
les- oppofitions de fa famille , lui faifoit dérober,
en ifavèur.du dèffin \ une.partie du teins qu’on
lui pfeferivoit de confàdrer aux études:": mais
l ’étendue des difpofitions qu’ il avoit reçues do
la nature , le fitréufïir à la fois dans l’ étude des
lettres & dans celle des arts. L’ Italie qui met
fa gloire à le compter au rang de fes - artiftes
les plus illuftres, le compte aufti parmi fes
bons poètes-, le recueil de. fes' versy en graride
pairtie écrit de fa main , eft préciepfement éôn-
fervé entre les manuferits d e ia bibliotheque:du
Vatican , & a été imprimé plufieûrs ' fois. La
dernière & la meilleure édition eft' celle de
Flo ren ce , 1 7 1 6 -, dédiée au Sénateur Philippe
Buonarroti, de la famille de l’ auteur. Ces poéfieS
reflemblent pour le lu je t , les idées & le ftÿle
à celles de Pétrarqub. Elles font l-’ exprefliort
d’un amour pur , dégagé du commerce des féns.-
Dans le fonnet fuivant , ôn croit entendre
Pétrarque déplorer la perte de la belle Laure,
qui lui fut enlevée par la fameufe peftë de
1348.
Quando il prjncipiode i.fôfpir rniei tant!
F y per morte ,dal ciel a l jn o n d o : to h ô ,
N atu ra , che -non fe mai si bel y o lto , ;
R e ilo in vergognaj, e chi lo y.ede in piantî.
O forte ,rea de i rtiiei defîri a.manti,
O fallaci fperanze ,, o fpirto fciolto ,
Dove se’ or ? La terra ha pur raccolto
Tue belle membra, e’L ciel, tuoi penlîér fana.
M a l'fi" credetre mo rte tfeerba "e rea
Ferma re i l fuôri d i tue= v irtu ti fpârte ,
C h ’ o b b lio d i le te ’ eftinguer lio n p o t e a ;
C h e fp ogliato d a - le î, -ben m ille ' batte
P a r lan di t e 5 ne per re’ I eieio avèa
J ja f s ù , fe n o n per m o r te , albergo^ è parte.
Le père à e.Mich el^A ng efe v it enfin obligé
de céder à l’impulfion irréfiftâhle de la nature,
& de.placerifon fils:, âgé de quatorze ans ,' chez
le Ghirlandaio. , dont la réputation s’érejndok
dans toute l’ Italie, i L e jeune élève acquit avec
une étonnante rapidité les talens qui lé rendent
encore aujourd’hui Pun des plus grands maîtres
des fculpteurs pour la fierté de l ’exécution -,
des peintres pour.la feience profondeTdu deffin -,
des architectes pour la. hardieffe de fés Corif-
truétions. S’ il n’avoiVétani peintre , ni ftatuaire,
il fe feroit fait le plus grand nom comme ar-
çhitecle par le Dôme de-Saint-Pierre 8c le palais
Farnèfe -, comme ingénieur civil par le pont de
R i alto à V en ife , & comme ingénieur militaire
par les fortifications de Florence.
I l faut remarquer qti’alors le même artifte;
étoit fou vent peintre y orfèvre:, archité&e ,;fta-
tuaire, fondeur, ingénieur , & f e ;fâifoit déjà
çqmpter parmi les* grands xnaîçres à l’âge-où
maintenant on n’ eft encore qu’ un farblè élève*
quoiqu’on ne cultive qu’ un fëul talent.,
Michel-Ange a portéfon caraétère dans fes ouvrages.
I l étoit fier , v io lent, inflexible , & ofa
réfifter plus d’une fois au terrible . Jules I I fous
qui fout fléchiffoit.
I l faifoit les études, de fes ouvrages aveej Ie>
plus grand foin , :8c les;exéôutoit-enfuke avec-
la plus grande célérité. On,dit qu’il ne fut quel
feize mois .à faire en bronzeia-ftatue de Jules I I ,
haute de cinq brafles ,. ftatuè dont la tête^feule'
a été conlèrvëe, & dont le r e f t é a été fondu
pour faire une pièce d’ artillerie. Il n’employa
que vingt mois a peindre la voûte de la chapelle
S ix te , & cependant il travail loir feul 8c.
n’ avoit même perfonne qui broyât fes couleurs.:
S’ il ;pafla huit ans à peindre dans la même
chapellé le jugement dernier, c’ eft qu’ il faifoit
en même-temps d’ autres ouvrages. Il tailloir
le marbre avec une hardieffe dont il eut quel-
uefois à fe repentir , car il à laifle imparfaites'
es ftatues qu’il n’auroit: pu terminer fans y
ajufter des morceaux , parce que', dans la fougue
du travail , il avoit enlevé trop de
marbre en certaines parties.
