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qu?il femblât "pouvoir fe contenter de fes ri-
c h elles naturelles Tans emprunter à ceux qui
étoient moinstjpulens que lu i, on apperçoit que
•lorfqu’ il compofa l’un des derniers & des plus
.grands de les ouvrages, il avoir fous les yeux
des études faites d’après le Maflaccio.
En effet., dit M. Reynolds , il eft aifé de
reconnoître qu’ il a employé deux belles figures
>de faint Paul copiées d’ après cetartifte : il s’ elt
fervi de l’ une pour fon faint Paul prêchant a
Athènes, & il a placé l’ autre dans fon tableau
■ du même faint qui punit Elymas le magicien.
I l a aufli emprunté au Maflaccio la figure qui,
dans la prédication de faint P a u l, fe^ trouve
placée entre les auditeurs, ayant la tête enfoncée
dans la poitrine & les yeux fermés ,
comme une perfonne enfévelie dans de profondes
réflexions.
Le changement le plus confidérable qu’a fait
Raphaël à ces deux figures de faint P au l, çon-
fifte dans l ’addition de la main gauche qui ne
fe trouve point à l’ original.
Pour fon facrifice à L ift r ie , il a pris toute
la cérémonie repréfentée fur un bas-relief antique
qu’ on a publié depuis dans Y jtdmiranda Roma-
narum antiquitatum vejlig ia. On pourroit produire
un grand nombre d’autres exemples qui
prouvent que Raphaël n’ a pas dédaigné de
puifer ailleurs que dans fa propre penfée.
Et il faut encore remarquer que l’ouvrage
du Maflaccio, où Raphaël a pris fi librement
ces figures , fe trouve placé dans une eglife de
Florence & par conféquent à peu de diftance
de Rome. I l n’a donc pu regarder cette imitation
comme un plagiat déshonorant, puifqu’ il
devoir être perluadé qu’ il ne manqueroit pas
d’être bientôt découvert. I l étoit, au contraire,
bien convaincu que ces emprunts ne pourroient
nuire à la réputation qu’ il avoit acquife pour
l’ invention , en effet, il n’y a que ceux
qui ne connoiflent ni les matériaux ni U manière
de les employer pour la compofition des
grands ouvrages, a qui de telles imitations
puiflent inl’pirer une opinion défavantageufe à
cet admirable maître.
I l ne faut pas cependant que cet exemple
feduife des artiltes qui , n’ ayant pas les grandes
qualités des conquérans, ne fer oient traités que
de voleurs. Ce n’ eft point avec le défaut ab-
folu d’ idées perfonnelles, qu’ il faut prendre
aux autres leurs idées. Pour voler impunément,
il faut être rfohe , & fi l?on dérobe à fes
prédéçeffeurs ou à fes contemporains, il faut
être en état de reft ituer à la poftérité.
Mais quand en a foi-même de grande* ri-
chefles & le talent de les faire valoir, on peut
encore faire valoir celles d’ autrui. La mafle de
ci s richefles perfonnelles & empruntées ne fai-
fam plus qu’ un même fonds, augmente le tréfor
de lar république des arts.. C’ eft en imuant les
I M P grands maîtres qu’ on devient un grand maître
foi-même, & ce qui fut autrefois une erreur
des naturalises, eft pour les artiftes une grande
vérité : Le ferpent ne devient dragon qu’en
dévorant un ferpent : Serpens, niji ferpentem.
cornederit, non fit draco. ( Article extrait des
ouvrages de MM. Reynolds & Aiengs ).
ï IM P R E S S I O N , (fub ft. fém .). Ce mot
exprime *la fenfation qu’ excitent les ouvrages
de l’art dans l’ame des fpeôateurs. On dit d’ un
tableau qu’ il fait une vive imprejjion, une imprejfion profonde*, qu’ il ne fait qu’ une foible imprejjion, ou même qu’ il, n’en fait aucune.
On appelle auffi imprejjion la préparation d’une
toile , d’ un pan eau , dertinés à être recouverts
par le travail du peintre ; on donne le même
nom à la peinture a couches plates qu’on emploie
dans les bâtjmens, & enfin à l’art d’imprimer
fur le papier ou fur quelqu’autre fubf-
tance, le travail des planches gravées fur bois
ou fur cuivre#,jCes opérations font toutes mécaniques
, & doivent être renvoyées au di&icm-
naire de la pratique des arts.
