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M É L A N G E , ( fubft. mafc. ) . I l Te fait un
mélange gradué de couleurs fur la palette ,
lorfque le peintte y prépare Les teintes. I l s’ en
fait un fécond mélange lorfqu’ il fond fes teintes
fur la toile , l’enduit, ou le panneau.
M ÉLANG E de la mythologie antique avec
des perfonnages modernes. Ce mélange eil aulfi
vicieux dans la peinture que dans la poëfie ;
les peintres fe le font permis dans un temps
où les poëtes fe le permettoient éux-mêmes -,
Michel-Ange a été févèrement repris d’avoir
introduit, dans le tableau du jugement dernier
, un démon nautonnier, q u i, dans fa barque,
paffe les âmes au féjour infernal. On a, condamné
, dans les tableaux de la g a le rie , peinte
par Rubens , au Luxembourg , ces diviippés du
paganifme introduites parmi des chrétiens.
Mais on peut obferver que ce ne font plus des
divinités , mais de Amples figures allégoriques,
de fimples perfonnages ïconologiques, & que
Rubens, en traitant poétiquement fon fu je t , a
cru pouvoir y parler le langage de la poëfie.
C’ eft ainfi, que fur des tombeaux placés dans des
églifes chrétiennes , Hercule n’ eft plus le fils
de Jupiter, mais le fymbole de la force & de
la valeur ; l’amour, avec fon flambeau renverfé ,
n’eft plus le fils de Vénus , maïs le fymbole de
l ’ amour maternel, de la tendreffe conjugale, & c .
On a aufli blâmé le Pouffin d’avoir fait un mélange
du naturel & du métaphyfique ; d’avoir
par exemple, dans le Pyrrhus fauve, peint un
fleuve naturel, & fur fes bords un fleuve'mé-
taphyfique, un Dieu fleuve;; ce qui eft aufii
déplacé, difent fes critiques, que fi après avoir
peint une rivière, il eût écrit à côté, ceci ejl
une rivière'.
Ce n’ eft pas là une faute qui.puiffe détruire
la réputation de fageffe que s’ eft acquis le
Pouflin ; mais il ne faut pas l’imiter. Michel-
Ange eft inexcufable d’ avoir placé dans le fujet
facré du jugement dernier un diable qui conduit
une barque, parce que, dans notre croyance,
il n’ y a point de fleuve qui mene aux enfers ,
& que ce nautonnier & fa barque, ne préfentent
aucune allégorie. Quant à Rubens, il a fait ,
dans la galerie du Luxembourg , une trop
belle machine du mélange des perfonnages
naturels & allégoriques, pour qu’ on ofe le condamner
: mais fon exemple ne doit pas engager
fes fucceffeurs à introduire l’allégorie dans
l’hiftoire. C’ eft bien moins dans la repréfen-
tation des perfonnages inventés par les anciens
poëtes , que dans celle des mouvemens qu’impriment
les affeélions de l’ ame , que confifte
la poëfie pittorefque, ( Article de M . L e -
VESQUE. )
M ÉLANG E . Dans la pratique de la gravure
en taille douce, on donne ce nom à une fubf-
M É P
tance dont on couvre le v e rn is , pour que fo
travail ne foit pas trop mordu par l’ eau-forte.
M É N A G E R , ( v . a â . ) . Ménager des effets
heureux, de beaux effets, c’ eft le réferver le
moyen de les produire. Ménager fes teintes ,
c’eft prendre foin de ne les pas brouiller.
Ménager 4e blanc, le n o ir , c’ eft ne les pas
prodiguer. Si l’on ne ménage pas le blanc, on
tombe dans la farine; fi l’on ne ménage pas le
noir, on devient dur. Le noir demande d’ autant
plus à être ménagé, que les couleurs n’ y
pouffent que trop avec le temps.
En général1 il faut ménager, c’eft-à-dire
employer avec beaucoup de difcrétion les grands
mouvemens, lesëxpremons violentes, les contraires
marqués d’attitude & de grouppes, les
maffes tranchantes d’ombre & de lumière, le
nombre des perfonnages, les richeffes de luxe,
les ornemens recherchés , les teintes éclatantes :
c’eft le moyen de parvenir au fimple , qui toujours
accompagne le beau.