Moins fait pour éprouver les àffe&ioris douces
que les pallions véhémentes , I l a plûtôt cherché
dans la nature ce.qui fa:t la.force de l’homme
que ce qui en conltitue la beauté ; il a voulu
être grand , terrible, & a négligé d’être gracieux.
Profondément inftruit de l’anatomiè , il
a plus favamment qu’ aucun autre artifte.ex-!
primé lès emboîtemens des os , les attaches des
membres, l’ office & l’ infertion dés mufcles y
mais trop curieux de1 montrer fort érudition anatomique
, il femble avoir oublié que les mufcles
font adoucis par la peau qui les recouvre, 1 8c
qu’ ils font moins fenfibles dans : les enfans , les
femmes, les adolefcens que dans la force de l’âge
viril. Malgré fon aftèâation de fcience, que-
quelquès critiques n’ont, pas héfité à traiter
de pédantefque $ il n’a pas. évité le reproche
de n’ avoir pas été àüfli favant que les artiftes'de
l’ancienne Grèce qui étoiènt ennemis de" toute
afieélation. Ses femmes même femblent moins
deftinées à plaire , qu’ à lutter avec les plus v igoureux
athlètes. A force de vouloir être
g rand,;il a étédourd & à chargé les contours
de la nature.’ « Dans fes figures.,-dit Mengsy
» les articulations des. mufcles font fi peu dé-
» liées, qu’ elles ne paroiffent faites que pour
» l’ attitude dans laquelle il les a repréfentéès*.
a Ses chairs ont trop de formes rondes , & fes
» mufcles une grandeur & une force trop éga-
» les : on ne1remarqué jamais chez lui de muf-
» clés oififs , & quoiqu’ il fût admirablement
»foien liés placer, il ne leur donnoit pas le
» cara&ère convenable.
- i» Il ne poffédoit pas, dit un autre artifte ,.
» Reynolds, tant de belles parties que Ra*
yy phaël 5 maïs celles qu’ il avoit acquifeS etoient
» du genre le plus fublime. I l vit dans la peln*
» ture peu de chofe de plus que ce a quoi î ’on
» peut atteindre dans la fculptüre , oc il s’ y
» borna à la cori'èétion des formes & à l’expfeflion
» des paflions ». .(^eft dire affez qü’ il négligea
la couleur, ou plutôt il n’ aYoît aucune idée
de cette partie- de l’art qui fut inventée à V e -
nife par le Titien plus jeune que ltîi.-Quand
on lui montra, dans fa vieilleffe^ un tableau1 de
ce peintre , il en parut foiblement touché^1 8c
dit que ce maître auroit dû foutenir par là
correélion des formes les beântés &: les il-
Jufions du coloris. C’ éft la peinturé en huile
qui fe prêté lè mieux aux charmes-'de la couleur
, 8c il faifoit peu de cas de cette manière -
de peindre : il difoit que c’etbit ufte occupation
digne des; femmes 8c des enfans; 1
I l nous apprend lui - même dans une de fes
lettres, qu’ il modeloit en terre ou en ciré toutes
les figures qu’ il vouloit peindre. C’e fi à cette .
pratique qu’ il dut l ’ art d’ exprimer fi favamérit
les raccourcis. Cette méthode étoit famîlièré
aux grands* peintres de'ce* terns1* >& n’auroit
peut-être jamais dû’ être abandonnée, ILféifrblè i
qu’on fe rend un compte plus févèrê des formes i
quand on les repréfènte telles qu’ elles font ;
dans leur re lie f , que lorfqü’on les imite feule- •
ment jfur une fupérficie plane par le moyen du j
crayon ou du pineekü. Gès deux inftrumens’ont
à l’ aide d’un maniement adroit, & du cîair-obf- :
cur , un prefiige capable de cacher l’ighorànce
ou la négligence du copifte'. Un fculptëàrfort
médiocre ne 'commettroit pas'contre la jiifiéfTè ’
des formes & contre les proportions , les fautes
•qu’on peut remarquer dans les'‘’Ouvrages'’ de '
quelques habiles peintresi 11
I I ne faut chercher.dans les peintures de Mi- ;
chel-Ange ni là couleur , ni l’h,armonie , ni ;
l ’éheente de lâ compofition , ni’ l ’àft de jëtter
les draperies, ni l’ intelligènce du clair-obfcur,
n i l’ obfervation des convenances.-Quelle grandeur
avoit-il donc dans la feulé partie qu’ il
polfedoit, puifqu’ il a confervé fi long-tems toute ;
la gloire , lorfque tant de qualités lui man- ■
quoientq 8c, que ces ^qualités font ptfécifément
celles qui plailênt ? > ’
Mais s’ il confervé dès admirateurs, & fur- 1
tout fi le s figures dé fon jugement dêrfrièf font
toujours à Rome l?ob’jet des'étudès deis jelines j
artiftes, il a trouvé de févèrès' cenfeürs. On
•lui a reproché de m’avoir peint que de’ grof-
fiers ) porte-faix & des ; fervantes d’ hôtellerie -,
de n’avoir obfervé ni bienféance ni coftùme ;
d’avoir profané le faint lieu par la repréfentàtion
d’ une foulé de nudités; d’avoir obfervé une ;
difpofitiori symmétriquè dans tin fu jé t 1 où • la
nature entière doit'être dans tout le défordre '.
