
firs de fûccès , les chefs - d’oeuvre antiques , & fî
vous y entrevoyez la beauté id éa le , lufpendez
votre crayon, & admirez avec le refpeét religieux
au’impofe le fublime des textes fàcrés. Craignez,
lur-tout, craignez ceux qui commentent ou pa-
raphrafent.
S i vous êtes ravis d’admiration en regardant
& en deflinant l ’Apollon antique, fî votre ame
èft fâifîe de l’expreflion célefîe qui s’y joint à
toutes les beautés des formes ; que vous ferviroit
eu’iin des plus célèbres enthoufîaftes du beau
idéa l & de l’antiquité vous dît : « L ’idée de la
» beauté eft comme une fubftance abftraite de
» la matière par l’adion du fe u , comme un ef-
» prit qui cherche à fe créer un être à l’image
» de la première créature raifonnable,formée par
» rîntellîgence de la divinité
Entendrez - vous ce langage d’un homme *
digne d’ailleurs de la plus grande eftime par les
connoiffances, fon érudition & fon defîr d’infpirer
c e qu’il reffentoit à la vue des chefs-d’oeuvre antiques
? non fans doute. Craignez.donc de perdre,
a le comprendre, le temps que vous devez employer
à fentir & à pratiquer; mais gardez-vous
également de vous jetter dans une extrémité
trop oppolee > gardez-vous de tourner en déri-,
fion ce qui a rapport à la beauté idéale ; vous
vous verriez entraîné fî rapidement à l’imitation
de la nature vulgaire, plus facile à faifîr , que
vous croiriez peut-être enfin le, choix, même peu
nécefTaire ; vous defcendriez d’une perfection
trop élevée pour vous, à uh mérite trop inférieur
même a vos. forces , & ce feroit un égarement
plus blâmable que celui que vous vouliez éviter .
C’eft dans le choix comparatif que confite la
perfeétion moyenne, qui malheureufèment fiiffit
a nos idées arùelles modernes ; mais par le
choix délicat, par le choix le plus parfait, vous
vousrapprocherez. au moins du. fuhlime. N’éteignez
donc pas un defîr d’élévation qui foutiendra
votre talent à la hauteur de votre ame, & que
par l’émulation des fùccês, par l’étude des beautés
qu’ont atteint les plus célèbres Artiftes , par une
fecrette înfpiration enfin , vous Tentiez que le
fublime, bien qu’on le nomme id é a l, n’eft pas
chimérique.
Après vous être exercés de bonne heure &
long-temps à l’imitation des modèles qui vous
font offerts, par vos maîtres , premièrement fans
autre but que d’imiter exactement, exercez-vous
par des çomparaifons fréquentes & méditées, à
apprécier & à choifîr. Hafàrdez d’après, l’apper-
cevance dé ce qui eft plus ou moins beau dans
vos modèles , de fubftituer aux parties dont vous
»’êtes pas fatisfait par l’idée plus élevée que
vous prenez de la Nature, d’autres parties que
Votre fentiment appuyé de principes inaltérables.,
vous fera concevoir comme plus parfaites..
Donnez enfin, fi vous avez reçu quelque étincelle
du flambeau qui anima Homère ou Phidias,.
un elfor libre à votre imagination, & élancez-vous
vers le fublime.
L e génie peut feul diriger ce v o l , & les avis
qu’on tenteroit de vous donner en ce moment
reffembleroient à ceux qu’Apollon donnoit a fon
fils : » Dirigez, lui difoit-il, votre char de ma-
» nière à éviter les périls qui s’offriront à vous ;
» modérez quelquefois vos courfiers., poufFez-les
» à propos; craignez de vous égarer dans les
» vaftes efpaces que vous voulez parcourir ».
C’étoit un Dieu qui inftruifbit un jeune héros ,
& cependant le héros fe perdit.
