
n o t i o n s p r é l i m i n a i r e s .
L A P E I N T U R E E S T U N A R T L I B É R A L .
S i l’on cherche à démêler le germe des Arts libéraux dans la nature de l'homme
individuel, on l’appercevra dans une néceffité indifpenfable à chacun de nous d'exprimer,
de défigner, &. dans un penchant également général d'imiter ce qui frappe
nos fens.
Cette néceffité & ce penchant paroiffient réfulter de notre conftitution phyfique &
morale, & il femble que la confervation de notre exiftence y eft attachée, puifque fi
nous n’étions pas organifés de manière à exprimer extérieurement ce que nous reffen-
tons intérieurement, à imiter par des fignes ou des repréfentations ce que nous voulons
faire entendre & à le défigner, nous manquerions de moyens pour provoquer
l ’affiftance de nos pareils, qu’il nous eft indifpenfable de demander & de nous accorder
les uns aux autres.
La néceffité ainfi que le penchant dont je viens de parler exiftent donc dans tous
les hommes ; ils s’y foumettent & s’y laiffent entraîner, foit par inftincl, foit avec
intention , & ils fe fervent pour cela des moyens que leur fournit leur intelligence.
Les principes de la néceffité d’exprimer & de défigner, & celle du penchant à
imiter, auxquels il nous eft permis d’atteindre fans qu’il nous foit poffible d’aller plus
loin, font ce que nous nommons fenfatipns & fentiment; les premières attachées à
l ’inftintft ; le fécond à l’intelligence , mais dont les manifeftations s’opèrent , premièrement
:
Par des mouvemens ou aélion du corps, & par les fions que nous avons la faculté
d’articuler.. Nous y joignons enfuite ceux que nous parvenons à moduler:
Par les formes que nous favons donner à plufieurs matières flexibles ou dures,
pour les reftdre imitatives & expreffives.
Par les difpofitions ingénieufes & fignificatives que nous employons pour diftinguer
les bâtimens & conftruétions de toute efpèce qu’exigent nos ufages .& fur-tout nos
inftitutions,
Enfin par les couleurs que notre intelligence &. notre adreffe trouvent les moyens
d’appliquer & de fixer fur différentes furfaces plattes, de manière a imiter, à défigner
& à exprimer.
L ’emploi que les hommes réunis en fociété font de ces fix moyens, conftitue fix
efpècfes de langage. ' •
Dans ces langages l’expreffion & l’atftion de défigner appartiennent à nos facultés
les plus fpirituejles, étant le plus fouyent l’effet immédiat & inftantané du fentiment.
Mais il eft des imitations qui s’opèrent par des moyens lents; elles entraînent avec
elles un méchanifme qui affoiblit fouvent l’influence rapide du fentiment.
On diftingue les imitations par le caractère qui y domine le plus, & c’ eft cle-là
qu on peut appeller, quoique la dénomination ne foit pas parfaitement exaéle, les
unes imitations libérales, les autres imitations ferviles & médianiques. Beaux-Arts. Tome I, a ■