M E P L A T , ( a d j . ) . Une ligne méplate. Il
fe prend aufli fub flan rivement ; de beaux
pla ts . ï\ femble que ce mot fo difo pour mi-,
p l a t , à demi-plat.
Ilfe ro it difficile de donner, parle difcours ,
une idée précife de cette ligne , qui d’ailleurs
n’ eft pas toujours abfolument la même , & qui
varie autant que les différentes formes du
corps humain qu’ elle décrit : le méplat du
deltoïde n’ eft ni celui du biceps, ni celui des
gémeaux. Le méplat, dans la nature des hommes,
approche plus de la ligne droite ; & dans
la nature des femmes, de la ligne circulaire, j
Les formes d’un beau corps ne font pas rondes ;
elles feroient lourdes : elles ne font pas droites ;
elles feroient roides. Elles tendent plus ou
moins, fuivant les parties , fuivant les âges ,
fuivant les fexes , au rond & au plat , fans
être jamais plates ni rondes ; & c’eft cette
tendance de la ligne droite à la ligne circula
ire , & de la ligne circulaire à la droite , qui
confticue la ligne méplate. Le méplat eft donc
un arc furbàiffe, ou une ligne qui femble tendre
à la ligne droite, & qui prend cependant
une légère rondeur.
Dans l ’enfance de l’art , quand ôn n’avoit
pas encore appris à bien voir la nature , on re-
préfentoit roides les parties qui tendent le plus
à s’applattir ; 8c comme ces dernières parties
dominent , il réfultoit de cette méthode une
roideur contraire à la 'n atu re , qui conftitùe le
câraétère gothique.
Au lieu de tracer ici des lignes pour démontrer
différens méplats, je crois qu’ il fuf-
fira de renvoyer à la nature, ceux même des
ledeurs qui ont le moins d’ habitude de la con-
fidérer avec des yeux d’artiftes. Regardez
profil un front ; s’ il eft rond ou plat 9 il eft
dëfeéllieux : un beau front vous offrira une
ligne méplate. Un autre méplat fera offert
par le menton. Ce qu’on appelle vulgairement
le gras de la jambe , vu de race ou de p rofil,
prêfente un grand & beau méplat ; des lignes
méplates, tracent toutes les formes de la main 8c du pied. Sous quelque point de vue que l’on
confidère un ch e v a l, on verra fes différentes
formes tracer de belles lignes méplates , qui
annoncent fa force , fa foupleffe 8c fa légèreté.
Les animaux plus lourds tendent plus , dans
leur enfemble, à la ligne circulaire.
Les lignes méplates donnent au defîin de la
fermeté j les lignes arrondies de la pefanteur
& d e là mollefle, les lignes angulaires de la
dureté.
Si la nature s’ arrondit dans quelques-unes
de fes formes, c’ eft pour retourner promptement
au méplat. Après l’ arrondiffement de
l’humerus , vient le méplat du deltoïde : les
gémeaux tendent à s’arrondir vers leur infer-
tion, 8c ils font aufli-tôt fui vis d’ une forme
méplate.
J ’ai dit que la nature s’ arrondiffoit dans '
quelques parties ; mais je n’ai pas dit qu’ elle y
fût ronde : elle ne l’eft jamais.
Au lieu de faire confiftèr la beauté dans la
ligne ferpentine , ondoyante flamboyante ,
il vaudroit mieux la faire confiftèr dans la
ligne méplate, puifqu’ elle fé forme des différentes
variétés de cette ligne . C’ eft ce que
M. Falconet a infinué par la ligne de beaûté
qu’il, a oppofée à celle de Hogarth. L
Le bras accompagné de la main, étudié avec
confiance & avec fo in , donneroit, je crois ,
l’ idée & l ’habitude de prefque tous les grands
& petits méplats que l’art peut employer.
Cette étude conduiroit bientôt à deffiner aifé-
ment la figure entière. ( Article de M. L e -
vesque ).