Pour offrir encore quelques notions. & même
; quelques confeils à ceux qui fe croient en droit
1 de guider à leur gré , le crayon & le cife.au des
: Artiftes , parce qu’ayant l’avantage de les. employer,
ils prefcrivent des évaluations pécuniaires,
au talent & même au génie , je hafarderai de leur
dire :
Vous eft - il - donc poffible , d’après vos
occupations , vos diflipations, vos defoeuvre-
mens , d’acquérir a (fez d’idées libérales pour atteindre
dans les Arts, 8t l’oferoisrje dire , dans
les fentimens même , à la beauté & aux perfections
que nous nommons idéales ou fublimes i
Ce que vous pourriez & qu’on doit vous demande
r, c’eft de laiffer au moins un libre & jufte
effôraux Artiftes , & de ne pas les qflfervir à des
choix dont la préférence n’eft fondée que fur vos
affeâions perfonnelles. L a vérité qu’il feroit
avantagëux de vous faire reconnokre encore 8c
qu’on ne peut trop vous répéter, ç^’efl: queNles
fatisfa&ions que vous cherchez dans les Arts fe-
roient beaucoup plus grandes & plus durables , fi
elles dépendaient moins de vos décifîons & de
vos caprices.
Ecoutez donc les Artiftes ; mais vous leur ôtez
fouvent la faculté ou le courage de vous eclai-
rer, parce qu’ils ont-.malheureufement un plus
indifpen fable befoin de ceux qui les emploient &
les protègent, que ceux-ci- n’ont befoin réellement
d’Artiftes habiles & éclairés.
B EAU T É . L ’article Beau a précédé celui-ci,
parce qu’il en a le droit dans l’ordre alphabétique.
J e penfe même, & je l’ai fait obferver,
que , relativement aux Arts dont il eft queftion
dans ce DiéHonnaire particulier, le beau préfente
un fens plus général, & le- mot beauté une idée
plus pofîtive. Cependant il eft nécefTaire de dif-
tinguer encore, dans la manière dont on peut
employer ce dernier, deux acceptions principalement
différentes.
Quelquefois le fens du mot beaute eft. à peu de
choie près celui du mot perfection. On peut dire
alors que le Peintre a atteint ou a approché
; beaucoup de l’idée qu’on a de la perfection de
, l’A r t , & l ’on a pour b a fe , ou des connoiffances
acquits.*
acquîtes, ou des fenfations pcrfonnelles. .Mali,
lorfqu’on prononce le mot beauté ,■ en admirant
une figure peinte dans un tableau, I on entend
le plus ordinairement la repréfentâtion la plus
parfaite ou la plus convenable, ou la plus agreâble
d’un homme ou d’une femme , & ces diftinâtons
dans l’idée qu’on fe forme alors, délignent que
cette idée ed quelquefois plus particulièrement
relative aux 'fens, quelquefois a 1 efprit , quel-
quefori au fentiment ; ce qui s accorde avec les
notions que j’ai données dans 1 article I-.eaü.
Lors donc qu’on fe récrie fur la beauté d’une
feran\e peinte par un excellent Artifte, cette
exclamation fe rapporte le plus géneralenient,
pour parler un- langage poétique , ou bien a
Vénus célefte , embleme du fentiment 8c de le f-
p rit, ou à Vénus terreftre , emblème des differentes
fâtisfaéUons Ües fens* .
Si l’exclamation fur la beauté fe -rapporte à
une figuré d’homme , elle a ‘pour objet la per-
feâion dont eft fùfceptible Thomme , relativement
a fa nature , ’ à l ’âge , à la circonftance ,
Ou ; pour -parler; plus généralement , aux couver
r.ances, aux' consentions établies & aux bien-
fean’cës. ' ’ . . • , . ~
Mais le mot beauté n’exprime le complément
d’idée dont il. eft fùfceptible , qu’autant qu’il
s’agît principalement dans un ouvrage artiel diine
figuré e n t iè r e & que cette figure, ou nue , ou
artiftement couverte, peut laiffer juger de fon
cnfemble, ainfî que des details des parties qui
la conftituent car , fans cela , lé mot beauté,
appliqué comme i l l’eft le plus fouvent, parmi
nous-, au vifage '& au büfte feulement, fe trouve
alors reftrâint| & l’idée qui en réfulte eft tres-lcun
d’être complette.