IMPROVISATEUR , (fuft. mafc./) Les Italiens
nomment improvifatori, les poètes qui
font des vers fur le ch..mp, fur quelque fujet
qu’on veuille leur prqpoftr. M. Reyncls a fait
l’application de ce nom aux peintres qui fe piquent
de faire des tableaux à la hâte , & fana
avoir le temps de réfléchir.
Ce ne font point, d it-il, les ouvrages faits-
à la h â te , qui paflent à la poftérité, & qui
bravent la critique. Je me rappelle qu’étant
un jour à Rome , occupé à admirer le gladiateur
dans la compagnie d’ un fculpteur hab
i le , comme je remarquois l’ efprit avec lequel
cette ftacue étoit exécutée, ainfi que l’attention
lcrupuleufe que l’artifte a donnée au jeu de
chaque mufcle, dans cette attitude moment
tanée de la fo rc e , il me dit qu’ il étoit per-
fuadé q u e , pour faire un ouvrage fi parlait-,
il falloir prefque la vie entière d’ un homme.
Dans la poëfie qu’on peut regarder comme
la foeur de la peinture , tout ce qui eft fait à
; la hâte eft bientôt oublié. Sur cette matière,
j le précepte & l’ exemple d’ un grand poète ,
méritent toute noire attention. L’Abbé Métal-
tafio, qui jouit dans toute l’Europe d’ un nom
fi célèbre 8c fi bien mérité , commença fa carrière
j>ar être improvifateur * elpèce de poëtes
allez commune en Italie. 11 n-y a pas longtemps
qu’ un de les amis lui demanda s’ il ne
croyoit pas que l’hab:tude qu’il avoit contractée
dan- fa jeunefle, d’ inventer & de réciter des
vers ex abrupto , dût être confidérée comme
un heureux commencement de fon éducation.
I l répondit qu’ il penloic au contraire, que cet
exercice lu i avoit été fort nuifiblc. parc»;
I N D
qu’ il lui avoir donné l’habitude de la négligence
& de l’ incorre&ion , qu’ il avoit eu
dans la fuite bien de la peine à vaincre ,
pour y fubftituer une habitude contraire ; celle
de mettre du choix dans fes penfées, & de
les exprimer avec jiiftefle & précifion.
Quelqu’ extraordinaire que puiffe paroître ce
que je vais d ir e , il n’ en7 eft pas moins vrai
qu’ en vain les peintres improvifateur s , fi 1 on
peut fe fervir de ce terme*, prétendent que tout
eft forti de leur penfoe ; & qu’il eft bien rare
q u e , dans leurs prétendues inventions, il fe
trouve quelque chofe qui ait le moindre air
d’ invention 8c d’ originalité. Leurs compofitions
font, en général, des biens-communs, fans intérêt,
fans caractère, fans aucune expreflion,
& on peut les comparer à des difeours fleuris
où il n’y auroit aucun fens.
Je ne prétends pas cependant que le peintre
renonce a l ’avantage & à la néceflite d’ exprimer
rapidement fes idées par des efquifles :
je penfe, au contraire, qu’ il ne fauroit por- -,
ter trop loin ce talent. Le feul mal cju*il y
ait à craindre , c’eft qu’ il n’en refte la , &
qu’enfuite il ne s’ occupe point à donner de
la corredion à fes deflins, par l’ étude de la
nature , & ne prenne plus la peine de jetter
les yeux autour de lui , pour voir les fecours
que les ouvrages des bons maîtres, pourroient
lui fournir. ( Article extrait de M. R eyno lds. )
INCORR ECTION, (fub ft. fem.) Ce mot
ne fe dit que des formes, & fe rapporte par
conféquent au deflin. On ne dit pas d’ un
peintre, qu’ il eft incorrect d’e ffe t, de couleur
, de clair-obfcur, de compofition : mais
on peut lui reprocher d’ être incorred dans
les contours. U incorrection ne détruit pas toujours
la grâce ; le Corrège l’a prouvé. Elle
accompagne ordinairement la grande beauté
du coloris, parce que le peintre craindroit de
fatiguer fa couleur en revenant fur les première
incorrections qui lui font échappées ;
parce qu’il donne plus de foin à la beauté des
tons, qu’à celle des formes, & quelquefois
même > parce qu’ un vice de deflin lui procure
urçe beauté d’ effet. I l ne fé refufe point
au plaifir d’étendre une belle mafle qu’ il fe -
roit obligé de refferrer, s’ il dopnoit à fon
deflin plus d’ exaétitude & c. Un talent fupé-
rieur dans quelques parties capitales de l’ art
fait pardonner Y incorrection- On ne connoît
point de maître plus incorrect que Rembrandt,
& fon incorrection nuit à peine à fa célébrité.