de la deftruâton ; d’avoir représente dans' un
fo jet chrétien le nocher Caron1 avec-fa barque;,!
d’avoir plus étudié le Dante que la doctrine de
l’ E g life , & de s’ être livré fans réferve à la bizarrerie
de fon imagination , au lieu de fe pénétrer
de la terreur religieufe qu’ il devoit
éprouver. ■ |é
Peut-être ne faudroit-il pas exiger de Michel-
Ange le s parties-de l’ar&-!qui' n’étoient pas
eonmiés; de'foh temps , la ^ ô u le u r , le clair-
obfcur ; 8c même 'la compèlftph' qui n’eft née
qu’apfèé lu i dü génie de Raphaël, La difpofi-
tiôn fyfnmétrîquej1 étoit le défaut de fes pré-
décéfleurs , ; & ce défaut étoit en poffeflion de
plaire1: il n’e fi1 pas donné même a l’homme de
génie dé s’élever à tous les* égards aù-deflus
de-fon fièclë : il eft des époques où c ’ë fi être
bien' gràfid qtre de s’élever au-dèftus' des Autres"'
dans quelques1 parties. ’Quant àux convë-
nâ'ncfes, ellès ne font pas une partie -corifiiru-
tiv;e de -lart, ’& elles peuvent fe trouver dans
l’abfence du ta iën f j-le plus mauvais Peintre
peut les' obferver fans que cette obférvatjoh.
lui 'dohrte à peine;un mérite de ’plusy^&f le
plus grand Peintre y manque, fans 'âvèir ,
ëomfne Peintre ] un mérite de moins!. • I l "fa^t
Idiié r l’-artifte quand il eft en même'temps,
Hiftorien , Antiquaire , Théologien , Philofo-
phe, fuivant les lu jets qu’il traite : mais il faut
Te lbiiér comme a r tifté , même lbrfqu’ il eft
fimplemënt artifte. Le but de Michel - Ange ,
obmmè le fut en général celui des'anciens artif-
fés • de là Grèce , étoit de montrer fa foiencè
du nud , 8c--te projet lui impofoit d’autres convenances
que celles du fujet : c’ëft donc â cès
Cortvënancès. qü’ il s’ ëft livré , & il ne pouvoir
‘confidérer fon fujét comme fes cenfeiirs ,
püifqü’ i r i é confidéroit avec des vues différen-
tès. S’il a introduit le fabuleux Caron dans
un fujet chrétien , les Poètes fàifoient alors
le même mélange de la Mythologie payenne
àvéc lés Vérités du Chriftianifine; Pardonnons
au Peintre ce qu’oii avoit pardonné au Dante,
à Sannazar. On l’ëxcuferoit plus difficilement
d’avoir négligé la grâce & la beauté, fi ces
qualités - euftent pu fe trouver unies aVéc là
force qui faifoit fon cara&ère , & qu’il a re -
préfentée dans toutes fes produ&ions. Ses figures
ont le genre de beaute qui s’àccorde avec
l’ extrême vigiieur , & non celle qui s’ accorde
avec lès grâces ; elles peuvent faire'dés aftions
terribles, & ne: feroîent pas propres aux actions
qui exigent une agréable fo’uplefle.
Michel-Ange aimoit la fôlitude. I l difoit que
la peinture étoit jaloufe 8c vouloit que fes
amàns fe livraient à elle fans réfervei ^
Jamaisj dit M. Reynolds il ne fe fit une
étude des agrémens. açceflbirés , '8c il femble
qtie' fbh ahie fublirrie avoit le droit de méprifer
lés parties inférieures de ’■ l’art.* Toutes fès idées
étoiehtéleyéëà ,'fublimes; fes figures fembloient
appartenir à un 'ord ré 1 fupérieur à l’hujnatiiré *