
ji8 MIN mais confidéré comme un mérite ; pour marcher
furement dans cette difcuftion , il faut
fe repréfenteç le minutieux dans le degré le
plus eminent
On a vu à Paris , en 17 66 , deux buftes de
Denner , peintre Hollandois, qui portoient la
datte de 1740.' L’un étoic un portrait de femme
allez noble, & peu jeune •, l’autre d’ un homme
dont la barbe longue d’ une couple de lign e s ,
ajoutoit encore à la trivialité de fon cara&ère.
Tous les détails de la peau, fes plis , fes pores
mêmes , les cheveux , les prunelles , les poils
étoient rendus par un f in i qui avoit befoin
de l’ examen à la loupe , comme on le fait
pour les mêmes petites parties dans le naturel.
Ce qu’ il y avoit d’admirable dans ces ouvrages
, c’ eft qu’ ils étoient en même temps aîTez
l'olides de maffes pour devoir être trouvés
beaux , dans un éloignement ordinaire. Alors ,
les détails difparoiffoient comme dans la narure,
& on jouiffoit de l ’effet d’ un bon enfemble.
C’eft affurément un grand & rare talent, que
de favoir ainfi copier parfaitement l'on modèle.',
jufqu’ aux plus petites parties qui le compofent ;
mais en réfléchiffant fur les grands principes
de l’ art de peipdre , nous fommes portés à
croire que cette grande recherche lui eft
non-feulement inutile , mais qu’ elle eft même
contraire, à fes premières lois.
En e ffet, que nous apprennent les premières
règles de la perfpeétive ? Elles nous difenc
qu’ un tableau eft la copie d’ un objet qui doit
être regardé d’une affez grande diftance pour
que fa totalité foit embralfée d’ un feul coup
d’oeil. Cet o b je t, comme l’ont propofé tous
les maîtres en cette fcience , eft canfé vû à
travers un chaflis repréfenté par les bords du
tableau , ou par Ÿarafement de fa bordure. O r ,
du point de diftance obligé félon toutes les
règles de l ’optique , à l’ objet propofé pour module
, il eft impoflible d’ appercevoir les détails
fubtils de la nature -, donc c’ eft un défaut que
de les exprimer ; donc c’ en eft un que d’être
minutieux.
Si cependant un artifte enthoufiafte de ce
genre de beauté, & rejettant le principe fondamental
que nous venons de pofer, fe livrait
au charme de cet excès de rendu, le confi-
dérant comme le plus haut degré de perfe&ion ,
il faudrait au moins qu’ il s’ approchât infiniment
de l’ objet pour y voir ces détails , en
fuppofant qu’il put le faire fans loupe. Mais
alors on fent qu’ il courrait le rifque de ne pas
conferver Yenfemble dans fon ouvrage : car
en approchant fi fort fon oeil de l’ objet naturel
, chaque point principal de fon obfer-
vation ferait autant de point de vue , & alors
dans la même tête, placée à la hauteur de fon
oeil j il pourrait V9Îr l’orbite en-deffous, & la
M I N lèvre inférieure , ainfi que le menton , en
deffus.
On nous objeâet a que Denner a fu conferver
fon enfemble perfpeétif avec tous ces détails : j mais qui le flattera d’ un talent fi. remarquable
& fi diftngué, fans lequel il n’eût fait que
des ouvrages ridicules ; qui pourra n’ être pas
effrayé des combinaifons laborieufes que cette
reunion de minuties & de l’ enfemble lui a
coûtées -, enfin qui pofsèdera la miraculeufe
perfpicacité de fon organe ?
Aufurplus, en convenant de tout fon talent,
qu’ en peut-il provenir de fi diftingué ? Rien
autre chofe, finon , qu’ il étoit le réfultat d’une
grande patience, d’ un efprit minutieux. Encore
ce réfultat, mérite de la difficulté vaincue , eft-il
perdu dès que~L’ on confidère l’ouvrage à une
diftance égale à celle que les objets de la
nature même doivent être confidérés par le
commun des organes , c’eft-à-dire , au moins,
à trois ou quatre pieds de l’oeil pour un petit
bufte.
| -Il nous refte à examiner à quel genre une
exécution minutieufe peut être convenable.
Nous penfons qu’ elle doit être l’apanage des
peintres de fleurs ; de d’autres petits \objets
délicats qu’ on fe plaît tant à confidérer de très-
près dans le naturel. C’ eft même à cette exécution
que les peintres de. ces genres agréables
doivent leur principal mérite, puifque leur travail
n’eft pas fufceptible de celui qui dépend
des hautes connoiffances, de l’imagination ou
des fentimens de l ’ame. Ainfi les minutieufes
beautés des Van-Huyfum , des Vezendael &
des Mignon , méritent notre eftime , par
le plaifir que peut procurer une fidèle & pré-
cieufe imitation des miracles de la nature.
Pour le portrait , nous penfons que la recherche
des détails minutieux en ôte prefque
toujours l’ efprit général & la grandeur , &
rend le peintre qui s’y livre incapable d’ ac-
querir les belles & nobles qualités dont
Lefevre , Champagne , de Troi père , V ela f-
uès , Van-Dick de le Titien nous ont donné
e fi grands exemples.