Comme l’école françaife eft loin de fe figna-
ler par les grands preftiges de la couleur , il
ne lui eft pas permis de s’ abandonner à Y incorrection.
( L. )
IN D IV ID U E L . ( ad j. ) Ce qui appartient à
I N D 4P*
à un certain homme en particulier -, & non pas-
à l’homme en général. On dit des formes individuelles
, pour fignifier celles qui diftin-
gent fpécialement un individu. C’ eft l’imitation
de ces formes in d ividu elles, qui caufe la re ife
mb lance des portraits.
Mais ces mêmes formes dans lefquelles^ il retrouve
toujours quelque défe&uofite , détrui-
fent la grandeur du ftyle qui convient a la
peinture de l’hiftoire. Les figures, il eft '| t a i,
doivent même dans ce g en re , être etudiees
d’après nature , fans quoi l’artifte^perdroit deux
qualités bien effentielles, la vérité & la variété;,
mais elles doivent être une imitation de la
nature ennoblie , aggrandie , corrigée.
On enribblit la nature, en négligeant tout
. ce q u i, dans le modèle , a non-feulement um
caraélère bas, mais encore un cara&ère commun
: on l’ aggrandit en ne faifant attention
qu’aux formes grandes , caraéleriftiques, & dont
l’utilité eft fenfible; en les accufant avec
toute la fierté, d’ un a r t ifte , fûr de connoître
ce qui conftitue la beauté, & en faifant abf-
traâion des petites formes dont l’utilité eft-
moins frappante : on la corrige en fupprimant
les défeéluofités qui n’ appartiennent jamais qu’à
l’ individu : car fi l’on veut comparer une meme
forme fur un grand nombre de modèles, on
reconnoîtra que ce qui eft défe&ueux, doit fe
rapporter à la nature particulière, & non pas
à la nature générale. On peut donc pofer pour
maxime que la pèrfeétion eft la nature, &
que la difformité eft individuelle.
I l n’y a perfonne qui n’ ait obfervé qu’en;
[ voyant une bonne imitation in d iv idu e lle , c’ eft-
i à -d iré , un portrait reflemblant, on croit con-
noître l’original. Le premier mot eft ordinairement
: j e V a l vu.quelque part. L’ effet d’ un'
tableau d’hiftoire eft manqué, fi l’ on peut, en
le vo y an t, dire la même chofe. Pour en êrre
frappé comme on le doit, il faut qu’on n’ait
vu nulle part d’hommes auffi beaux , aufli nob
le s, aufli impofans que les héros de ce genre
idéal & lublime.
On admire dans Paul Véronèfe , la grande
machine de fes compofitions & la beauté de
fon coloris : mais comme fes têtes font des
portraits, elles n’ infpirent pas ce refpeft que
doivent imprimer les grands perfonnages de
l’antiquité. Les temps reculés où ces hommes
ont vécu , nous font exagérer la beauté de
leurs formes , & la fierté de leur caraélère :
notre imagination les ^ggrandit ; il faut que
l’ artifte les aggrandiffe comme elle.^ S’il nous
repréfente Brutus facrifiaÄt fon fils à la patrie
fous des traits que nous pouvons voir chaque
jo u r , nous le trouverons d’ autant moins ref--
femblant à l’idée que nous nous en fommes
formée, qu’ il reflemblera davantage à des gens
l aue nous connoiffons. Si les fages , les héros
H L l l i)