Il eft encore nécefTaire que la figure a laquelle
on adapte le mot beauté, exprime, indépendamment
de ce qui vient d’être d it, une aétion ou
un fentiment, - ou bien une idée fpirituelle qui
anime là perfedion phyfîque. ; & puifque la
beauté naît, comme je l’ai dit fîgurément, dés
idées 'appartenantes à Vénus , c’eft l’amour^ qui
naturellement a le droit le plus ^general d animer
la figure, .& de donner plus d’intérêt à Tes formes.
& aux.parties qui la compofent ; mari cet
amour peut être , ainfî que fa mere , ou fpirituel
& fentimental, ou fenfuel. Auffi dans le» ouvrages
que produit la Peinture , . ce font les fujets &.
les figures dé ce genre qui infpirent le plus généralement
la dénomination dont il s’agit dans cet
article.
Ces fujets & les figures dont je parle , font
en grand nombre & fufceptibles d’être infiniment
varîés & nuancés , d’après les a&ions, les faits ,
les hiftoires consacrées, & fur-tout d apres celles
qu’on tire -de la Mythologie , parce que les Fables
Grecques offrent dans les faits qui la conftituent,
dans les allégories qui lui font propres.,
Beaux-Arts, Tome I,
& dans celles qu’on en a tirées, les relations les
plus heureufes des fenfations , des fentimens &
des idées fpirituelles aveçjja Nature & avec les
Arts. mph .
Il faut obferver enccèré'jque comme les objets
peints paffent par les. ’'ôf^aftes d’un fens très-fin
8c très-adif, qui eft la-vue ; les premières qualités
qui concourent à faire employer le mot
beauté, doivent être des qualités propres^ à flatter
fe fins.; car le regard veut être fatisfait, & la
vue commence toujours par porter une force de
jugement fur ce qui eft fpécialement „de fort r e f fort.
A la vérité, les hommes doués d’un efprit,
ou d’un fentiment très-prompt & rrès-exerce,
eroyent que ces facultés intelleduelles décident
fupérîeurement à toute autre leurs jugemens. En
effet, la promptitude de l’efprit & fouvent celle
dû coeur, font compter fouvent pour rien la première
imprefïiôn du fens phyfîque ; mais les hommes
qui examinent & réfléçhifTent accordent ce
qui lui appartient à chacune de leurs facultés ;
& l'orlqu’ils' fe fervent du mot beauté, ils ne fe
diflïmulent pas que c’eft premièrement en con-
fequence du plaifîr que le fens de la vue communique
au coeuc'ou à l’efprit, qui, a la vérité, y
ajoutent des fentimens & des idées dont on ne
peut leur difputer la propriété.;
- Après avoir regardé la beauté comme, objet
d’une impreffion peu approfondie, foumettons-la
à quelques réflexions élémentaires.,;
Ce qui fatisfait le plus généralement le fens
de la vu e , fönt les proportions.
Les proportions dans le fens le plus ordinaire
à l’égard de la Peinture ,- font les relations que
les parties de chaque objet ont entre elles.
L a f-msfaâion', que nous donne la jufteffe des
proportions, eft attachée à notre nature, a notre
inftind & à nos réflexions. Nous fommes fournis-
à des proportions nécefïaires,, qui fontaia vérité
plus, ou moins exaétes &■ parfaites dans chaque
individu , mais qui ne different pas affèz pour
nuire à la confcience habituelle que nous avons
de ces proportions ,• d’autant qu’elles font une
des bafes de notre exiftence.. Elles contribuent
encore à nos fatisfa&ions & à l’efpèce d’égalité
qui-peut exifter entre nous.
Les parties dé notre corps font proportionnées
à leur tout; elles le font aux ufages qui nous
font propres. Nous en éprouvons même , ;fans nous
en rendre compte, â chaque inftant, les avantages
, & ce n’eft guère que lôrfque notre imagination
s’exalte, que nous délirerions qu’elles fuffent
différentes, pour féconder des defîrs fouvent de-
raifonnables, & dont l’accompliffement feroit nui-
fîble à la forte de bonheur qui nous eft accordé.
Les objets qui nous font étrangers , ont