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H H A C H E R ( v . a&. ) c’ eft l’ art de difpo- |
1er des lignes ou traits à l’ aide du crayon, de
la pointe ou du burin , pour donner l’ effet aux
différens objets que l’on veut ombrer, foit en
defïin , foit en gravure. On hache aufîi en peinture
: c’étoit même une manoeuvre très - familière
aux anciens , comme on le voit par les
peintures antiques qu’on a découvertes. Pour
hacher, on fe fert de lignes droites, courbes
ou ondoyantes ; quelquefois on les combine
enfemble , en les croilant en forme de lozange
ou de quarré , ftiivant l’ objet qu’ on veut re-
préfenter. Le l’ens dans lequel il convient de
difpofer ces traits n’ eft par arbitraire : c’eft à
la forme , au mouvement, à la dureté , à la
raolleffe de la chcfe qu’on repréfente , aufîi bien
qu’ à la perfpe&ive , a indiquer le fens que doivent
fuivre les hachures, & fi elles fe doivent
combiner en lozange ou en quarré. Si l’ objet
eft rond , les hachures doivent être circulaires ;
s’il eft u n i, elles doivent être plates ; s’il eft
in é g a l, elles doivent participer de ces inégalités.
Pour exprimer u ne fubftance dure , elles
fe croifent quarrément, & pour exprimer un
objet qui a de la molleffe, elles fe coupent en
lozange. Enfin , pour parvenir à donner l’effet
convenable, foit a une gravure , foit à un def*
f in , le grand art eft de les varier , de manière
cependant qu’ elles indiquent toujours l’ inflexion
ou la forme générale des différens objets qu’ elles
fervent à peindre. S’ il y a plufieurs hachures
les unes fur les autres , ainfi qu’ il arrive le plus,
fouvent, il faut toujours que celle qui exprime
la forme de l’objet foit la dominante , en forte
que toutes les autres ne fervent qu’à la g la c e r ,
à la fondre , à en augmenter l’ effet. ( Article
de Vancienne Encyclopédie. )
H A C H U R E ( fubft. fém. ) fe dit des
lignes ou traits dont on fe fert pour exprimer
les demi-teintes & les ombres dans le deffin.
En gravure, ces traits fe nomment tailles. Il
y a des hachures fimples, doubles, triples, & c.
Les fimples font formées par des lignes parallèles,
les doubles, triples , 8c c. font formées
par des lignes qui fe croifent entr’elles. ( Article
de l'ancienne Encyclopédie. )
H A RDI (ad j. ) H ARDIES SE (fubft. fém. )
L a hardiejje e f t , dans la carrière des arts, la
marche d’ un homme qui va sûrement parce
qu’ il connoît bien fon pas & la route qu’il doit
fuivre i fa démarche a la grâce de la lib e r té ,
H
parce qu’ il ne craint ni de s’égarer , ni de fe
heurter , ni de tomber. On ne peut le confondre
avec l’audacieux qui court fans favoir où il v a ,
fe heurte , tombe 8c fe relève pour retomber
encore.
La hardiejfe fuppofe donc la fcience , ou elle
n’ eft que l’ impudence d’ un charlatan. L’homme
habile eft h a rd i, parce qu’ il a la confcience
de ce qu’ il peut -, l’ ignorant eft audacieux , car
ce qu’ il eft incapable de fa ire , il ne le connoît
même pas.
La hardiejfe répand un charme fîngulier fur
les ouvrages de l’ art. I l manque quelque chofe
pour plaire à ce qui eft même b ie n 'fa it , s’ il
eft fait avec timidité. Le fpeftateur fouffre de
la peine qu’ a fupporté l’a rtifte , 8c ce fentiment
diminue les plaifirs. D’ailleurs la timidité eft
un fentiment froid , & tout ce qu’ elle produit
devient froid comme elle. I l faut échauffer fes
ju g e s , fi l’on ne veut pas qu’ ils foient févères
& même quelquefois injuftes.
