl convenable
d’autant que la perfedion des plaifirs naît de leur
accord avec toutes les convenances , fouriens dé
l’ordre fans lequel il ne peut exifier de fociété
heureufe & agréable ?
Si les chefs de nos fociétés modernes defcem
dent enfin jufqu’aux dernières branches des A n s
en ne perdant point de vue la chaîne que je viens
de développer , ils appercevront que les induftries
propres aux exportations, je veux dire les manu-
fadures,' les profeffions où le méchanique efl ennobli
par le libéral, les objets ufuels utiles, & ceux
enfim qui composent ce fuperflu que la richeffe
des Etats, rend néceffaire & même indifpenfable
ne peuvent conferver une fupériorité avantageufe *
fi la fubümité des premiers genres , rejailliflànt
fur les féconds pour en augmenter l’agrément de
concert avec les convenances, ne fe répand pas
jufques ^fur les moindres, à titre de bon goût.
Y q u e l q u e s notions élémentaires fur la con-
noiflànce réelle des B eaux-Arts, que je croirois
pouvoir convenir aux chefs des fociétés. Paflons à
leur puiflance à cet égard.
Il efl facile de fentir qu’elle ne fàuroit être
coercitive. Les A rts libéraux font libre s, comme
l’annonce leur dénomination. L a force ne
peut pas plus les contraindre, qu’elle ne peut
Contraindre la penfée ; j’ajouterai qu’ils font plus
indépendants, car le génie q u i, dans les A r t s ,
efl la penfée dans fa plus forte énergie & fa plus
grande élévation, le génie enfin dont le droit efl
de maîtrifer les fens & de foumettre les âmes , a
plus d’armes contre l’efclavage que la penfée
prife dans le fens ordinaire. 9
Les dépositaires de l’autorité n’auroient-ils donc
aucun afcendant fur les Arts ? ils ont trois moyens
puiffans , non de les contraindre , mais de les favorifer
:
L ’infinuation par des difcours & quelquefois
par des mots , auxquels un fens jufle dans un
rang élevé, aflûre un effet plus prompt, & fou-
vent plus efficace que la loi même.
L ’exemple , moyen décifif quand nos chefs le
donnent, je veux dire, la manière dont ils emploient
eux-mêmes les A r t s .
5 Enfin , le foin d’offrir, à la Nation le plus
d’excellens modèles nationaux ou étrangers qu’il
efl poflïble , & d’infpirer , par l’eflime^ dont ils
les honorent, la préférence qu’on doit leur don-.
ner.
Comme il efl un A rt qui apprend à pratique^