Mais fi l’on tolère l ’exécution minutieufe des
broderies & des dentelles dans les tableaux
ordinairement peu attachans par l’ impreflion ;
fi même elle devient un mérite effentiel dans
les genres dont le feul pouvoir eft de charmer
le sy eu x , elle eft abfolument intolérable dans la
fculpture* & dans le grand genre, où font déplacés
tous les détails qui peuvent diftraire du vrai
but de l’hiftoire & de la poëfie, qui eft d’ inf-
truire & de toucher •, où , non-feulement les
minuties des objets naturels ne font pas admif-
fibles, mais où ils ne faut que dégrader l’art ;
où loin de tendre enfin à piquer l’ intérêt par
la peinture détaillée de9 corps d iver s, on ne
doit exclufiyement employer Parc qu’à les
faire agir 8e exprimer par l’ excellence du
choix des agrémens & des formes. ( Article
de M . Ro bin - )
M IRO IR , ( fubft. mafc_) Quand tu voudras
voir* dit Léonard de V in c i, fi ta peinture eft
conforme aux objets que tu fais d’après nature,
prends un miroir y fais y mirer l’objet , & compare
cet objet avec ce que tu as peint. Le.
miroir eft p la t, & il te montre les objets relevés
; la peinturé fait la même chofe. La peinture
n’a qu’une feule furface *, il en eft de même
du miroir. Le miroir & la peinture montrent la
repréfentation entourée d’ ombre & de lumière,
& la font également paraître éloignée de la
furface.
Comme il eft aifé de Ce tromper foi-même,
dit Fé libien, en regardant toujours d’ une manière
ce que l’on veut imiter, & qu’ en demeurant
long-temps fur fon ouvrage , on n’ en re-
connoît plus les défauts , il eft bon de confulter
quelquefois le miroir 1 car en examinant toutes
les figures en particulier, on en découvre plus
aifément les défauts , le miroir étant un ami
fidèle qui ne flatte point, & qui a l’ induftrie
de retourner l’ouvrage d’ une autre manière -,
comme pour en fuppofbr un autre dont on peut,
juger fans prévention.
• De Piles confeille aux peintres l’ufage du
miroir convexe, qui enchérit fur la nature pour
l ’unité d’ objet dans la vifion. Tous les objets
qui s’y voyent font un coup-d’oeil & un tout
enfemble plus agréable que ne feraient les
mêmes objets dans un miroir ordinaire , & que
la nature même. I l faut fuppofer le miroir
convexe d’ une mefure raifonnable , & non de
ceux qui pour être parties d’ une trop petite
circonférence , corrompent trop la forme des
objets. Ces fortes de miroirs pourraient être
utilement confultés pour les objets particuliers ,
comme pour le général du tout enfemble.
M O
M O D E , (fubft. fem. ). Les modes , dans les
vêtemens, font quelquefois fi bifarres , & fi
éloignées de la véritable deftination des habits,
qu’ elles cachent & déguifent la nature. I l y
en a même qui la gênent & la contrarient au
point de la pervertir -, & quand elles ont
long-temps triomphé , elles empêchent de la
reconnoître, parce qu’on prend alors pour la
nature les changemens qu’ elles y ont caufés.
Qui , par exemple , dans nos villes où tous
les individus ont été maniérés par l ’art ,
n’eft pas perfuadé que la nature veut qu’on
porte la tête fort droite , & les pieds en
dehors. Cependant la ftruéture & la con^
nexien des os prouvent que telle n’eft pas fa
pofition naturelle des pieds, & dans un fu-
jet bien conformé, on reconnoît par la difpo-
firion des vertèbres que la tête doit être légèrement
inclinée. L ’aélion d’ avancer la poitrine
gêne la refpiration *, la nature ne veut donc
pas qu’ elle foit avancée. Pour tenir les genoux
tendus, il fakit faire un certain effort, & cet
effort prouve que cette tenfion eft un mouvement
peu naturel.
Si ron a le coude appuyé fans que la main
foit foutenue, cette main inaéfcive tombe par
fon propre poids, & le poignet s’ arrondit :
mais il y eut un temps où les maîtres de danfe
prononçoient qu’un poignet rond étoit une
difformité -, on les croyo it, & , contre le voeu
de la nature, les poignets ceffoient de s’arrondir
.L
a fituation la plus commode de chacune
des parties dans les différentes pofi-
tions du corps , eft toujours auffi la fituation
la plus naturelle , & par conféquent la plus
véritablement gracieufe , parce que la vraie
grâce eft toujours unie à la nature.
. On a jugé à propos , depuis environ quarante
ans, de' porter des fouliers pointus : il
a fallu que le pied fe formât dans ces moules
qui le bleffent *, ainfi les pieds des gens bien
chauffés ne font plus les pieds de la nature#
I l faut que les artiftes cherchent, pour cette
partie, des modèles dans les individus des
dernières claffes de la fociété , qui n’ont jamais
porté que de larges chauffures. Pour ne
pas imiter des pieds déformés par les fouliers
. a la mode , ils font obligés d’étudièr des pieds
déformés par les fatigue s, 8e par conféquent,
ils ne trouvent nulle part la nature dans la
beauté.
La nature , en deftinant les femmes à être
mères, leur a donné un vafte baflin, capable
de contenir le fruit qu’ elles doivent porter.
Cet élargiffement des hanches fait que , par
oppofition, la taille paraît plus fine \ conformation
qui a la beauté convenable à l'on
ufage , mais en effet moins belle par e lle -
même que celle des hommes qui eft plus coulante.'
Cependant les femmes ont outré ce défaut
, fi l’on peut appeller défaut, ce qui
répond au voeu de la nature. A force de fe comprimer
dans des corps de baleine , elles ont
obligé leur taille à contracter un étranglement
difforme , & , comme fi cet étranglement n’étoit
pas encore affez défectueux , elles ont ajouté à
îalargeur de leurs hanches par la parure qu’ elles
nomment panier, bouffant, & c . Par ces deux
moyens réunis, elles font parvenues à fe donner
une difformité durable , & à y joindre une
difformité poftiche.
Ce n’ eft pas, comme l’ obferve M. Reynolds,
un travail peu difficile au peintre, de diftin-
guer la conformation donnée par la nature , de