Un jugement prompt & fain , une pratique
aflidue font les vrais moyens de parvenir à la
hardiejje louable. Avec une théorie étendue ,
mais tans pratique , on exécute timidement ce
que l’ on fait -, on conaoît bien ce que l’on doit
faire , mais on le fait avec peine : c’eft, en tout,
la. grande habitude qui eft la caufe de l’ai-
fance, 8c c’ eft l ’aifance qui produit la hardiejje.
On eft timide, quand on prévoit qu’on pourra
manquer ce qu’on fe propofe -, on eft hardi
quand on a coutume de faire 8c de réuflir.
De grands maîtres ont été timides dans l ’exécution
; mais ce n’ eft pas leur timidité qui fait
leur mérite. E lle eft toujours un défaut j & ,
comme nous l’avons dit ailleurs , il n’eft aucun
défaut qu’on ne puiffe exçufer par l’exemple
d’ un maître.
On peut dire qu’ il eft des défauts qui nui-
roient moins au fuccès que la timidité , parce
qu’ elle femble annoncer des fautes, même lorf-
qu’ il n’y en a pas. Sa marche incertaine paroît
toujours voifine de la chute--, & comme elle
ne montre pas la sûreté qui promet la réuftite,
on ne peut croire qu’ elle ait réufïi. Le mot
d’un profeffeur de l’ art ne manque pas de juf-
tefle. « Si. vous faites des fautes , difioit - il aux
» élèves , fàites-les hardiment ». Ce mot ref-
femble à celui de Voltaire qui difoit à un jeune
poète tragique : « Frappez fo r t , fi vous ne pou-
» vez frapper jüfte ». Mais Voltaire ni le profeffeur
ne difoient : a Faites des fautes, ne
» frappez pas juftç ».
Il A R
S?il eft un moyen d’éviter les fautes en rra- ;
vaillant hardiment, c’ eft. de fe rendre compte
d’avance , par une efquiffe arrêtée , de l’ordonnance
des formes , de l’ effet & de la couleur.
Mais ce moyen devient infuffifant, fi l’on n’a
pas l’aifance & la pratique du fa ire .
* Tout cet article peut fe réduire à un vers de
la Fontaine :
• Travaillez, prenez de la peine.
C’ eft èn prenant de la peine qu’ on acquiert ƒ
la fa c ilité , 8c c’ eft la facilité qui donne la
hardiejfe. ( Article de M . L e vés que. )
HARMONIE, (fub ft. fem. ) . U harmonie ,
félon les Grecs, écoit fille de Mars Sc de Vé- !
nus : charmante allégorie, q u i , mariant enfemble
là force 8c la beauté , leur fait produire
l’ordre , dirigé vers le plaifir & la fé licité
des êtres.fenfibles; ordre qui, fans doute,
•eft néceffaire à la latisfaélion des dieux , comme ;
aux bonheur d^s hommes.
Examinons ? harmonie dans l’ art dont traite
cet ouvrage, d’ après l’ idée allégorique des
anciens, en laiffant nos leéleurs en faire une
application plus vafte à tout ce q u i, parmi les
hommes, eft fufceptible de force 8c de beauté.
Le mot harmonie s’applique dans la peinture
à la couleur, au clair-obfcur, enfin à l’ en-
femble d’une compofition. On d i t , ce peintre
a une couleur harmonîeufe \ la .connoijjhnce
qu’i l a du elair-objeur donne beaucoup d'harmonie
à J a couleur j enfin , i l y a une harmonie
charmante dans le tout enfemble de cet
ouvrage.
Si nous fuivons le fens étymologique dans <
■ ces différentes acceptions , nous dirons que
l’harmonie de la couleur corififte dans la force
du coloris, qui dans chaque objet repréfenté ,
*en fait approcher, autant qu’il eft pofîible ,
l ’imitation au degré des objets imités , 8ç dont
la beauté vient du choix de ces objets & du
foin que le peintre doit prendre de ne pas;
falir fes teintes, en les accordant pour les rendre
harmonieufes.