MESQUIN, ( a d j.) . De l ’italien mefchino , ’
pauvre, petit, miférable. Le'defiin eftmefquin,
il l’on s’arrête aux petites formes de la nature
à fa pauvreté , fes mefquineries, au lieu de fai- i
fir fes belles & grandes formes. La compofition
eft mefquine, fi elle n’offre pas la richeffe du
fujet. L’exécution eft mefquine , fi elle eft
feche , & timide. La manière eft mefquine fi
elle eft petite, froide, léchée. Enfin le genre
eft mefquin fi , petit par lui-même , il n’eft
pas rélevé par la beauté de l’ exécution. Le
choix peut être tellement mefquin, que toutes
lés reffources de l’art puiffent à peine l’ excufer
aux yeux des perfonnes délicates. T e l eft celui
de certains peintres hollandois, qui ont pris pour
fujets de leurs tableaux un fale gueux , fe
grattant 1 aiffçlle ; un autre fe panfant un ulcère ;
wn payfan iv r e , yomiffant le vin dont i l s’eft
I furchargé l’ eftomac. T e ls font pourtant les
ouvrages que nous voyons fouvent porter à de
très hauts prix dans les ventes par de très
nobles acquéreurs : 8c c’eft ainfi que la ri-
cheffe récompenfe la dégradation de Tart i que
diroient les Raphaël , les Pouflin , les Rubens
£ ( L .) .
M EU B L E R , ('verb. aél. ) . Ce tableau eft
bien meublé, c’ eft-à-dire qu’ iL e f t bien décoré
de meubles fomptueux, de riches ornemens,
.d e brillans uftenfiles. On fent que ce terme
étoit autrefois inconnu dans la langue des arts,
lorfque les grands maîtres faifoient confiftèr la
vraie richeffe dans une belle & noble fimplicité.
On peut croire que les peintres ont cherché à
bien meubler leurs tableaux, quand un fenti-
ment fecret leur a fait comprendre que la richeffe
des meubles feroit le plus grand intérêt
qu'ils pourroient y mettre. Les grands peintres
des affe&ions humaines , de la beauté des formes
, ont - médiocrement recherché la gloire
d’ habiles peintres de meublés.
Si , par ce mot pris métaphoriquement, on
entend garnir un tableau d’ un grand nombre,
de figures , il n’ étoit pas non plu s, dans ce fens,
à l’ul'age des grands maîtres de l’école romaine
8c de leurs imitateurs. Us évitoient de multiplier
les figures dans leurs tableaux , & , en
faifant de grandes choies ,. ils fe piqüoienc
d’oeconomifer les moyens. ( L . ) .
M É T IE R , ( fubft. mafc. ).'‘ C’ ëft le nom
que l’on donne à tout art méchanique & manuel
& même à la partie méchanique des
arts libéraux. La poëfie a fon métier, qui confifte
dans le talent d é faire des vers. L e talent
d’écrire, celui d’obferver de certaines règles ,
fondées fur la raifon , ou imaginées pour donner
des fecours à l’art, forment le métier de ■
l ’éloquence. Ces exemples font affez connoître
que le métier, porté à fa perfeélion , ne tient
pas uniquement a des reffources méchaniques,
& qu’ il exige encore des qualités intellec-.
tuelles.
Les articles exécution, fa c i li t é , f a i r e , fa i t ,
! méchanifme, manoeuvre, & c . appartiennent au
i métier des arts qui dépendent du.defîin
> On borne ordinairement le métier de la
peinture à ce qui concerne le maniement du
pinceau ; mais nous croyons pouvoir lui donner
une bien plus grandè étendue : le talent de
bien defliner 9 celui de compofer, îorfqu’ il fe
borne à un bel agencement de figures , de
grouppes, d’acceffoires, l’intelligence du clair
obfcur, celle de la couleur, toutes ces qualités
portées jufqu’au point de perfe&ion qui fa-
tisfait aux principes , mais inférieures à la
perfeàion qui conftitùe le g énie, font autant
de parties d’ un métier qui ne jouit d’une grande