Le mot harmonie appliqué au clair-obfcur ,
fuppofe de même que l’ar-ifte, ayant bien
étudié les effets innombrables de la lumière ,
a choifi dans une compofition ceux q u i, pro-
duifant les plus grands effets , doivent y répandre
un charme qui attache les regards.
Enfin , dans le tout enfemble, le mot harmonie
fuppofe que la difpofition de toutes les
parties eft telle qu’ elle concourt à l’énergie
que comporte le fu je t, par conféquent à la
forte de beauté qu’ il doit produire.
L’ordre, comme on le voit , eft indifpen-
fablement Lé à ces idées ; car f i , dans la
«couleur , on n’écoit-occupé que de la force &
<ée la beauté des teintes , le tableau peint avec
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ces difpofitions, pourrait fort bien n’ être pas
harmonieux 8c n’ être pas même d ’accord. L e
clair-obfcur fournis , comme je l’ai d i t , aux
loix des deux fciences exaétes , la perfpe&ive
8c les règles d’ incidence & de reflexion des
rayons de la lumière, établit plus néceffaire-
ment cet ordre indifpenfable pour l’harmonie
de la-couleur. Ce qui fait qu’ il n’ eft guère
pofïible de concevoir Vharmonie de la couleur,
fans fuppofer l'harmonie du clair-obfcur.
Cependant la pratique apprend aux artiftes que
certaines couleurs par elles-mêmes 8c relativement
les unes aux autres, fomblent fe
prêter plus facilement à l’harmonie que d’ autres.
Il en réfulte que la plus parfaite harmonie
de la couleur, celle qui fatisfait davantage
les regards , confifte non-feulement dans la
fucceÜion des teintes modifiées félon Fcrdre
de la lumière 8c des ombres , mais encore
dans un choix de couleurs dont une infinité
d’objets laiffenc la difpofition au peintre.
U harmonie du coloris & celle du clair-obfcur
font principalement jugées & • fenti.es par l’or-
gane de la vue. Si elles influent fur l’ efprit
8c fur l’ ame, c’ eft par le repos fatisfaifant dans
lequel elle laiffent le regard, repos qui laiffe
à l’efprit 8c à l’ame plus de facilité pour être
affeélës 8c touchés.
On peut encore pouffer plus loin les droits
des harmonies dont j ’ai parlé , en confidérant
que l'harmonie du coloris & dû clair-obfcur
peuvent acquérir, par les foins & l ’habileté de
l’artifte, quelque différence de caractère , 8c
que ces différences bien affames aux fujets ,
doivent, par l’ impreffion qu’ en reçoit la v u e ,
préparer l’ ame à des affrétions relatives à ces
fujets , les faire durer & les fortifier.
Une harmonie c la ire , aimable, 8c en quelque
façon riante, ajoute aux charmes d’ un
lujet agréable \ une harmonie plus fombre peut
convenir à dés fujets trifte s, & il peut y avoir
pour les artiftes de génie quelques nuances
intermédiaires entre les points principaux que
j ’ai défignés.
On peut objeéter q u e , dans la nature, une
{'cène infiniment touchante , pathétique, déchirante
, fe paffe fouvent dans un lieu , ou fe
trouve éclairée par un jour qui n’ a nul rap-
. port avec le caractère de l’événement, & cependant
elle n en caufe pas moins toutes les im-
prellions qui lui appartiennent. I l réfulteroic
de cette obfervation que l’ expreflion devrait
abfolument l’ emporter fur toutes les autres parties
de la peinture -, mais on ne réfléchit pas,
en appuyant trop excluüvement fur cette préférence
, que dans les evénemens que nous offre
I la nature -, on compte pour rien ' la nécefuré
cù elle e ft d êrre fans ceffe fouraife aux loix
8c aux effets de la lumière qui produit l'har-
' morne, 8c au ju^e enfemble des corps qui pro